Nano. RolePlay

Rappel du premier message :




Le VAB s'avançait le long de la voie de chemin de fer, direction Trondheim. Manque d'entretien et intempéries obligent, le temps avait défoncé les routes au delà de toute rédemption. Avec leur espace dégagé et leur surface recouverte de ballast, les lignes ferroviaires offraient la seule alternative confortable pour les véhicules roulants.

En deux ans, le paysage norvégien avait bien changé. Les villes et, plus encore, les espaces extra-urbains. Or, s'ils voulaient escalader les collines escarpées jusqu'à la station de diffusion radiologique au nord de Vannstad, avec tout le matériel et les hommes de l'unité Reco-1, il faudrait trouver un itinéraire optimisé.

Et puis, c'était une opportunité en or pour mettre à jour leurs connaissances quant à leur propre pays. Pour l'heure, un drone était en tête du convoi, un demi-kilomètre plus loin, mais lorsqu'ils allaient prendre de la hauteur, les vents ne permettraient plus son utilisation.

"C'est pourquoi on vous a proposée de faire partie de cette expédition."

Seifur jeta un œil à son dossier en papier recyclé.

"Hum... Dois-je vous appeler Dina ou Ina ? Mme Johansen, peut-être ?"

Plutôt que de la regarder, il tendit son oreille vers elle, à cause du bruit ambiant.

Ina s'avança pour présenter la trouvaille de sa chienne. Elle tenait dans la main un éclat de bois.
"Ce bois n'est pas comme les autres présents sur les lieux. Il ne correspond à rien de présent ici et… Eyra lui trouve une drôle d'odeur."
Ina l'avait senti. C'était une odeur écœurante et sucrée qu'elle connaissait assez bien : du sang.

Seifur observa attentivement le bois.

"Ca ne ressemble pas à un déchet. Ca a été manufacturé avec soin. Enfin, pour ce que j'en sais... Tu crois qu'Eyra pourrait remonter sa trace ?"

Ina n'en savait rien. Elle avait essayé beaucoup de choses avec Eyra, déjà s'en occuper convenablement, ensuite lui apprendre à obéir, se taire à tout prix, à sentir les zombies et les lui signaler discrètement puis enfin à chasser les lapins.
"Je vais essayer."
L'éclaireuse remontra leur seule piste à la chienne.
"Cherche Eyra, cherche."
L'animal renifla prudemment le bout de bois. Elle dû se remémorer les traques aux lapins car elle finit par renifler sur le sol.

Tout le monde se mit à suivre Eyra. Certains avaient même un sourire aux lèvres en regardant la chienne secouer sa queue, s'affairant sérieusement à faire sa part. Mais au bout de cinq minutes, Seifur brisa quelque peu le silence en désignant les traces de plus en plus effacées qu'ils suivaient manifestement.

"J'ai un mauvais présentiment.
- Cinq degré nord, toujours.
- Le début de trace, puis l'odeur : les deux pistes semblent mener vers le poste de diffusion."

Ina soupçonnait que la fameuse station radio, l'objectif de leur mission, était occupée par des gens capables… d'inhumanité pour arriver à leurs fins. Pourquoi s'appelaient-ils des "vampires" et pourquoi le morceau de bois qu'elle tenait dans sa main sentait le vieux sang ?
"Ces gens sont peut-être des cannibales..."
Est-ce qu'elle avait écrit trop de fictions pour piocher une idée si saugrenue ? L'humanité avait prouvé qu'elle était capable du pire.

Lorsqu'Ina parla de cannibales, quelques soldats rirent ; mais c'était un rire tendu, nerveux.

Seifur eut une parole distante, presque pour lui-même.
"Certains auraient pu écrire 'trolls' au lieu de 'vampires'. Quoiqu'il en soit, nous en auront le cœur net dans un peu moins d'une heure."

A ce stade, les traces avaient complètement disparues et seule Eyra les menaient vers leur destination mystérieuse.

Il était clair pour Ina que leurs indices ne présageaient rien de bon. Quelles explications complexes pourraient expliquer la cruauté de mettre à sac d'autres groupes en ignorant complètement les zombies, leur "véritable" ennemi ? Ils allaient devoir démanteler et même tuer de tels personnages. Les soldats étaient entraînés, armés. Quelle menace pouvait leur opposer un groupe dissident ? Ina surveillait toujours les alentours, prête à protéger sa chienne en cas d'attaque. Cet animal était sa dernière attache au vieux monde.

Ils marchèrent encore on bon moment. Moins longtemps que le trajet en VAB, mais le fait de devoir monter à pieds dans les bois avait ce quelque chose d'épuisant qui étirait le temps.

"Je crois qu'on est arrivés." Fit le pilote de drones.

En effet, le ciel transparaissait plus clairement à travers la canopée et un rectangle noir se découpait en contrejour de leur horizon.

"La station. A partir de maintenant, on réduit la vitesse. Priorité à la discrétion."

"Nous ferions peut-être mieux de faire un détour. Arriver directement du village pourrait s'avérer risqué car trop prévisible. Nous ferions mieux de privilégier un trajet moins évident."
Mais quel trajet moins évident, là est la question. La pente escarpée les épuiserait trop et la forêt était potentiellement remplie d'animaux sauvages. Surtout qu'il faudrait arriver et prendre possession de l'endroit avant la nuit.

Seifur hocha vigoureusement la tête, se rendit derrière une souche renversée qui faisait un abris et fit un signe de rassemblement avant de s'accroupir.

"Comme l'a dit Ina, il faut encercler le périmètre. C'est une tour de diffusion-réception, donc on coupe notre canal. C'est probablement comme ça qu'ils nous ont entendu arriver. A partir de maintenant, on fait tout au timing. Assurons-nous d'être bien synchronisés." Dit-il, en tendant son poignet pour montrer sa montre.

Ina ajusta donc sa montre abîmée jusqu'à la corde. Elle prit sur elle de prendre le chemin le plus étroit. Il fallait bien que sa minceur et sa petite taille lui serve à un moment. Avancer avec sa chienne ne la dérangeait pas. Ce n'était pas du tout qu'elle considérait les autres comme des boulets mais ils n'avaient clairement pas la même spécialité. S'ils rentraient sains et saufs à la base, elle apprendrait à les connaître.

Seifur donna ses instructions. Ils poussèrent l'anéchoïsme de leurs suppresseurs au maximum et s'enfoncèrent dans les fougères, avançant avec lenteur, dans des directions différentes.

Seifur fit de même. La tactique était claire : encercler, observer et, s'il le fallait, éliminer, à des moments définis à l'avance. Dans son itinéraire, il s'arrangea pour qu'Ina reste en vue.

Pour arranger les choses, il découvrirent bien vite que la station était un ancien fortin.

Ina s'éloignait de plus en plus du reste du groupe, disparaissant sous les branchages. Elle avait survécu avec presque ses seules ressources pendant plus de dix-huit mois. Ce faisant, elle progressa plus rapidement que les autres et découvrit bien assez tôt le fortin. Très dur à infiltrer, ce groupe avait décidément bien choisi son repère. Il faudrait les décider à sortir pour avoir une chance de les en déloger… Attendre ou lancer un piège. Elle réfléchit davantage.

Seifur se posta près d'un tertre à l'ombre des feuillages. L'heure n'était pas encore venue de passer à l'action. Il avait défini une marge confortable pour le détachement qui devrait contourner les lieux.

Deux hommes, manifestement sur leurs gardes, observaient alentours depuis le parapet. Ils semblaient posséder de l'équipement militaire et... Quelque chose, sur le visage. Rien n'indiquait cependant qu'il s'agisse de barbares sanguinaires.

Jusqu'à ce que cela se produise.

"Cela" ne surprit pas tant que cela Ina. Elle s'attendait à une nouvelle scène de cruauté. Un troisième gars venait de jeter par le parapet une personne. L'impact semblait si léger vu de loin mais intérieurement Ina comprenait que leur victime ne ferait plus long feu toute seule. Ils avaient laissé le zombie au village et voilà maintenant ce qu'ils faisaient aux personnes encore saines. Mais pourquoi et dans quel but ? Le plus urgent était de les arrêter.

Seifur ne prit même pas la peine de tirer. Dès lors que le craquement du corps avait retenti sur le sol (non loin d'un petit pick-up), les deux silhouettes s'affaissaient déjà, touchées à la tête.

Se faufilant dans les herbes hautes, il reprit sa progression. C'est alors que des cris d'alarme retentirent. On avait découvert les corps. Alors, quelques secondes plus tard : une explosion, des rafales.

Ca venait de l'autre côté. Ses hommes faisaient diversion.

Ina ne bougea pas. Elle devait restée à couvert, ils ignoraient encore quelles armes dont le groupe de "vampires" disposait. Elle passait la main sur la tête de sa chienne pour la rassurer.
"Ça ira, t'en fais pas."
Elle privilégia l'observation des fenêtres aux angles que le reste du groupe ne pouvait voir. Avec sa lunette, elle chercha un visage, une cible.

Seifur avançait le plus discrètement possible. L'attention de l'ennemi était tournée vers l'ouest et des voix émanaient de nouveau des parapets. Des rafales éclatèrent en réponse, plus généreuses, plus bruyantes, fauchant arbres et rochers.

Arrivé sur la surface de graviers à découvert qui encerclait le fortin, il sprinta jusqu'au pick-up, mais vit au dernier moment un homme muni d'un AK-74 se pencher du rempart.

Seifur eut tout juste le temps de ramper sous le véhicule.

Ina vit aussi l'homme même si elle ignorait le nom de l'arme malgré ses recherches sur le sujet. Plutôt que d'y réfléchir, elle banda son arc et visa l'homme. Elle inspira, expira et lâcha la corde. La flèche s'élança et traversa la tête de l'homme. Ce dernier chuta, inerte. Ina venait de tuer un homme, pas un zombie et cela l'horrifia.

Les tirs qui s'abattaient comme une violente grêle sur le pick-up s'arrêtèrent d'un coup, juste avant qu'un deuxième corps ne tombe sur le capot. Seifur sursauta sous le véhicule, puis en sabota quelques composants essentiels par en dessous. Après quoi, il sortit très brièvement sa tête à l'extérieur pour voir s'il y avait quelqu'un d'autre.

Personne.

Il sortit de sa cachette et aperçut l'empênage qui saillait du front du mort. Sans plus s'attarder, il fonça vers une porte.

La diversion avait permis à Seifur d'être juste devant la porte mais les gars à l'intérieur avait pris le temps de barricader toutes les entrées du rez-de-chaussée. Il faudrait une arme pour l'ouvrir. De là où, elle était, Ina ne pouvait que surveiller les arrières du korporal. Une autre personne sortit une arme mais partiellement cachée par le volet. Ina tenta un nouveau tir, ne serait-ce que pour déstabiliser le tireur avant qu'il ne touchât Seifur.

La porte était verrouillée. Il y eut une intermittence dans la fusillade au loin et les cris à l'intérieur du fortin redoublèrent. Leur tentative d'approche discrète avait été découverte.

Un feulement de flèche fusa. Seifur fit une esquive dans le vide, au cas où. Il regarda les remparts et aperçut un homme dans la meurtrière. Une flèche était plantée juste à côté, dans de la mousse.

Il dégaina et tira. Trois balles. Puis s'accroupit et fouilla dans sa poche ventrale.

Ina n'était pas soldat, loin de là, mais elle fit de son mieux pour intervenir quand il le fallait. Seifur avait manifestement besoin d'elle pour trouver le matériel nécessaire à l'ouverture de la porte. Ensuite, il faudra qu'elle tente d'entrer... à ses risques et périls !

Tant bien que mal, il contrôla le tremblement de ses doigts et sortit un lien de brèche. Il serra le tube explosif autour des poignées de la porte cloutée et courut de nouveau vers la voiture, à reculons, couvrant les zones dangereuses.

Une fois à l'abris, il brisa la sécurité du détonateur et l'actionna. La déflagration fit exploser le pneu avant du pick-up et lui coupa le souffle. Une nasse de fumée anthracite occupait l'entrée.

Il prépara une grenade, reprenant haleine.

Ina était bien contente d'être hors de portée de l'explosion. Elle reprit également haleine, attendant la contre-attaque des assaillis. Mais ces derniers devaient avoir fui aux étages ou attendre un faux-pas du korporal.