Nano. RolePlay

Rappel du premier message :

Quelque part dans les monts Krokdor se trouve encore aujourd'hui une montagne rouge parsemée de neige. Cette montagne n'est pas n'importe quelle montagne, c'était alors la résidence principale d'un dragon, un grand et majestueux dragon rouge qui soufflait le feu et tonnait le grondement de la colère. Ce dragon fort menaçant avait un ami, aussi étrange cela fut-il. Il avait pour ami un dragon-fée blanc exilé de sa colonie, un prince banni. Ce dernier avait erré sur les terres désolées à la recherche d'un but ou d'une raison de vivre. Prêt à se laisser mourir de faim, le dragon rouge l'avait nourri et plus que cela, il lui avait redonné goût à la vie.

Je vous passe les détails mais les deux dragons se quittèrent bons amis. Le grand dragon rouge était retourné chez lui, dans sa montagne et le petit dragon blanc avait emménagé à la citée légendaire des elfes pour apprendre à soigner. Le temps passa, le dragonnet blanc apprenait vite et repensait souvent à son ami en se demandant ce qu'il devenait. Ainsi, Fotafilis, c'était le nom du dragon-fée, entreprit un long voyage de la citée des elfes à la Montagne Rouge.

"C'est une manière optimiste de considérer la chose, concéda prudemment le petit dragon. Toutefois, je pense que tu serais véritablement libre et fort si cette peur de l'imperfection n'avait aucun poids sur toi. L'Imperfection n'est pas mauvais en soi. Ce qui est parfait devient immobile, prévisible, sans saveur ou voué à perd en perfection avec le temps. Ce que je veux dire c'est qu'il vaut accepter les choses imparfaites tant qu'elles fonctionnent."

Un rire secoua la gorge du dragon. Il n'avait rien de joyeux, même une cloche mauvaise dans le creux de ses tintements, et il s'entortilla entre des volutes de fumée. "Mais je suis voué à devenir Immobile. Je suis un Eternel et le Temps ne me prendra jamais ma Perfection quand je l'aurai atteinte. Je deviendrai Un avec l'Ääni, on n'y verra plus guère de différence entre mon Esprit et la Parole. Je rejoindrai les Puissances de ce Monde, comme Valkulohikäärme avant moi, et tous les autres Chante-Mages ayant atteint la Grandeur de notre Art !" Une ombre chassa soudainement la condescendance. "Ou alors je rejoindrai le Rien, tant je serai Vain."

"Cette idée d'atteindre la Perfection et de devenir Immobile te plaît-elle ?" demanda Fotafilis, sincèrement curieux d'entendre la réponse.

Viholvä cligna de ses double paupières tant la Perplexité avait figé ses Pensées. On ne lui avait jamais posé cette Question, et il n'y avait pas plus songé. Il pencha son long cou vers son Ami, toujours saisi par son Etonnement : "Que pourrais-je souhaiter d'autre, Fotafilis ? Je ne suis pas un Mortel. Ma Longue Vie n'aura aucune Fin Naturelle. Quand j'aurai vécu plus de dix fois dix mille ans, aurais-je encore envie de me Mouvoir au Rythme des Mortels ? Ma Conception du Temps va ralentir. Je serai Immobile, mais comme une Montagne." Ses yeux se firent lointains. "Non... Un Volcan. Et je Chanterai avec mon Feu."

Subtilement, le dragon rouge répondait à la question par une autre, comme si la réponse allait de soit ou qu'il n'avait pas le choix. Ce faisant, il ne se posait pas réellement la question. Le petite dragon blanc tentait de le faire réfléchir et pourtant le dragon multi-centenaire refusait de s'arrêter. Quel genre de volcan serait-il s'il bougeait sans cesse ?
"Viholvärakuuna, tentez-vous d'éluder ma question ?"
Ferme, le petit dragon campa sur sa question.

La question déclencha un rire chez le dragon. "Non point, mon Ami. Mais c'est comme demander à un Mortel s'il aime l'idée qu'il devra Mourir. Que veux-tu que j'y réponde d'autre ? "

"Oui." répondit alors le Dragon avec une Sincérité qui le faisait sourire. "Je ne savais pas te répondre avant que tu m'en parles, Fotafilis, mais quand j'y ai Pensé et que je me suis vu dans le Volcan... ah ! Quelle Emotion me traversa alors !" Il sentait ses écailles luire de la Chaleur qui émanait de son Coeur. "Je te remercie, mon Ami."

"Le plaisir est partagé, mon ami. Si ton but ultime est de vivre suffisamment vieux pour devenir un volcan alors il faut que tu vaincs le froid dans ton cœur et pour cela, tu dois surpasser ton ennemi et accomplir un exploit dont il est incapable comme appeler un esprit bénéfique. Tu peux le faire." enchaîne Fotafilis qui faisait de son mieux pour retomber sur ses pattes et rediriger le dragon dissident sur leur but.
À côté, les daims mangent toujours de l'herbe.

Le Temps s'alourdit soudainement autour d'eux alors que le dragon restait silencieux.

Puis un long frémissement fit claquer ses écailles, dissipant toute Chaleur autre que la Flamme de sa Colère, et le Feu flamboya dans ses Yeux en avalant l'Onyx. "Oui, je dois Vaincre le Froid." gronda-t-il sourdement, les naseaux frémissants d'anticipation.

Les daims, qui s'étaient redressés, saisis, bramèrent soudainement en agitant leurs antérieurs avant de détaler dans les broussailles.

"Ce n'est pas ce que j'entendais par là en te disant cela. Et les animaux de cet endroit semblent d'accord." dit Fotafilis, un peu gêné de prendre à partie une entité qui pouvait penser tout différemment.
Cependant, si le Bon est ce que croit Fotafilis, ce qu'il a dit est juste.
"Plutôt que le Froid, ce serait la Colère qu'il te faudrait vaincre." risque-t-il.

L'Onyx avait désormais totalement disparu dans les Flammes qui envahissaient son regard. "Sans ma Colère, Fotafilis, je serai déjà Mort, retourné au Néant. Le Maléfice de Vistustaja consume mon Feu. Si j'arrêtais de le Combattre, c'est le Rien qui m'avalerait." Ses naseaux s'évasèrent pour laisser sortir la vapeur qui s'y était accumulée. "Et Vistustaja devra payer le Prix de sa Fourberie."

Avant cette conversation, Viholvä l'aurait interrompu derechef pour faire valoir la Puissance du Feu de la Colère. Mais il se rappelait ce Feu chaleureux qui avait flambé dans son Coeur pour Défendre et Réconforter son Ami, et il resta donc silencieux pour l'écouter attentivement.

Un frisson le saisit à la mention d'un Froid capable de Brûler, car telle était Valkulohikäärme, et il se perdit dans les souvenirs de ses Leçons. Rien dans ce que proposait Fotafilis n'y figurait et le dragon ne s'en sentait que plus confus. "C'est pourtant le seul Chemin qui s'offre à moi. Tu as bien vu mon Echec, Fotafilis. Les Mots du Bon m'échappent."

Fil a l'impression de parler à un enfant.
"Echouer fait partie du processus d'apprentissage. Il est tout à fait normal quand on entreprend quelque chose de nouveau d'échouer une, deux, dix fois avant d'arriver à faire quoi que ce soit. Combien de temps crois-tu où j'ai échoué à me téléporter, me rendre invisible, recoudre une blessure, faire de la divination avec de l'eau ? J'ai échoué tellement que j'ai cessé de compter. Si tu persévères, tu finiras par y arriver, ne perds pas espoir."

Echouer fait partie du processus d'apprentissage.

Non, vraiment. Viholvä avait beau retourner cette phrase dans son esprit, il n'arrivait pas à dépasser son ahurissement à cette idée. Il en était même saisi d'immobilité ! Le dragon cligna des paupières et des sous-paupières un long moment avant de rassembler une réponse.

"Pour Apprendre à Voler, j'ai été jeté d'une falaise. Je ne pouvais pas échouer. Pour Apprendre les Mots de Feu, j'ai été soumis au Froid de Mort. Je ne pouvais pas échouer." Il y aurait eu bien d'autres exemples... "L'Echec n'est pas acceptable pour Vi... pour Valkulohikäärme."

La partie molle du coeur de Viholvä fut particulièrement touchée par ces mots dont il ne comprenait pourtant guère le sens. Toute son éducation le poussait à ajouter un "mais" à chacune des affirmations de Fotafilis, à vouloir demander quel contre-don il désirerait en échange, à songer de quelle façon il se Lierait alors ; Viholvä choisit sagement de ne rien dire de ce tous ces "mais" qui jaillissaient dans son esprit. "Je ne comprends pas." dit-il plus simplement.

Les oreilles du dragon s'agitèrent et il pencha la tête sur le côté dans sa confusion. "L'Amitié serait donc constituée de dons et de contre-dons pour maintenir la neutralité de l'Equilibre ? Comment pourrait-elle générer des Sielulintu dans ce cas, eux qui sont si intimement ancrés dans le Bon ?"

"On ne peut pas être égaux si une promesse est engagée." contre le dragon en s'arc-boutant sur ses idées. "Une Promesse s'engage pour combler une Faiblesse par la Puissance d'un autre. Il y a alors une relation de Dominance. C'est pour cela qu'un Chante-Mage ne peut jamais être Impuissant. Il ne doit se Lier à une telle Soumission."

Et il montait aussitôt sur ses grands chevaux...
"Tu peux voir cela comme une double-promesse. Je comble tes faiblesses au mieux et tu combles les miennes, ainsi il y a bien égalité. Tu peux voir cela comme un effet miroir ou alors sinon comme un groupe. Nous formons une entité entière : un couple d'amis. Nous avons deux esprits, deux corps, un même but."

Les oreilles du dragon s'agitèrent de réflexion. Il claqua légèrement sa gueule en soufflant une légère vapeur alors qu'il ruminait, la queue agitée comme ses pensées. La nouvelle version de l'Amitié proposée par Fotafilis convenait bien mieux à un Chante-Mage : elle reposait sur l'Equilibre. Mais cet Equilibre tenait sur un fil ténu...

"Ce système demanderait d'avoir une Confiance totale envers l'Ami auquel l'Impuissance est dévoilée." Viholvä observa longuement le dragon-fée, le museau songeur. "Ce pourrait... être... po... mmh... envisageable..." Il sonnait toujours dubitatif, des siècles de Méfiance enracinés dans son Instinct.

"Il me semble qu'au moment où tu tentes de me réconforter, ton énergie change et devient plus lumineux comme le soleil. Si... il te faut un danger imminent, je peux sans doute me jeter dans un grand froid et mettre ma vie en péril pour toi."
Mais il lui sera difficile de se mettre en danger ici, dans ce lieu où il n'est même pas possible d'écraser l'herbe. Comment faire ? Si l'Aäni est compétent, il a dû faire les choses bien.