Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



Patya se faufile dans une ruelle au pas de course. Sans ralentir, il tourne au coin et manque de renverser un passant et son violon. Il s'excuse platement, s'assure que tout va bien, salue d'un petit geste et repart en courant, son paquet bien serré sous le bras.

En ce début d'automne, il fait encore doux, son pull lui tient trop chaud. Les joues rouges, il grimpe un escalier quatre à quatre et longe une passerelle à fond de train. Le métro passe comme un fou à sa droite, mais il l'ignore. Il file à l'opposé et s'arrête devant une entrée où il sonne avant d'être avalé par le bâtiment.

Quelques minutes plus tard, le revoilà. Il jette un œil à sa montre et part en direction du chantier. Voilà pourquoi il aime cette course. Le client n'est pas seulement à deux pas de la future cathédrale, il est aussi réglé comme du papier à musique. Patya va pouvoir profiter chaque semaine des avancements des travaux. C'est ma bonne étoile, pense-t-il en arrivant devant le Mémorial.

Il ne vivait pas encore à Moscou lors de l'attentat. Sa famille s'était beaucoup inquiétée pour son frère aîné dès que la nouvelle avait atteint le village. Le télégramme avait rassuré tout le monde, mais le choc n'en était pas moindre. Après son arrivée, Patya avait mis des mois pour aller s'y recueillir. Voir les blocs de pierres éparses et les gerbes de fleurs un peu partout avait eu sur lui un impact bien plus grand que les photos des journaux.

Le sourire de Viktor s'élargit quand il comprend le sous-entendu et il s'élance en même temps que le livreur, lui collant aux basques. Il ne peut pas le dépasser vu qu'il ne sait pas où il vont, mais de toute manière il en serait incapable : ce diable va beaucoup trop vite ! Bon sang ! Dizaine de mètre par dizaine de mètres, Viktor perd du terrain.

Patya ne s'en rend pas compte. Après tout, l'autre lui est passé devant à une vitesse hallucinante, tout à l'heure. Alors il donne tout ce qu'il a. Après le pont, il file sur sa gauche, puis sur sa droite deux rues plus loin, et s'arrête enfin à l'entrée d'une place. Il se retourne pour chercher son compagnon et, ne le trouvant pas, fouille la place du regard. L'aurait-il à nouveau dépasser sans qu'il ne le voie ?

Mains sur les cuisses, Viktor a fini par s'arrêter au milieu d'une rue après avoir perdu son adversaire de vue. Bon sang ! Lui qui pensait être agile et rapide ! Il en revient pas de s'être fait battre à plate couture comme ça. Faut dire que les rues étaient pas très animées aujourd'hui, c'était p'têtre ça ? Peu importe, il a intérêt à s'entrainer pour la prochaine fois !

Après plusieurs longues minutes, Patya doit se rendre à l'évidence : il a perdu son adversaire. Soit celui-ci l'attend ailleurs en pensant l'avoir semé, soit... il a été distancé ?
Patya prend alors une résolution. La prochaine fois, ils décideront d'un point d'arrivée. Sur cette pensée, il repart en courant en direction de l'imprimerie.

~~~

Viktor sifflote en contemplant le chantier. La construction est bien avancée maintenant, et son oeil admiratif revient souvent sur les ouvriers qui, suspendus aux échafaudages, mettent les pierres en place à plusieurs étages au dessus du sol. Lorsqu'il détourne les yeux, c'est pour observer la foule au-dessous en quête de son livreur préféré. Ca fait déjà deux semaines depuis leur course, mais Viktor ne l'a pas oublié. En fait il n'a qu'une hâte : recommencer.

Patya a presque perdu espoir de revoir l'acrobate. Moscou est grande. Sans compter que la semaine précédente, il ne l'a pas vu près du chantier, comme la première fois. Malgré tout, il lève souvent les yeux sur les corniches dans l'espoir de l'apercevoir. Quelle n'est donc sa surprise lorsqu'il le découvre enfin, perché tout près de l'endroit de leur première rencontre. Il ne peut s'empêcher de sourire et tente de s'approcher aussi discrètement que possible...

Il faut quelques instants à Viktor pour repérer le livreur qui s'approche discrètement. Enfin, discrètement... il essaie en tout cas. Mais depuis son perchoir il n'y a pas grand chose que Viktor ne voit pas, et il a passé la matinée à exercer son oeil à suivre l'un ou l'autre détail de la fourmilière qu'est le chantier. Pourtant, il ne bouge pas et se contente de suivre le livreur du coin de l'oeil, curieux de voir ce qu'il va faire.

Tout en avançant furtivement, Patya se demande comment il pourrait le surprendre. Quand soudain lui vient une idée. Il pénètre l'immeuble de son client, livre le paquet, salut le monsieur et... Au lieu de ressortir, il monte encore à la recherche d'une porte donnant sur le toit. Il la trouve, mais celle-ci est fermée à clef. Comment fait-il, l'acrobate ? Déçu, il ressort et lève les yeux. Ohé, du dirigeable !* lance-t-il avec un sourire en coin.

HRP :

La livraison dure sacrément longtemps alors Viktor se concentre à nouveau sur les hommes suspendus comme des araignées sur les flans de la cathédrale, jetant de temps en temps des coups d'oeil vers la porte qu'à franchie le livreur. Il se fait quand même prendre par surprise quand il revient, et encore plus par ses paroles. Au cas où, Viktor regarde au-dessus de sa tête mais le ciel est vide et c'est bien à lui qu'on parle. D'accord. Ohé, de la rue ! répond-il en levant les sourcils.

Patya glousse comme un gamin. Puis sont regard tombe sur la cathédrale, qu'il voit aussi un peu depuis la passerelle. Il hoche le menton dans sa direction. C'est pour elle, que tu te perches là-haut ?

Viktor hoche la tête en souriant, ses yeux rêveurs tournés à nouveau vers le mastodonte de pierre. Sacré spectacle, hein ? Mais puisqu'il est enfin là, sa curiosité revient naturellement vers le livreur. T'as toujours travaillé dans l'coin, toi ?

Patya se perd dans la contemplation de l'édifice pendant quelques secondes. Oh oui, c'est un sacré spectacle. Il a hâte de pénétrer cette cathédrale, admirer ses vitraux et prier sur ses bancs. Non, pas toujours, répond-il en relevant les yeux sur l'acrobate. Je fais ça depuis deux ans. Il marque une pause. Et toi, tu crapahutes toujours sur les toits, comme ça ? T'as pas peur de tomber ?

Viktor secoue la tête en souriant crânement. J'travaille sur un dirigeable. L'Anouchka, qu'il s'appelle ! Le plus beau dirigeable de toute la Russie ! Alors si j'avais l'vertige, ce s'rait un comble, hein ?

C'est clair, répond Patya avec envie. Mais à bord des dirigeables, y a des parois. Pas sur les toits, ajoute-t-il avec un petit sourire admiratif. Tu fais pas des acrobaties en plein vol, dis ? Pour le coup, il est vraiment curieux. Il n'imagine pas des gars se balancer au bout de filin en plein ciel, mais après tout, qu'est-ce qu'il en sait... ?! °-°

Viktor se rengorge de l'air admiratif du livreur puis laisse échapper un soupir dramatique. J'aimerais bien ! Les gabiers font ça, et quand j'en s'rais un j'irais m'balader sur la coque en plein vol moi aussi ! Il croise les bras, l'air soudain sérieux et déterminé. Mais faut que j'fasse mes preuves avant. Y z'acceptent pas n'importe qui chez les gabiers. Surtout sur un long courrier comme l'Anouchka !

Patya n'avait aucune idée que des gens faisaient vraiment ça. °-° Pour le coup, il aurait presque envie de lâcher un "Nom de Dieu !", mais ce ne serait pas très chrétien. Wouaw, fait-il, encore plus admiratif. Alors là, vieux, faut que tu me racontes des trucs sur ton futur métier ! Et ton métier tout court, d'ailleurs ! Je suis pas souvent monté sur un dirigeable et tu me donnes envie de tout savoir !

Ouais, ça peut s'faire. Viktor était flatté, et ne se privait pas de le montrer. Eh ! J'pourrais même t'montrer l'Anouchka si tu veux ! Une merveille de dirigeable, tu verras pas souvent mieux à Moscou ! Et d'un chic. Viktor porte ses doigts à ses lèvres et les embrasse, théâtral. C'est mon jour d'congé donc j'peux attendre la fin d'ton service. Ou alors venir avec toi ? demande-t-il avec enthousiasme.

Patya rit de plaisir devant l'enthousiasme de son nouveau copain. Ouaip, il le considère déjà comme un copain. Moi je suis pas en congés. D'ailleurs, j'ai encore des livraisons à faire. Mais la proposition n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Tu veux qu'on en profite pour une nouvelle course ? demande-t-il les yeux pétillants.

Les yeux de Viktor pétillent en retour. Comment j’pourrais r’fuser ? J’ai une revanche à prendre alors crois pas qu’ce soit si facile cette fois ! Enfin il disait ça, mais il venait d'enchaîner deux semaines de voyage non-stop avec l’Anouchka, alors c’était pas comme s’il avait eu le temps de s'entraîner non plus… Mais il donnerait tout, ça c’était sûr !

Je crois rien, répond-il avec le large sourire de celui qui fait le fier. En compétition, faut impressionner son adversaire par son assurance, il paraît. Du coup j'ai un autre colis à récupérer. Tu connais l'imprimerie L'Encre Verte ? C'est dans [nomderueaupif].

Le nom de la rue lui dit quelque chose mais l'imprimerie par contre... Viktor fouille ses souvenirs pendant que sa main fourrage en même temps dans ses cheveux, un vieux tic. C'pas loin d'la boulangerie qui fait des super bons medoviks*, non ? Avec la librairie toute rouge à côté ? Hormis là où on peut trouver à manger, Viktor ne connait pas si bien que ça le quartier en question, mais il sait au moins comment y aller.



*medovik = gâteaux au miel

Patya sourit. L'acrobate vient de lui donner une idée. Tout à fait. Je propose qu'on se retrouve devant la boulangerie. Le dernier arrivé offre un medovik à l'autre. Il est déjà prêt à partir comme une fusée. Parcours au choix, seul compte le point d'arrivée. Il a conscience que son compagnon a un avantage en passant par les toits, mais il lui reste tout de même les grandes artères, la rivière et sa vitesse pour peut-être le concurrencer. Il est vraiment curieux de savoir lequel l'emportera.

Viktor jauge son adversaire du regard et sourit crânement. Ça m'va. J’suis pas du genre à r'fuser un pari ! Il voit bien que l’autre pourrait partir d’un instant à l’autre et il sent lui aussi l’excitation monter, mais reste à trouver un moyen de donner le départ équitablement. Son regard accroche des planches accrochées à un treuil, que des ouvriers sont en train de monter le long du flanc de la cathédrale. Tu vois ça, d’en bas ? Quand les planches arrivent là-haut on part, ça t’va ?

Patya suit son regard et hoche la tête. Ça m'va ! Il se met en position, le regard fixé sur les planches qui montent doucement à l'assaut du bâtiment. C'est plus lent qu'il n'aurait cru, mais Patya en profite pour dessiner son parcours dans sa tête. Non pas qu'il ne connaisse pas le retour par cœur, mais pour une fois, il réfléchit assidûment à ce qui pourrait lui faire gagner quelques secondes. Lorsqu'enfin les planches atteignent leur destination, il s'élance sans un regard pour l'acrobate.

Viktor est parti dans la même seconde que son adversaire mais... au lieu de suivre la rue, il s'élance à la perpendiculaire et escalade le bâtiment situé derrière celui où il se trouve. Il sait qu'il va devoir traversée la rivière à un moment où à un autre, et il gagnera du temps s'il le fait à un endroit où il n'a pas besoin de redescendre pour ça. D'où le détour qui deviendra, il l'espère, un raccourci.