Rappel du premier message :



Une fois n’est pas coutume, Katja était sur un campus qui n’était pas le sien. Columbia organisait en effet une conférence multidisciplinaire sur la médecine adaptée aux mutants, un sujet qui lui était très cher. Elle espérait simplement que les intervenants seraient pertinents et constructifs et ne ressortiraient pas l’éternel discours du besoin de trouver un « remède » à la mutation. Comme si le gène X était un dangereux pathogène plutôt qu’une évolution naturelle et inéluctable.

Les invités de la matinée avaient heureusement évité ce cliché stupide et exaspérant et présenté des théories et techniques prometteuses et très intéressantes. Katja était restée captivée jusqu’à la fin des questions-réponses, puis avait quitté l’auditoire avec le reste du public pour aller se chercher à manger pendant l’heure et demie de pause prévue pour cela. Restait à trouver la cafétaria sur ce campus, ce qui n’était pas forcément gagné vu qu’elle ne le connaissait absolument pas.

Ah oui, une vie mouvementée, en effet. Katja laissa échapper un fin sifflement : « Bonne chance pour ta décision. Après, j’imagine que ça dépend aussi de ce que tes différentes pistes t’offrent comme débouchées après. » Pour sa part, elle avait toujours visé la recherche, quoiqu’elle combine actuellement ce poste avec un job de prof en high school.

"Les débouchés sont sans importance. Ce qui importe est de savoir dans quel domaine je vais le plus m'amuser. Et pour le coup j'hésite vraiment. J'ai déjà écarter les compétitions de skateboard, j'étais pas assez bon. La boxe je suis un amateur doué mais sans plus, j'ai trop peur de me faire abimer le visage, ça diminue mon efficacité. Homme à la maison c'est cool, mais elle supportera pas de m'avoir sur le dos en permanence, elle télétravaille. Donc reste les étoiles ou le gène X." analyse Eliandre.

C’était décidément très varié comme perspectives de carrière (ou de non-carrière). « Dans le pire des cas, tu peux toujours le jouer aux dés, aux fléchettes ou à pile ou face », suggéra-t-elle. Bon, ce n’étaient pas forcément les méthodes les plus raisonnables, mais ça permettait de trancher.

ll rit à la proposition. "Je t'ai dit que je t'aimais bien ?" Plus sérieusement il faudra qu'il en parle avec sa mère. C'est la seule qui peut lui prendre la tête avec ses choix, mais c'est aussi parce qu'elle est très impliquée. "Je vais voir avec des gens qui sont de bons conseils et je prendrais une décision. C'est pour ça que je me rends à ce genre de conférence aussi. Pour ouvrir mes chakkras. Je parle beaucoup de moi quand même, heureusement que c'est pas une date, sinon tu me trouverais égocentrique."

Cette fois-ci, Katja fut moins prise de court, ce qui lui épargna un autre rougissement gênant. À la place, elle rit une nouvelle fois de bon coeur : « Et tu m’aurais prise pour une folledingue énervée avec un débit de parole bien trop élevé, je pense qu’on est quittes vu la tirade que tu t’es prise. » Elle était consciente de s’emporter assez facilement sur certains sujets sensibles. Elle ne faisait par contre pas des masses d’efforts pour y changer quoi que ce soit.

"C'était mignon tout plein, pas une seconde j'ai pensé à une folledingue." dit-il avec un sourire charmant. "C'est quoi ton pouvoir au fait ?" qu'il demande de but en blanc sans transition et sans préliminaire.

Il se prit un nouveau coup d’oeil sceptique, mais Katja ne commenta pas. Elle marqua un temps d’arrêt à la question (c’est qu’elle n’avait pas l’habitude d’aborder ce sujet avec quelqu’un qu’elle venait à peine de rencontrer), avant de se jeter à l’eau. Si elle voulait normaliser la mutation, elle devait s’habituer à en parler. « Apnée. Je sais pas pourquoi ou comment, mais respirer est optionnel pour moi : je peux retenir ma respiration aussi longtemps que je veux sans suffoquer. Et toi ? »

"C'est génial ça ! Tu peux te la jouer Cousteau mais sans les bouteilles et sans les paliers de décompression. Trop fort !" il s'emballe, d'un autre côté il a encore jamais trouvé un pouvoir totalement nul, et il adore les pouvoirs. "Moi c'est mortellement pas original, télékinésie. Heureusement je suis un gars plein d'imagination. Avec de l'imagination on peut trouver des tas de trucs à faire avec mon pouvoir." il ne rentrera pas dans les détails des trucs qu'il a trouvé à faire dans un lit, mais heureusement son esprit fertile n'est pas que obsédé par le sexe.

L’enthousiasme reprit Katja, sans grande surprise : « Oui ! Et c’était hyper pratique du temps où j’avais un job de maître nageuse en piscine : aucun problème pour repécher les gosses imprudents. » Elle savait reconnaître une perche quand elle en voyait une et saisit sans hésiter celle que lui tendait Eliandre : « De l’imagination, hein ? Comme quoi ? » Et oui, ses pensées à elle étaient parfaitement innocentes.

"Je crains que tu sois trop pure pour que je t'explique là où mon imagination est la plus débordante." commence-t-il avec un sourire grivois placardé sur le visage. Pour le reste je travaille sur bouger les choses évidemment, mais genre plein à la fois en les contrôlant, je travaille aussi sur la compression, la pression de zone et l'explosion télékinétique. Je peux vaguement planer sur ma planche de skate et dans le pire des cas je peux amortir une chute. J'ai testé, je peux jeter une fille du 30e et la rattraper.

Il n’en savait objectivement rien, mais Katja préférait en effet qu’il n’explicite pas si le domaine en question était en effet ce qu’elle soupçonnait. Et en-dehors de ça, il avait l’air d’avoir bien fait le tour de la question. « C’est sacrément varié tout ça ! Si l’astrophysique et la génétique ne te motivent plus à un moment, tu pourrais toujours faire cascadeur de cinéma. Je suis sûre que tes talents seraient très appréciés ! »

"J'y ai pensé, mais bon maintenant avec les CGI c'est plus très vendeur. Et puis je préfère pas montrer ce dont je suis capable. Il y a pas que des mutants sympas et conciliants. Je voudrais pas qu'un jour je sois impuissant à défendre ma moitié parce que mon adversaire connait mes limites et mes petits trucs." explique-t-il très sérieusement. "J'ai beaucoup réfléchi à ça dernièrement." visiblement c'est pas venu tout seul. Il s'est passé quelque chose.

Elle allait suggérer des spectacles en live (meut-être à Broadway ?) s’il craignait la concurrence des effets spéciaux, mais se reprit en entendant la seconde partie de son raisonnement. Évidemment, avec des talents aussi variés, il pouvait être utile de garder un tour dans sa poche. Elle ne releva verbalement que le dernier mot : « Dernièrement ? » Libre à lui de répondre ou d’esquiver our refuser la question.

"Je suis tombé sur 4 imbéciles de la LIRAH qui tourmentaient une jeune mutantes. Le temps que j'intervienne une autre mutante était déjà entrain de rendre une forme de justice. J'ai mis la petite à l'abri, mais l'autre à assassiner les 4 gars. Ca m'a fait gamberger." il ne précise pas le passage un peu honteux où il tient la mutante en son pouvoir mais la laisse finalement partir. Il était trop choqué pour prendre une décision intelligente à ce moment là et à agit égoïstement pour ces intérêts personnels. Il n'est pas fier. Mais ça l'a fait réfléchir.

Très honnêtement, aux yeux de Katja, les 4 imbéciles en question n’avaient eu que ce qu’ils méritaient. Elle s’était trop frottée à cette organisation pour plaider la clémence pour ses membres. Elle tût cependant son avis, puisqu’Eliandre ne semblait pas le partager. « Ça a pas dû être évident, tant pour toi que pour la petite. Tu sais si elle va bien maintenant ? » Une telle épreuve pouvait causer un traumatisme durable.

"Elle va bien. Le Vieux à gérer la situation après que j'ai envoyé un message à une de mes connaissances chez lui. J'ai de nouvelles indirectement." dit simplement Eliandre. "Et j'ai quelqu'un chez l'Aimant qui sait traquer les gens sur le net, on m'a confirmé que la petite va bien." Ouais il connait des mutants dans toutes les strates de la société. Il parle à tout le monde sans discrimination, enfin sauf les meurtriers, il a plus de mal.

Katja était ravie d’entendre que la mutante agressée s’était bien remise, mais elle était encore plus intéressée par les relations éclectiques d’Eliandre. « Tu en connais du monde ! Tu ne te sens jamais tiraillé avec des relations aussi opposées ? » Son ton était léger, mais elle était vraiment curieuse d’entendre sa réponse. Si lui parvenait à jongler entre des relations d’allégeances opposées, peut-être pouvait-elle elle aussi approcher l’Institut pour sa recherche sans craindre de trahir par inadvertence ses frères et soeurs ?

"J'ai du poser des bases saines : Je connais les secrets de personne. Juste des gens qui me rendent service ou non en sachant que je suis neutre et que je fais ma vie comme je l'entends. J'imagine que c'est pas possible pour tout le monde, mais j'ai une voix forte qui parle pour moi chez les gérontophiles et je date une fille qui préfère le vieux qui vole à celui qui roule." explique Eliandre. "Donc je peux trainer avec les uns et les autres sans peur de me faire sonder l'esprit. Dans le pire des cas ils trouveront pas grand chose de croustillant."

Ah. Technique sans doute très efficace, mais il était un peu tard pour que Katja commence à l’appliquer : elle en savait déjà trop long sur la Confrérie et ses membres. Certes, ses infos dataient un peu, mais c’était quand même amplement suffisant pour attirer des ennuis à certains. Et à elle-même, accessoirement. Elle allait devoir revoir son approche le jour où elle contactait l’Institut (pas tout de suite, donc). « Pratique pour se faire une idée des uns et des autres. » Elle était curieuse de savoir si elle connaissait la fille avec qui il était en couple, mais poser la question directement en dirait trop long sur elle-même.

"Se faire une idée ?" dit-il un brin en colère avant de se reprendre. "Je me suis fait une idée très jeune et elle n'a fait que s'accentuer au fil du temps. Je ne fais pas ça pour me faire une idée. Je me contente de suivre ma voie. J'ai pas besoin d'un vieux au dessus de mon épaule pour me dire comment faire. Ils ont tous les deux leurs torts et tous les deux ont raisons dans certains domaines. Moi j'aime les individus, une fois en groupe ils changent. Alors je rencontre des individus et ils savent, je suis là pour eux, pas pour vendre des idées."

Katja finit sa pizza et entama son brownie, pensive. « un vieux qui dit comment faire » ? Ce n’était pas comme ça qu’elle avait vécu son temps dans la Confrérie. C'est même à peine si elle avait vu le « vieux » en question. Mais elle y avait trouvé une nouvelle fratrie qui lui avait donné confiance en elle et de quoi se défendre dans la vie de tous les jours. Une cause pour laquelle se battre. Dommage qu’elle ait découvert par la suite que certains de ses frères et soeurs avaient l’offensive un peu facile et radicale. « Ca reste un joli tour d’équilibriste. J’imagine que tu ne mélanges pas tes relations d’un camp et de l’autre par contre ? »

"Jamais si j'ai le choix." confirme Eliandre. "Et toi ? tu penches pour qui ?" demande-t-il ensuite de manière directe, sans détour et surtout sans la moindre gène. D'un autre côté il vient de raconter une grande partie de sa vie. Donc il n'a pas de problème a être indiscret. Il a déjà eu des indices, mais il préfère que les choses soient claires. "A qui je dois éviter de te présenter ?" ce n'est pas que de la curiosité. Il veut pas faire d'impair non plus dans le futur.

Eeet bingo, la question à laquelle Katja aurait préféré ne pas répondre. « Je penche pas vraiment pour le moment. » Enfin si, en quelque sorte, puisqu’elle était plus proche du cynisme de la Confrérie vis-à-vis de la classe dominante que de l’idéalisme du Prof X qui s’imaginait pouvoir négocier avec eux. Comme s’il fallait négocier le droit de vivre librement et en sécurité. Mais certaines idées et méthodes de ses frères et soeurs lui laissaient un goût amer dans la bouche. Pouvait-elle se risquer à parler de son passé ? Allez, qui ne tente rien n’a rien : « Mais disons que je connais quelques personnes côté aimanté. »

"Ok." dit-il sans la moindre trace de jugement, il prend note c'est tout. "Donc j'évite de te présenter à mes connaissances de chez crâne d'œuf." Visiblement c'est pas compliqué pour lui. Faut juste qu'il évite de mélanger les torchons et les serviettes. "Tu es pas du genre à tuer sans raison hein ?" il enchaine directement avec la question qui est importante à ces yeux. Visiblement l'apparence innocente de la jeune femme n'entre pas en ligne de compte une seule seconde. Les apparences sont trompeuses.

Le sort en était jeté, l’avenir dirait si elle avait eu raison de lui faire confiance. Mais il avait pas appelé les flics ou les X-Men, c’était déjà ça. Elle n’hésita par contre pas du tout avant de répondre à la question suivante : « Non ! » Pas sans raison, en tout cas. Après, une raison suffisante à ses yeux pouvait ne pas l’être aux yeux d’Eliandre, donc elle n’allait pas entrer dans les détails. Mais elle lui épargna une blague de mauvais goût sur le fait que c’était plutôt un truc d’Américain d’avoir la gâchette rapide.