Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



La druidesse mâchonnait  un bâton dont elle  adorait le goût du suc végétal perchée dans un arbre qu'elle a eu un peu de mal à grimper. Ses difficultés concernaient plutôt la recherche d'une prise adéquate à l'aide de ses doigts.  D'habitude, la forêt est  remplie des bruits d'oiseaux à cette heure-ci mais elle était complètement silencieuse.  Brume finit par arrêter de ronger son  bâton et tendre l'oreille pour s'assurer qu'elle avait bien entendu : pas une âme qui vive ! Elle savait ce que ça signifiait : la présence d'une créature redoutable, si dangereuse que les animaux choisissaient de l'éviter.

Attendre ne fut pas vain ; des cliquetements d'os et l'odeur putréfié de corps décomposition parvint à ses sens. L'aveugle pouvait dire leur direction générale et être plus précise en recourant à l'air comme une sonde. Des morts-vivants. Des créatures qui lui donnaient envie de les foudroyer sur le champ. Ce qu'elle fit jusqu'à qu'ils ne furent plus que cendres. Elle regretta juste d'avoir grillé l'herbe environnante.

C'était très ennuyeux de trouver de tels choses. Il fallait aller à la ville ou au village plus proche pour en savoir plus et trouver la cause de ces revenants. Elle sauta de son arbre en utilisant ses sens magiques cette fois-ci, déterminée à passer à l'action.  En arrivant à la ville, elle apprit, comme prévu, des rumeurs de morts vivants dans les environs.

Considérant un instant sa compagne, le danseur parut ravaler toute idée de résistance.

Je le ferai.

Se soutenant mutuellement, ils traversèrent le champ de bataille successivement devenu charnier puis crématoire. C'était un beau combat. Etrange façon de l'exprimer, mais il semblait soulagé de voir tous ces combattants rejoindre leur dernière demeure.

En effet. Elle s'occupera de laver les plaies et les soigner en ville. J'espère ne pas avoir à tomber de sitôt sur un autre nécromancien.

Moi non plus...

Il ouvrit les yeux, un instant déboussolé, incapable de savoir s'il avait répondu sur le moment ou parlé dans son sommeil. Des mains bleutées nouaient un bandage sur son torse, et il regarda leur propriétaire, reconnaissant le visage de la druidesse, penchée sur lui. Il referma les yeux.

Brume ne sut pas trop s'il avait émergé à ce moment-là mais elle s'était doctement occupée de laver ses plaies, de les soigner avec des cataplasmes et de les bander puis l'avait débarrassé de la poussière du combat. Dans le processus, elle avait pu constater le passé violent gravé dans sa chair. Elle attendrait qu'il se soit pleinement reposé pour parler de la suite des évènements.

L'aurore redessinait les contours de la ville, le danseur en admirait la lumière à la fenêtre. Attablé dans l'établissement de la guilde et habillé de frais, il était difficile d'imaginer le combat qu'il avait mené la veille. Non qu'il y ait foule pour le questionner, les plus audacieux des volontaires devaient encore cuver. Il accueillit sa partenaire d'un sobre sourire.

Qu'a-t-il dit ?

Il nous remercie d'avoir résolu l'affaire rapidement et nous  a fourni une somme d'argent. Je l'ai entendu ensuite se vanter que ce sont des aventuriers de sa guilde  qui ont  réglé le problème ; je suppose  qu'il espère récupérer davantage d'aventurier avec notre haut fait. , dit la druidesse attablée avant de se retourner interpellée par la montée subite d'un barde sur une table.J'aimerai vous partager une ballade que j'ai écrite ; Sur les ailes du vent ! Brume se retourne face au guerrier, mi figue mi raisin. Evidmment qu'on a notre chanson...

Laissons-lui une chance.

Le titre prêtait à sourire et la ballade promettait d'être divertissante. Surtout si elle comptait leurs exploits et la combinaison de leur talent, qui ne souffrait aucune exagération. Puis-je t'offrir un verre ?

Je vais me taire et écouter., répondit-t-elle, vaincue par le danseur, avec le sourire avant de s'exclamer. De la bière ! Et de la bonne !

Un léger silence accompagna l'exclamation de la druidesse.

Comme il sied à ma dame.

La voix rieuse, il quitta son siège et s'inclina. Alors qu'il se dirigeait vers le comptoir pour passer commande, le barde commença sa balade. Il conta une magicienne magnifique et un guerrier valeureux, qui avaient échappé aux griffes d'un mage maléfique grâce à la force de leur amour, l'union de la magie et des lames. Revenant à sa table, le danseur ne put retenir un petit rire.

Dommage, il a un bon sens du rythme.

Brume rigola, ce n'était pas tout à fait ça mais cela illustrait bien la force de leur tandem. La chanson ne dit pas toute la vérité, invente des choses et laisse dans l'obscurité les détails glauque comme le bruit et l'odeur mais ce n'est pas grave. Elle divertit bien !

En ce sens, elle atteint son but.

Le son d'une pinte choquant légèrement le bois avertit la magicienne qu'ils étaient servis. Et lui, souriait.

Ma dame, puisqu'à le croire nous sommes amants, m'accorderiez-vous cette danse ?

Je veux bien... Mais ne serait-ce bien que je puisse connaître le nom de mon partenaire de danse ? , répondit favorablement Brume à la proposition de Satel. Elle se saisit de sa chope et l'éclusa comme un bon marin le ferait. Ah ! Ça rince le gosier, ma foi ! C'est de la bonne ale.

Voir une dame de son calibre vider ainsi son godet avait de quoi en choquer plus d'un, mais le danseur commençait à se faire aux manières peu conventionnelles de sa compagne, et choisit d'en rire.

Tu sembles aimer la boisson autant que moi la bonne chair.

Debout derrière elle, sa main tendue en invitation effleurait à peine la sienne. Il se pencha dans son dos jusqu'à atteindre son oreille, où sa voix prit l'accent d'une confidence taquine.

Appelle-moi Satel. Ou... comme il te sied.

Il faut bien profiter des plaisirs de la vie, ha ! Sinon, j'aurais passé près de 1900 ans dans un ennui relativement mortel ! Elle attrapa la main tendue de Satel en invitation. Brume avait, en effet, beaucoup de choses à raconter sur sa vie. Le sais-tu ? Je n'ai pas toujours été aveugle, il fut un temps où mes pas m'ont menés au-delà des mers à découvrir des merveilles qui n'existent plus aujourd'hui ou ravagés la guerre de la Brèche. J'adorai sentir l'odeur de mer et entendre l'écume des vagues. C'était comme une longue... enfance.

Sa main dans la sienne, il se redressa avec elle, prêt à la faire tourner. Tu as égrené l'écume des jours, des années... Il la rapprocha de lui, suivant le mouvement lent et quelques peu lancinant de la balade. Deux millénaires, et tes souvenirs sont intacts. Il sourit, son visage proche du sien, menant une danse bercée de tranquillité aux profondes variations. Me conterais-tu les merveilles de ton enfance ?

Suivre le rythme de la ballade, quelque peu lente, était plaisant, d'autant plus qu'elle était aveugle. Ce qui la mettait en difficulté pour les danses les plus ardues même si elle pourrait employer ses sens magiques pour compenser. Intact ? Je me souviens des choses tel que je les conçois dans ma mémoire ; non tel comme je les ai perçus. Me prêtera-tu ton oreille pour une soirée ou bien plus ?

J'égaie rarement mes soirées de la sorte. Comment refuser une si charmante compagnie ? La danse entre ses bras gagnait autant en liberté qu'en intensité. Il y avait plus de mots dans ses pas que dans ses paroles, une invitation à voir au-delà du corps, une ouverture d'esprit.

Brume rit sans retenue. Le charme des mots et de la danse faisait effet. Soit. Tu m'entendras Satel ! S'il examinait sa bourse d'or, le guerrier contesterait qu'elle est plus lourde que prévu. Un petit cadeau de Brume qui en avait moins besoin que lui.

Et le danseur en semblait sincèrement ravi. Il éloigna sa cavalière de lui, laissant champ libre à sa propre improvisation, avant de la rapprocher à nouveau. Les voyant danser, le barde jouait maintenant les prolongations, charmé de voir sa musique servir à un tel spectacle.

Puisqu'après la danse, viendrait les histoires de mamie Brume, la druidesse sentait que c'était le moment d'en savoir plus sur son compagnon. Et quel est ton histoire Satel ? si tu ne souhaites pas tous partager, je respecterai ton choix. Ce que tu m'en diras me suffira.

Proche de lui et en même temps si loin, elle entendit son soupir amusé.

Ma vie ne vaut pas la peine d'être contée. Un simple clin d'œil au regard de la tienne. Fermant les yeux, il appuya son visage contre le cou de la druidesse, sans intention ni embarras. Je ne vis que pour danser.

Elle pouvait le sentir, son corps toujours en mouvement. Il ne laisserait rien ni personne l'empêcher d'avancer. Pour rien au monde, il n'arrêterait de danser.

Elle avait suffisamment  d'indices avec ses talents de combattants, de danseurs et les cicatrices qu'elles avait pu découvrir sur son corps pour devenir ce qui avait fait la majeure partie de sa vie. Il n'avait pas tort, il ne ressemblait qu'à une chandelle face à la flamme gigantesque que représentait la sienne.  Je capitule. Dans ce cas... Puis-je te conter ma longue enfance ainsi que tu l'as requis ?  , fit-t-elle avec humour.

Puisqu'elle n'avait nullement l'air de s'en offusquer, il garda la druidesse contre lui, au cœur d'un lent balancement propice à la narration. Ainsi se terminait l'aventure d'une magicienne magnifique et d'un guerrier valeureux, et débutait le récit d'une vie à faire pâlir d'envie un dragon. En cet instant de paix et d'éternité, la voix doucereuse du danseur ne pouvait mentir. Je suis tout ouïe.