Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



La druidesse mâchonnait  un bâton dont elle  adorait le goût du suc végétal perchée dans un arbre qu'elle a eu un peu de mal à grimper. Ses difficultés concernaient plutôt la recherche d'une prise adéquate à l'aide de ses doigts.  D'habitude, la forêt est  remplie des bruits d'oiseaux à cette heure-ci mais elle était complètement silencieuse.  Brume finit par arrêter de ronger son  bâton et tendre l'oreille pour s'assurer qu'elle avait bien entendu : pas une âme qui vive ! Elle savait ce que ça signifiait : la présence d'une créature redoutable, si dangereuse que les animaux choisissaient de l'éviter.

Attendre ne fut pas vain ; des cliquetements d'os et l'odeur putréfié de corps décomposition parvint à ses sens. L'aveugle pouvait dire leur direction générale et être plus précise en recourant à l'air comme une sonde. Des morts-vivants. Des créatures qui lui donnaient envie de les foudroyer sur le champ. Ce qu'elle fit jusqu'à qu'ils ne furent plus que cendres. Elle regretta juste d'avoir grillé l'herbe environnante.

C'était très ennuyeux de trouver de tels choses. Il fallait aller à la ville ou au village plus proche pour en savoir plus et trouver la cause de ces revenants. Elle sauta de son arbre en utilisant ses sens magiques cette fois-ci, déterminée à passer à l'action.  En arrivant à la ville, elle apprit, comme prévu, des rumeurs de morts vivants dans les environs.

Si le danseur réagit aux émotions de sa compagne, il n'en laissa rien paraître, les expressions de son visage inaccessibles pour le sens absent de la druidesse. Il se contenta de secouer la tête.
Avançant en éclaireur, le danseur fut cette fois le premier averti. Toujours en mouvement, il devança la druidesse, pour revenir porteur d'informations précises.

Un petit groupe. Les mages protègent une créature montée et semblent sur leurs gardes. Je ne les attaquerai pas de front.

Le départ en éclaireur du danseur puis son retour avec des informations précises poussa la druidesse à réfléchir à une diversion pour s'occuper de ce groupe. C'était ennuyeux  qu'ils soient sur leurs gardes. Es-tu confiant pour divertir leur attention pendant que je les frappe ? ,  demanda-t-elle calmement en baissant la voix à son compagnon.

La question amena un sourire sur les lèvres - et dans la voix - du danseur. S'il était visiblement décidé à se montrer moins impulsif, il n'avait en revanche perdu aucune confiance en ses capacités.

Je suis aussi là pour ça.

Il n'attendit pas pour se faufiler sous le couvert de la forêt. Bientôt, un sifflement précéda un chuintement, puis un cri d'alerte. Un couteau lancé avec adresse avait sectionné net l'une des articulations de la créature arachnoïde. Mais cela ne l'empêchait en rien de se déplacer, et son cavalier la dirigeait droit sur son agresseur. Les mages commençaient leur psalmodie.

Conservant son sens magique pour savoir où se placer, c'est-à-dire à l'opposé de la position du guerrier et du groupe de mort-vivant, Brume élabora son sort de glace puis, lorsque la diversion se déclencha, le libéra sur la position des mages. Des sculptures de mages squelette congelés en prime. Il fallait cependant se dépêcher, le sort ne durerait pas malgré la fraîcheur de la nuit.

Poursuivi par un cavalier indifférent à sa monture mutilée, le danseur n'avait pas attendu de se faire embrocher. Bien plus agile, il avait une avance considérable, et put aisément rejoindre les statues de glaces. Mais s'exposant à la charge de la créature monstrueuse, il n'eut pas le temps de les toucher. Son rire, résonnant au moment où l'offensive du mort-vivant éclata ses alliés en une pluie de glaçons, démontra qu'il n'en avait jamais eu l'intention.
Le danseur semblait n'avoir attendu que ce moment pour se révéler. Sa véritable représentation commença alors, étrange et éphémère ballet entre les pattes d'une araignée.

Brume choisit de surveiller les environs avec ses sens magiques plutôt que de se joindre à l'affrontement. Elle hésitait cependant à faire quelque chose pour réduire l'avantage du squelette monté sur l'étrange araignée géante mais ne souhaitait pas prendre le risque de toucher son propre allié. Exactement comme venait de le faire ce cher chevalier squelette.

La taille de la créature l'avantageait moins qu'elle l'encombrait face à un adversaire aussi petit et mobile que le danseur. Ce dernier s'était perché à hauteur du cavalier, évitant sans mal les coups de lance, rendus maladroits par son allonge inadaptée. Dansant sur la carapace, intouchable, réduire le mort au silence éternel ne fut qu'une formalité.
Privée d'ordre, la créature montée devint bête furieuse, seulement avide de dévorer le parasite sur son dos. La dague habile la priva de ses yeux, mais ne put finir son œuvre : la créature cabra, éjectant son indésirable passager, qui dût rouler pour éviter ses pattes, aussi effilées des épées.

Brume  s'étonna  qu'aucun morts-vivants ne vint les déranger ; elle n'en percevait aucun avec ces sens magiques. Mais c'était bon pour leurs affaires, ils auraient le temps de collecter les éventuels indices laissés par les morts-vivants. Elle savait que la créature n'en avait plus pour longtemps. Elle  avait déjà les paroles réservées aux créatures vivantes rejoignant le repos éternel qui lui fourmillaient les lèvres.

Couvert par la druidesse, le danseur ne devait se soucier que d'un seul adversaire. Se relevant alors que l'araignée arrachait ses pattes à la terre, il sinua bientôt sous son ventre, dansant entre les membres aux mouvements devenus erratiques. Enragée et aveugle, la bête était incapable de suivre sa cadence. Une articulation après l'autre, la chitine tranchée priva la bête de toute échappatoire, les pattes séparées du corps s'agitaient vainement dans le vide. Les mandibules suintaient d'un liquide peu avenant, mais il cloua sa tête au sol avant qu'elle ne tente une dernière attaque désespérée.

La créature achevée après un ballet mortel, Brume s'approcha pour prononcer les paroles de réconfort  au cadavre. Elle le remercia pour sa contribution au cycle de la vie en retournant à la terre et lui donna la bénédiction druidique. Les paroles ont quelque chose qui n'appartenait qu'à l'instant de l'éternité. J'espère que la glace n'a pas détruit les indices dont nous avons besoin pour trouver la source de ces revenants. , dit-t-elle ensuite.

Respectueux, le danseur récupéra une dague argentée au sol avant de reculer. Puis se tint en retrait, regardant la druidesse officier. Elle mit fin elle-même à l'instant presque religieux, faisant retrouver à son compagnon son perpétuel mouvement. Il se retourna vers les corps des mages - du moins ce qu'il en restait.

Certains morceaux d'étoffe sont intacts.

Débarrassé de sa gangue de glace, il rapporta un morceau de cape assez large pour qu'y subsiste un motif. Il le plaça entre les mains fines de l'aveugle.

Le temps ne l'a guère épargné, mais l'on y distingue un blason. Souhaites-tu que je le décrive ?

Oui. J'ai une certaine connaissance des blasons. , répondit immédiatement Brume à la question du guerrier. Elle était satisfaite que son sort n'ait pas détruit les indices, mais espérait ne pas avoir à lancer une divination. Ce n'était pas sa tasse de thé.

La druidesse pouvait sentir les reliefs sous ses doigts, mais en démêler les contours n'était pas une mince affaire. Son compagnon s'efforça donc décrire aussi précisément que possible ce qu'il voyait.

Le tissu est défraîchi, mais on le devine bleu nuit. Les branches aujourd'hui brisées, un arbre devait y être dessiné dans son entier. Il effleura l'étoffe, comme pour mieux s'imprégner du dessin. Ces broderies étaient peut-être des étoiles. Il devait y en avoir plus, à une époque.

En touchant et en écoutant la  description du danseur, elle sentit une certaine familiarité avec le symbole. C'était le sien et celui de sa petite famille de deux enfants. Elle se sentit subitement triste que le nécromancien ait dérangé le repos éternel des camarades  de son fils, Cemred. C'est mon symbole. Celui de la famille Fimrodhel. Mon fils Cemred a livré bataille non loin d'ici face à une armée de Shinokigee sous les ordres de Larae de Niraen, il y a une centaine d'année.   dit-t-elle tandis qu'a mesure que les mots coulaient, un feu de plus en plus intense couvait. Le nécromancien allait payer pour avoir dérangé les morts !

Ton fils. L'émotion palpable dans les paroles de la druidesse n'incitait pas à la confidence, pourtant le danseur alla jusqu'au bout de sa question. Fait-il partie des soldats restés sur ce champ de bataille ?

A l'entendre, colère et chagrin ne lui étaient pas étrangers. Par respect pour l'ancienne et ce qu'elle venait d'apprendre, il s'efforça au silence. Peine perdue, car il ne pouvait se résoudre à l'immobilité.

Sais-tu où le combat a eu lieu ?

Non par la grâce des étoiles. , répondit Brume en fermant les yeux (action inutile, elle ne voyait rien) et en les rouvrant. Une bénédiction dans le malheur. Ce qui ne l'empêchait pas d'être en colère au nom des familles qui ont perdues des proches à cette bataille.  Je sais ou c'est. Je vais t'y mener, mais je dois t'avertir que j'utiliserai probablement des magies à grande échelle pour m'en charger. Tu risques d'être pris en plein dedans.  

Je suis prévenu. La druidesse put l'entendre grincer des dents. Sans qu'elle ne puisse le voir, il lui faisait savoir que ces évènements lui déplaisaient tout autant qu'à elle. Peu importe le camp... Il soupira. Fais ce que tu as à faire.

Le grincement de dents fit comprendre à Brume qu'il partageait sa réaction. C'était  regrettable que des êtres pensants se livrent à ces affrontements  mais  c'était ainsi depuis la Déchirure du Miroir de Guldin. J'ai eu une longue vie, quatre fois supérieure à celle d'un elfe normal.  J'ai connu nombre de gens rejoindre  le repos éternel avant moi. Et, depuis le jour ou j'ai eu des enfants, je me demande si ma flamme de vie continuera même après leurs morts. Je redoute ce moment et en même temps... J'espère partir avant eux.  Je sais que c'est égoïste de ne pas souhaiter souffrir leur perte et de préférer leur infliger ce chagrin.

Suivant le pas de la druidesse devenu guide, le danseur marqua un temps d'arrêt en l'entendant ainsi se confier. Il reprit sa marche, mais répondit d'une voix douce, plus douce que d'ordinaire.

C'est dans l'ordre des choses. Ce n'est pas aux anciens de pleurer les plus jeunes.

C'est ainsi qu'il devrait l'être. L'ordre des choses... Elle l'avait quelque peu perturbé en dépassant la durée de vie de son espèce. Parfois, elle se demandait si ce serait sa punition de regarder ses enfants mourir. La guerre, c'était autre chose, bien plus terrible. C'était un événement qui faisait pleurer les pères, les mères, les épouses et les enfants. Brume elle-même n'intervenait que rarement dans la guerre de la Brèche et uniquement pour mettre fin à des menaces qui prendraient trop de vies. Je crois que nous sommes plus très loin. Je sens un large groupe de morts-vivants.

A son côté, la druidesse pouvait sentir le pas du danseur, léger mais attentif. Il l'écoutait, mais était tout aussi ouvert à leur environnement. Un danger aussi sibyllin et inopiné qu'il soit pouvait difficilement les surprendre. Sa déclaration ne fit que renforcer sa vigilance et sa détermination.

Mon objectif sera de te permettre d'atteindre le nécromant. Son sérieux laissait entrevoir un sourire, ne doutant pas un instant de sa survie. Même si je dois trancher une artère pour cela.

La nuit étoilée commençait à se couvrir, plombée par des nuages sombres de plus en plus épais. Il semblait qu'une tempête couvait, cachée au creux de ces moutons noirs cotonneux. Brume pouvait sentir l'humidité qui montait dans l'air et savait que ça n'avait rien d'une coincidence ; c'était le résultat d'une invocation qu'elle n'avait pas encore faite. Dès que le nécromancien tombera tout devrait s'arrêter, sauf s'il utilise un artefact comme support de réanimation des morts.

Un léger froissement de tissu pour un hochement de tête. L'information n'était pas anodine, il en prenait bonne note.

Ne perdons pas de temps. Nous venons dans la nuit mais il doit s'attendre à notre visite.

A nouveau il devança sa partenaire. Sa confiance semblait désormais assez développée pour ne pas craindre une totale improvisation. Le fracas des armes comme point de repère, lui protégeait ses arrières en allant de l'avant.

Oui. Nous devons en finir avant l'aube. La druidesse ne savait pas à quel point la menace des mort vivants grandirait  s'ils  laissait un répit au nécromancien. Elle commença à incanter ; O Fille de l'Orage, Mère des tempêtes, Puissant Ciel, Moi, Brume du Matin, née Ahyare Fimrodhel vous appelle. Prêtez-moi votre force pour éradiquer l'ennemi de la vie ! En réponse,  l'orage grondant creva les nuages et fit tomber la pluie drue. La foudre tomba incidemment dans les morts-vivants, les réduisant en poussière.

L'effet de surprise serait le dernier dont le danseur pourrait bénéficier. Alors que la druidesse foudroyait sur pied un cavalier et sa monture, ses lames s'étaient déjà chargées d'un fantassin et filaient vers la nuque d'un autre. Très vite il dût dégager les mèches trempées de son front, mais ses adversaires subissaient le même revers, rendus gauches par le sol glissant là où sa rapidité compensait son équilibre. Ils rejoignirent bientôt leurs semblables dans la boue. Le bruit de la pluie battante et la visibilité réduite était presque un avantage pour le combattant solitaire, qui déjà se faufilait vers la seconde vague.