Rappel du premier message :




Lulu par-ci, Lulu par-là. Sérieusement, ma soeur ne va pas me lâcher la grappe ! Depuis que je me suis pris une balle dans le bide, elle croit que je suis en sucre et me sûr protège. Si seulement j'avais le droit d'aller travailler pour avoir un peu de répit, mais non, ça non-plus j'y ai pas le droit "en attendant que tu sois remise". Ne vous détrompez pas, j'aime ma soeur, mais trop c'est trop. Alors je me trouve des activités, des associations qui bougent, des trucs à faire.

Présentement mon truc à faire c'est d'aller manifester sous les fenêtre d'un Ducon qui s'oppose à la ratification du Mutant Act, cette loi qui obligerait le recensement de tous les mutants et de leur pouvoir, nous permettant d'être un peu plus en sécurité dans notre pays tout de même. Bref un connard qui pense qu'on est égaux avec des mutants qui peuvent faire croire à votre collègue que vous êtes une cible et qu'il faut vous tirer dessus. Ce genre de trucs sympas quoi.

Il ne fait pas un super temps, mais au moins on n'a pas l'impression qu'on va se prendre une averse. On fera avec le froid.

Avoir peur de la populace était une chose. Mais là, il poussait un peu le bouchon, je trouve. Il n'avait pas un service de sécurité ? Quelque chose comme ça ?

"Mais que fait la police ?" Fis-je, ironiquement, les bras croisés.

Cela dit, à entendre le bruit que faisaient les manifestants en arrivant vers nous, je n'aurais pas exactement aimé être à sa place.

"S'il vous plaît, ne dites rien ; ils vont me tuer..."
Il avait l'air complètement à côté de ses pompes, le pauvre.

Je ne me sens zéro concernée. J'suis pas la police. Pourtant j'lui lance un regard noir.

"J'vous ai déjà dit ma façon de penser, démerdez-vous avec le dégarni."

Un ange passa et nous restions là, à faire barrage devant la babouchka éperdue. Quand le maire me regarda, je compris que Lucie faisait référence à moi. L'indignation me gagna une fraction de seconde.

"Le dégar... Bon, vous allez la voter, cette loi, ou pas ?
- Que... Comment ? Euh, oui, bien sûr !
- Persuadez-moi."

Et, sans ménagement, je l'emportai derrière la sortie de secours de l'immeuble attenant, à l'abris des regards indiscrets.

Bien, j'adore la lueur de désapprobation dans le regard d'Is'. Vengeance pour le Whodonnut. Par contre j'aime beaucoup moins me retrouver dans cette pièce noire avec un maire déguisé en femme. On est où ? Je cherche des indices, l'odeur est le plus violent d'entre eux... Ne serions nous pas dans l'arrière cuisine du New York Chilly ? Si, ce doux parfum d'épices ne trompe personne. J'laurait peut-être mon tacos.

"On vous écoute."

Il tremblait comme une feuille. Je ne remarquai pas les échos de dispute conjugale hispanophone qui résonnaient dans le couloir de maintenance où nous étions.

"Mais, vous persuader de quoi ?
- Que vous allez t'nir parole. 'Voyez, on aimerait bien savoir qu'on va pas s'faire butter par un mutant au premier coin d'rue sans qu'il risque quoi qu'ce soit. D'la Justice, merde ! C'est trop d'mander ?
- C'est hélas un sujet très complexe. Comment dire..."

"La décision ne dépendant pas de moi non plus. J'entends bien que les mutants ont un potentiel à être dangereux, mais tout le monde est innocent tant qu'il n'a pas commis de crimes. Aussi cette loi pourrait aller contre la constitution même, restreignant la liberté de citoyens américains. Faire des listes avec des gens pour une raison génétique n'a jamais aidé l'humain à s'élever, regardez pendant la seconde guerre mondiale..." il déblatère.

Et bla bla bla bla.

"Alors, z'avez qu'à dire qu'leurs pouvoirs sont des armes et...
- Impossible, la jurisprudence serait ingérable. Les mutations sont trop variées, et...
- Ouais, ouais..."

Des excuses, tout ça !

"Les mutants sont dangereux pour eux-mêmes, nan ? Bon, bah ça veut dire que c'est une condition d'santé. Et j'suis à peu près sûr qu'les assurances ont l'droit récolter ça. Les lois sanitaires peuvent aller au d'ssus des autres, m'semble.
- ¡Arruinas mi vida!"

"Tant qu'on ne fait rien on ne peut rien faire de mal c'est ça votre point de vue ?" je m'insurge...

Mais à ce moment débarque une femme furibonde avec un fillet à cheveux dans la main. Elle nous regarde et se met à hurler.

¿QUE HACEN AQUI?

Ivre de colère, la mama. Quelque chose me dit que ça allait bien arranger le mari, mais certainement pas nous. Ni le maire.

Après une seconde de silence très gênant, la porte par laquelle nous étions entrés s'ouvrit avec fracas, et une demi-douzaine de personnes déboulèrent bruyamment.

"¡grupo de pequeños matones!
- C'est lui ! C'est l'maire !
- Un hijab, sans déconner ?
- J'm'y connais que dalle en littérature, mais c'est shakespearien de ouf." Fis-je à Lucie.

"Oui sans doute, j'en sais rien, par contre si on pouvait se barrer..." mais même si on bousculait la cuisinière on ne réussirait pas à filer en douce. Je soupire.

"Messieurs dames on garde son calme et on sort de l'arrière cuisine de ce restaurant. Vous êtes en colère et ça se comprend, monsieur le maire va regagner sa mairie, et il prendra en compte l'avis de ses administrés s'il veut être réélu, ou pas s'il ne veut pas l'être."

Normalement, c'était le moment où je sortais une punchline stylée pour détendre l'atmosphère, mais un type cracha, avec un tic à l'œil gauche.

"C'est des conneries ! Y'a pas d'vraies élections, et tout. Les démocrates, c'tous des faudeurs, on l'a jamais élu !
- 'Garde comme y s'déguise ! C'pour aller dans sa pouponnière en scred boire d'l'adrénochrome."

J'étais estomaqué que ce pécore connaisse un mot aussi compliqué. Quoique, c'était peut-être pas la cas, j'en savais rien.

"Dans tous les cas, c'est pas l'arrière boutique de braves gens qu'vous aller régler vos comptes... Et vous n'allez pas vous en prendre à ce type parce que vous êtes trop intelligents pour finir en taule pour un gars comme-lui. Il y a des témoins, plusieurs caméras dans la pièce, si vous faites quoi que ce soit de violent, ça vous retombera dessus. Tôt ou tard. Par contre le maire vous écoute, c'est le moment d'essayer de le convaincre."

Pour les caméras je mythonne mais ça ils ne sont pas obligés de le savoir.

Il était temps de mettre les voiles. Les on-en-a-gros ne savaient pas trop quoi faire. L'un d'eux ouvrit la porte d'un coup de pieds rageur.

"C'est un peu comme si on était dans la loge VIP pendant qu'les autres attendent comme des cons dans la salle de spectacle." Je ris grinçai de la voix.

"Vous allez vous tirer de mon restaurant, bon sang ? Ah, Jesús..."
Il était plus que temps.

J'emboîtai le pas à un maire sur le fil.

La foule de six personnes m'écoute. Ce qui me choque pas mal à vrai dire mais aucun de nous n'a envie de demander son reste.

"Maintenant on va tous suivre monsieur le maire dans son bureau pour qu'il nous écoute dans les meilleures conditions..."

Même si l'idée de nous casser est tentante s'ils lui refont le portrait je me sentirais coupable.

Une fois sortis, j'aurais pensé que toute cette histoire serait réglée. Qu'une longue et gênante escorte allait aboutir aux portes de service de la mairie, et qu'on n'en parlerait plus.

Mais l'un des types qui nous accompagnait avait démarré un streaming sur les réseaux sociaux, et il s'adressait à l'objectif en prenant le maire en arrière plan :
"Hey les gars, j'suis avec Sa Majesté l'maire, et regardez : une foutue mère-grand ruskov, qu'on dirait !"

Voyons voir, qu'est-ce qui pourrait encore arriver de pire ? Non parce que les instagrammeurs à la con, ça a des followers et des followers dans la manifestations évidemment. Sérieusement.

"Repli stratégique vers la mairie si vous tenez à votre peau." je glisse au maire.

"Il a trop la honte, y s'barre, regardez ! Shaaame !
- Je crois qu'il essaye de r'jouer un épisode de Game of Thrones..." Fis-je distraitement à Lucie.

Je suivais le groupe, sans trop savoir pourquoi. De l'autre côté de la rue nous parvint crescendo un brouhaha de hâte. Quelque chose me disait qu'on allait rejouer une scène typique de film Z.

"Au fait, monsieur l'maire : vot' robe se soulève, là."
Simple courtoisie.

Damn ! Il avait poussé le détail...

Et bien oui, c'est définitif. Quand on croit que le pire est arrivé c'est qu'on n'a pas assez d'imagination. En plus des shames des manifestants se joignent bientôt ceux... Des riverains à leurs fenêtres. Il y en à un qui trouve intelligent de balancer des oeufs sans savoir viser...

"Qu'est-ce qu'on fout là putain ?"

Nerveux, le streameur (c'est comme ça qu'on dit, hein ?) se tourna vers les fenêtres.
"Hey, tirez pas ! On est là aussi !"

Nous arrivâmes enfin au niveau de la mairie, dont l'entrée était barrée de poubelles publiques. Le maire n'était pas exactement aussi discret qu'à sa sortie.

"Oh mon Dieu, on n'entrera jamais.
- Ecartez-vous, tout l'monde : la vieille dame a b'soin d'son insuline !"

Franchement ? Ma vie est une longue et étrange improvisation.

Non sérieux ? La foule s'ouvre devant nous ? Israël tu as le cul bordé de nouilles ! Les portes de la mairie se referment sur nous. Et maintenant ? À mes pensées font échos les paroles du maire.

"Allez vous changer. Putain. "

En tant qu'acteur de doublage, j'étais fier de mon coup. Je ne savais pas si c'était de la chance ou du talent.

La foule qui nous talonnait venait de rejoindre le parvis. Le cinéaste en herbe filmait l'intérieur comme s'il s'agissait de la chapelle Sixtine.
"T'es au courant qu'c'est ouvert tous les jours d'la s'maine, hein ?
- Euh, ouais... Hey, donne-nous des réponses, toi ! Tu vas voter quoi ?" Dit-il, semblant se reprendre.

Désolée mais tu n'as pas à le savoir, et si tu ranges pas ton putain de téléphone je te le fais bouffer.

"À ta place j'rangerais mon téléphone au lieu de poser des questions à la con. T'es dans un lieu privé le week-end, l'droit à l'image et à la vie privée tout ça."

Je souris, mais j't'avoue que mes cheveux remplis d'oeuf n'me donnent pas envie d'être diplomate.

Une fois que Lucie venait de glacer l'atmosphère, je remarquai à quel point elle avait été visée. Alors c'était vrai, ce qu'on disait sur les noirs : ils se prenaient vraiment plus souvent des cartons que les autres...

Je baissais les yeux, rassuré d'avoir reçu moi aussi quelques œufs sur ma doudoune, mais le maire se rebella.

"Ca suffit, maintenant ! J'ai déjà exprimé mon opinion sur cette proposition de loi, et le reste ne regarde que moi !"

Non mais lui il me casse tellement les ovaires.

"Votre vote n'regarde que vous, et ceux que vous représentez. Quand vous décrédibilisez vot' putain de fonction en vous habillant comme une prostituée pour fuir vos responsabilités, ça r'garde pas qu'vous non plus. C'est nous les crétins qu'avons voté pour un branque. Commencez par aller vous changer avant d'essayer d'faire comme si vous aviez la moindre autorité."

Ok. Moi faut que j'arrête de m'en mêler.

Se reprenant, le maire rougit d'indignation. C'est dingue ce qu'il ressemblait à une matriochka, comme ça !

"Je ne vous permets pas ! J'ai été élu, et je ne me suis jamais caché vis-à-vis de mon engagement pour une meilleure intégration des mutants dans notre société. Ne vous en déplaise, je respecte mes promesses électorales, contrairement aux républicains. Et il n'est pas question que je donne mon concours à une loi liberticide et discriminatoire !"