Rappel du premier message :


C'est une fraîche journée d'été. Lumi et Ilma reviennent de mission en dehors de Moscou et sont contentes de retrouver la capitale. Enfin, pas autant que leur village natal de rebelles pirates de l'air ! Pour Lumi, c'est toujours l'occasion de se renseigner sur les poupées léguées par ses parents. Pour Ilma en revanche qui ne parle pas bien russe la ville est stressante, heureusement certaines personnes égayent cette ville à commencer par Lumi mais pas que.

Les filles ont rencontré une autre pilote de dirigeable. Elle n'a pas son propre dirigeable à vingt ans mais a vocation de l'avoir. Cette femme s'appelle Natacha Vasilievna Azarova et se trouve justement au même port que les filles. Ces dernières la saluent chaleureusement.

"Aujourd'hui, nous allons visiter la ville avec Ilma ! Est-ce que vous connaissez des coins sympathiques par hasard, madame Azarova ?"

« Le but c’est qu’on se synchronise. Si tu veux je peux compter ? Ou alors on trouve une chanson qu’on connaît toutes les deux et on rame sur le rythme », proposa Raïetchka.

Lumi se met donc à chanter Nuit silencieuse comme elle sait que les jumelles connaissent l'air de la chanson même si ce ne sont pas les mêmes paroles.

Si leur étrange embarcation-chorale attire quelques regards curieux (mais pas hostiles), Raïetchka n’y prête aucune attention. La méthode semble fonctionner, et bientôt elle parvient à plus ou moins synchroniser ses coups de rame avec ceux de l’aviatrice.

Lumi et Ilma peuvent profiter du dépaysement d'être sur une barque flottant mollement sur un bel étang.
"Quel dommage qu'il n'y ait pas de cygnes," s'exclame Lumi, oubliant combien les moscovites sont frileuses avec les animaux, en particulier les "démons".

Le commentaire de la pilote lui valut des regards étonnés des jumelles. « Crois-moi, c’est mieux qu’il y en ait pas. Les cygnes, c’est très beau de loin, mais c’est agressif et hargneux. Les canards sont moins dangereux », répliqua Raïetchka sans hésiter. Oui, les cygnes lui faisaient (un peu) peur, et alors ?

Lumi évoquait seulement l'idée de regarder des cygnes glisser sur la surface du lac mais son interlocutrice avait pointé un fait peu connu de la plupart des gens, seulement focalisé sur la beauté et la grâce de l'oiseau au long cou.
"Comment le sais-tu ?" demanda la jeune fille avec toute une candeur d'innocente, sans se douter du "danger" de la réponse potentielle.

Raïetchka grimaça à la question de leur nouvelle amie : « Parce qu’un cygne m’a chargée il y a quelques années et il m’aurait probablement mordue si mon grand-frère l’avait pas fait fuir. Plus, les cygnes sont en général plutôt agressifs dès qu’ils trouvent qu’on est trop près d’eux. »

Lumi le sait plutôt bien. Quand elle prend sa grande forme de chouette, les oiseaux blancs ébouriffent leurs plumes et s'égosillent à son approche bien qu'elle ne fasse rien pour les défier.
"Les oies sont pareilles !"

« Oui ! », approuva Raïetchka sans hésitation, sous le regard amusé de sa jumelle. « Donc les canards sont mieux. Eux, ils attaquent pas et ils se contentent de nager gentiment sans embêter leur monde. »

"Les canards n'attaquent pas ? Ils font beaucoup de bruits entre eux, quand les mâles chassent les autres mâles ou les femelles."
Comme pagayer sous le soleil donne chaud, Lumi pose sa pagaie pour retirer son manteau, dérangeant Hassel qui y dormait depuis tout ce temps. L'écureuil émet un petit bruit dans le dos la rebelle, sous l'œil effaré d'Ilma.
"Oui, beaucoup de bruits !" dit-elle en espérant faire oublier ce son-surprise.

« Ils n’attaquent pas les humains, en tout cas. C’est le principal pour moi. » À vrai dire, Raïetchka n’avait jamais prêté une attention particulière aux volatiles qui ornaient le lac, à moins qu’ils s’approchent d’elle. C’était plutôt Tsillia qui y prêtait attention pour pouvoir les reproduire fidèlement sur papier. Un bruit étrange lui sortit toutefois les canards de la tête ? « Vous avez entendu ça ? » Tsillia, assise à l’autre bout de la barque, lui jeta un coup d’oeil interrogateur : « Entendu quoi ? »

Le cœur de Lumi rate un battement. Elle prie intérieurement pour que Hassel s'en tienne tranquille.
"Non, rien du tout !" dit-elle le plus innocemment du monde.
Ilma s'aligne aussitôt sur la même attitude que Lumi.

À trois contre un, Raïetchka se dit que peut-être le bruit non-identifié qu’elle avait cru entendre était le fruit de son imagination. Ou peut-être pas, mais en tout cas elle ne l’entendait plus pour le moment. Elles étaient en plein air et en pleine nature (pour Moscou), après tout. Il y avait plein de sources de bruit potentielles. Elle haussa les épaules : « Je ne sais pas, peut-être un des animaux du jardin. En tout cas, ça s'est arrêté. »

"Est-ce que l'eau de cet étang est propre, vous savez ?" demande Lumi en regardant la surface de l'eau (et un peu pour oublier Hassel dans son dos).

Les deux citadines échangèrent un regard intrigué à la question de leur nouvelle amie. « Ben… c’est de l’eau d’étang, c’est pas propre. En tout cas j’irais pas boire ou laver quelque chose dedans. » Raïetchka se demandait bien où l'autre voulait en venir.

Lumi aurait volontiers laper l'eau d'une rivière, voire celle d'un étang sauvage.
"Un étang n'est pas plus sale que n'importe quelle eau, sauf celle des sources !
- Cette eau-ci est sale."
C'était l'intervention d'Ilma. Elle venait de voir quelqu'un vider sa vodka dans l'étang. Qui sait ce qu'ils pouvaient jeter d'autre…

Incompréhension complète des citadines. L’idée qu’une masse d’eau extérieure puisse être propre leur était complètement étrangère. « L’eau du robinet est propre. L’eau à l'extérieur, on ne sait pas ce qu’il peut y avoir dedans, et en plus il y a des animaux qui y vivent ! À limite ça va pour se baigner dedans en été, et encore, pas dans tous les lacs. » Clairement, Raïetchka était sûre de ce qu’elle avançait.

"Mais si les animaux vivent dedans, elle est propre alors. Ce serait inquiétant si ce n'était pas le cas."
Logique imparable.

Hrp : oui, je fais mon Setesh (de Bruxia)

« Bah non, c’est sale l’eau avec des animaux dedans. En tout cas, c’est impropre à la consommation et on ne peut rien laver avec sans la bouillir non plus. » Logique tout aussi imparable, du moins aux yeux de Raïetchka.

Lumi se tourne vers Ilma qui a encore moins de chances d'éclairer sa lanterne avant de revenir vers les jumelles.
"J'ai bu de l'eau de lac jusqu'ici sans problème."
Remettre quatorze ans d'expérience empirique sur l'affirmation de deux filles rencontrées le jour-même était difficilement envisageable.

Etonnement sans borne des deux citadines, pour qui boire de l’eau de lac (ou rivière, ou fleuve ou autre) était aussi inenvisageable que de boire l’eau des toilettes ou de la lessive. « Mais… dans les lacs il y a de la boue, des plantes, des poissons, des oiseaux… » Elle était visiblement abasourdie.

Lumi doit réfléchir à un mot russe qu'elle ne connaît pas. Comment expliquer cette notion ?
"La boue et les plantes font que l'eau est propre et les poissons et les oiseaux sont comme nous. Il faut bien de l'eau pour vivre."

« La boue fait que l’eau est propre… ? » Voilà qui sonnait très étrange pour Raïetchka. Un endroit ou un objet boueux était sale par définition. Dans ces conditions, comment est-ce que de l’eau boueuse pouvait être propre, et plus encore, comment est-ce que la boue pouvait être la responsable de cette propreté?

Lumi fait de son mieux pour trouver les mots qui puissent fonctionner face à des néophytes.
"Oui, c'est très important dans la nature. Les marais purifient les eaux et gardent les choses mortes ou malsaines. Ensuite les plantes les récupèrent pour pousser."

Voilà bien quelque chose qu’on ne leur avait jamais appris ! Les deux jumelles buvaient les paroles de leur nouvelle amie, même si Raïetchka comptait bien vérifier ses dires en rentrant chez elle. Recouper ses sources ne faisait jamais de tort, après tout. « C’est pour ça que les marais puent ? » En tout cas c’était la réputation qu’ils avaient. Raïetchka n’avait jamais été vérifier elle-même.