Nano. RolePlay

Rappel du premier message :

Quelque part dans les monts Krokdor se trouve encore aujourd'hui une montagne rouge parsemée de neige. Cette montagne n'est pas n'importe quelle montagne, c'était alors la résidence principale d'un dragon, un grand et majestueux dragon rouge qui soufflait le feu et tonnait le grondement de la colère. Ce dragon fort menaçant avait un ami, aussi étrange cela fut-il. Il avait pour ami un dragon-fée blanc exilé de sa colonie, un prince banni. Ce dernier avait erré sur les terres désolées à la recherche d'un but ou d'une raison de vivre. Prêt à se laisser mourir de faim, le dragon rouge l'avait nourri et plus que cela, il lui avait redonné goût à la vie.

Je vous passe les détails mais les deux dragons se quittèrent bons amis. Le grand dragon rouge était retourné chez lui, dans sa montagne et le petit dragon blanc avait emménagé à la citée légendaire des elfes pour apprendre à soigner. Le temps passa, le dragonnet blanc apprenait vite et repensait souvent à son ami en se demandant ce qu'il devenait. Ainsi, Fotafilis, c'était le nom du dragon-fée, entreprit un long voyage de la citée des elfes à la Montagne Rouge.

Les oreilles du dragon s'agitèrent alors qu'il reniflait d'un air peu engageant. Mais il s'était un peu renseigné sur la notion d'Amitié et comment l'appliquer concrètement... Viholvä pensait suffisamment connaître Fotafilis pour ne pas devoir craindre son jugement. Presque personne n'avait pu obtenir un tel degré de confiance en sept siècles et demi. Le dragon se lança de la falaise, se sentant comme s'il n'y avait aucun vent d'Ääni pour le porter. "Les Hiisi ont pris la voix de ma Mère pour me rappeler ma Faiblesse. Elle ne pourrait manquer d'être dépité de me voir si malmené par ce maudit Vistustaja."

"Votr-- Ta ? Mère."
Fotafilis se lançait dans le tutoiement. Pour l'instant, cela lui paraissait bizarre. Il laissa un instant pour s'habituer à ce changement.
"L'idée de la décevoir t'incommode, je présume."
Sinon, il aurait ignoré cette voix. Du côté de Fil et sa génitrice, la reine de la colonie, l'indifférence prédisposait. Cette dernière se contentait de pondre et de gouverner ses nombreux enfants. Fil n'existait absolument pas individuellement pour elle.

"M'incommode ?!" trompeta le dragon en redressant la tête. Il était à la fois outré par l'idée et dépité de sentir qu'il trouvait le mot trop faible pour dépeindre son sentiment à son sujet. Un soupir lui échappa. "Je dois à ma Mère mon don et mon talent en chantemagie. Il serait..." Indélicat ? Mortifiant ?... Dangereux ? "Mmh... honteux de la décevoir." La Faiblesse affichée devant sa Mère n'avait soulevé qu'indifférence ou colère. Il préférait s'en abstenir.

Donc, son ami était très incommodé par ses espoirs déçus.
"Que dois-je dire ? Ma propre mère ignore sans doute mon existence. Elle m'a donné la vie, comme à des millions d'autres dragons-fées. Je ne suis même pas sûr que ma désertion aurait pu l'affecter si elle était encore en vie de nos jours… Si je pouvais la décevoir, ce serait le début d'une relation."

Viholvä était confus... Etait-ce un rituel d'Amitié ? Il n'en possédait pas les clés. Quelque chose à voir avec le fait de partager des expériences communes... Que devait-il faire ? Fotafilis sonnait un peu désappointé. Il pouvait le comprendre, s'il se permettait d'accepter de gratter la croûte de sa vieille douleur liée à l'indifférence maternelle. Et au souvenir de la façon dont son Ami avait été si désespéré lors de leur rencontre, au point qu'il l'avait laissé le Lier par le Nom de Fil, le dragon eut un pincement au coeur. Il attrapa un Papillon lumineux qu'il plaça sur le museau de Fotafilis. Un réconfort maladroit.

Fotafilis loucha sur le papillon de lumière.
"Pourquoi fais-tu cela ?"
Il se demandait si son ami cherchait à le réconforter ou le prenait en pitié et si ce geste s'apparentait à un rituel que seul le Chante-mage connaissait.

"Euuuh..." C'était un événement rare mais même Viholvärakuuna le Chante-Mage, Maître des Mots de Pouvoir, pouvait tomber à court de... mots. Il sentait que la chose se répéterait souvent dans toute cette expérience inédite d'Amitié. "Quand je suis triste, je m'occupe de mes Papillons." expliqua-t-il finalement sans regarder Fotafilis, sa queue fouettant l'air dans son agitation gênée.

"Oh, je vois. Et que fais-tu de ces papillons ?" demanda-t-il, le papillon toujours sur le museau.
Le tutoiement gagnait un peu plus en naturel à mesure qu'il l'employait dans une discussion si intime. Il lui semblait que ce genre de discussion remontait à une autre vie.

"Mmmh..." Le dragon se tortilla de gêne un petit moment, indécis à l'idée de continuer sur cette pente glissante d'intimité. Il n'ouvrait jamais son coeur aux autres. Et ses Papillons étaient quelque chose... de très personnel. "Cela dépend de mon humeur." se décida-t-il finalement. Ami, se répétait-il, Fotafilis était son Ami. "Je leur parle, j'admire leurs couleurs, je chanteparle en leur honneur. Ou parfois, je reste juste enseveli sous une couche de Papillons." C'était un toucher délicat qu'il appréciait lors de ses moments les plus vulnérables.

"Ce sont comme des Hiisis bénéfiques. Je regrette d'avoir renoncé à apprendre la chantemagie," dit-il sur le ton du constat.
Sa dernière expérience ne s'était pas bien passée, en effet. Il ne pouvait pas décemment aider Viholvärakuuna avec les siens sans avoir réussi à dompter ceux qui l'avaient tourmenté.

Le concert de trompettes qui agita le dragon fut si fort qu'il fit trembler les parois de la grotte et tomber quelques pierres dans le bain de lave. "Des Hiisi bénéfiques ?" répéta-t-il d'un air ahuri. "Mes Papillons ?" Un autre hoquet surpris le saisit et il resta un moment sans voix. "Les Hiisi ne sont que maléfiques, par tous les Mots ! Ce sont de petits chenapans au mieux, de vrais démons au pire !"

Le lézard blanc cligna des yeux une fois. Lentement.
Était-il si agité lors de notre première rencontre ?
"Et des mots bénéfiques, par quels Noms les définissez-- définis-tu ?"

Le dragon ouvrit la gueule... et la laissa entrouverte avant de la claquer en tordant du museau, aucune réponse ne lui venant. "Les Mots ne sont que des Mots. Ils ne sont ni Maléfiques ni Bénéfiques. Les Hiisi ne portent pas de Mots autres que le Nom des Emotions qui tordent le Coeur : Douleur, Haine, Colère, Avarice, Peur, et tant d'autres." Ses oreilles s'agitèrent. "Mais... je ne sais pas comment Nommer la Force qui rassemble l'Amour, l'Amitié, la Bonté, la Générosité, et tous leurs comparses." Il se gratta une joue. "Je suis curieux maintenant."

"S'il existe une ombre alors il existe aussi une source de lumière. Et ces papillons en sont peut-être. Des Mots de Réconfort, cela parait très intéressant."
Naturellement, si Fotafilis a choisi la voie du marabout ce n'est pas par hasard mais aussi car il souhaite guérir le monde. Changer le paysage, maudire quelqu'un ne sont rien à ses yeux face au réconfort et à la guérison d'une âme.

Fotafilis ne possédait peut-être qu'une compréhension limitée de la chantemagie, il n'en parlait pas moins Vrai. La première leçon que recevait un chamane chante-mage était d'apprendre, souvent à la dure, que l'Equilibre était le Maître-Mot. Mais Viholvä n'avait pourtant jamais entendu parler d'un contrepoint aux Hiisi. Ses yeux, jusqu'alors perdus dans ses songes, se mirent à briller d'intérêt. "Bon point... très bon point !" Il se redressa d'un coup, indifférent aux vagues de lave qu'il envoyait un peu partout dans sa hâte. "Allons en quête, Fotafilis ! L'Impatience du Savoir me ronge les os."

En quête ? Dans l'Entre-monde ?
Fotafilis avait encore un mauvais souvenir de sa dernière expérience en chante-magie. Il ne se sentait pas encore assez en confiance et nullement en manque pour y retourner. Il n'avait pas besoin de chante-magie pour faire ce qu'il faisait jusqu'à présent. Il trouvait même que son ami s'y accrochait trop. Il ne voulait que l'aider à se détendre en lui parlant de choses connues. Peut-être devait-il le lui dire.

Le silence de Fotafilis stoppa le dragon dans son élan. Il était prompt à céder à ses Envies, tant qu'elles n'appelaient pas les Hiisi ; et parmi ces Envies anodines, la Curiosité était celle contre laquelle il luttait le moins. Ou subissait le plus l'Echec. "Tu ne veux pas venir, Fotafilis ?" s'enquit-il tout de même. Il pouvait au moins essayer d'écouter les souhaits de son Ami.

Fotafilis n'avait pas réalisé qu'il avait oublié de répondre. Il songea que le dragon rouge parlait d'une bibliothèque ou d'un autre chamane plutôt que d'aller dans l'Entre-monde.
"Où allons-nous trouver la réponse ? Chez un érudit ou dans une bibliothèque ?"

Le corps longiligne du dragon s'élançait déjà vers la sortie lorsque la question de Fotafilis l'atteignit, et le stoppa net, ses anneaux se carambolant les uns aux autres. Viholvä pencha la tête sur le côté, ses oreilles agitées. "Je ne sais pas. Le Vent d'Ääni me guidera certainement."

Le dragon rouge suggérait à un esprit aussi rationnel que Fotafilis… d'écouter son cœur et de se lancer à l'aventure sans réflexion préalable ?
"Le Vent d'Ääni marche-t-il ainsi ? Dans l'objectif d'accomplir la volonté d'un shaman ?" demanda-t-il, assez curieux.

Un sourire doucement amusé étira les babines du dragon qui abaissa sa tête vers le petit dragon-fée. "Je ne cesse de remettre mon Destin au Vent d'Ääni car il me mène où que ma Volonté veuille aller, même si je ne sais pas encore où se trouve ce que je cherche." Il devinait que le concept devait être compliqué à saisir pour son ami terre-à-terre.

Devant cet assaut de questions, les oreilles du dragon s'agitèrent et, bientôt, un tremblement incontrôlable le secouait ; le Rire s'attaquait à sa Volonté, et la vainquait aisément.

Viholvärakuuna reprit contenance en se râclant la gorge, la tête dressée de fausse solennité. "Pardonne-moi, Fotafilis, je ne voulais pas me moquer. Je savoure juste l'Ironie de notre Amitié : elle est comme le Feu et l'Eau." Le dragon sourit. "Ce qui me paraît l'Evidence est pour toi Abscons, et la réciproque est aussi Vraie. Aaah..."

Viholvä s'affaissa doucement sur le sol en croisant les pattes. "Prenons le temps de tout expliquer."

"Bien, j'écoute."
Fil avait tout son temps et il était heureux de partager ce temps avec son premier ami depuis longtemps.

Viholvärakuuna était un Maître des Mots de Pouvoir... mais il avait parfois - souvent - du mal à trouver les mots, les simples mots de conversation, pour expliquer ce qui relevait de l'évidence pour lui ; Valkulohikäärme n'avait jamais été une enseignante patiente, et il avait souvent appris à la dure.

Le dragon prit donc le temps de rassembler ses idées. On ne pourrait nier ses efforts dans l'acte !

"L'Ääni nous entoure de partout. Ce flux de Magie est Partout et Nulle Part, Un et Multiple à la fois." N'y allait-il déjà pas avec trop de concepts ?? Il s'interrompit pour questionner son Ami du regard.