Nano. RolePlay

Le mercure affichait -3°C. La ville était parée d'un manteau blanc. Les enfants s'amusaient à s'accrocher aux troïkas qui passaient sans avoir peur de tomber sur le démon du gel, Morosko. Ils rêvaient plutôt de ce que le Ded Moroz allait leur apporter en cadeau de fin d'année.

De son côté, Maksim s'était déjà offert le sien : il avait ridiculisé ce crétin de Borya devant toute sa clique. L'albinos avait utilisé toutes les astuces de Fedor, son professeur, pour faire taire le prétentieux. De son point de vue : Boris l'avait cherché ; du point de vue de Boris : Max l'avait attaqué sans crier gare. Maintenant, Boris était étalé sur le sol à cacher ses larmes et ses amis toisaient le "rat de laboratoire" qui venait de se rebiffer.

"Venez ! J'vous attends !"

Fedor était en ville avec des camarades pour un quartier libre. Il se trouve qu'il a vu la scène. Le gamin a attaqué le premier. Et ensuite il est parvenu a rossé son adversaire. C'est pas ce qu'il lui avait appris. Maintenant il asticotait les autres. En son fort intérieur il espérait que le groupe allait réagir et venger leur copain. Peut-être que ça mettrait du plomb dans la tête du gamin.

Maksim asticotait mais en réalité ce qu'il faisait c'était bluffer et imposer. Il ne voulait laisser voir aucune faiblesse dans son regard et cela marcha ce jour-là. Ces punaises qui l'utilisait comme sujet de moqueries ressentaient un soupçon de peur pour la première fois. Sans doute redoutaient-ils d'avouer une faiblesse à leur tour. Ils se regardèrent, hésitèrent encore. L'albinos crut qu'ils allaient s'en aller penauds mais l'un d'eux s'élança finalement.

L'un deux s'élance. Est-ce que l'effet de groupe va prendre le dessus. En théorie oui, les jeunes russes sont élevés à la dure et ne craignent pas une bonne bagarre. C'est culturel avec le Stenka. Sauf que les gamins le font généralement sans connaitre les règles et la raison d'être derrière. Il ne le font que pour régler leurs problèmes. Un deuxième se jette à l'eau juste après le premier. Deux c'est déjà trop pour une personne qui n'est pas entrainée à ce battre contre un groupe. Max a des bases solides en terme d'esquive et de parade, il peut peut-être gérer.

Max avait espéré s'en tirer avec une victoire éclatante et facile mais il devait remettre en jeu son titre de meilleur combattant du jour. Il se préparait donc à esquiver le plus longtemps possible jusqu'à les fatiguer, utilisant son avantage : l'endurance travaillée tout au long du mois, et frapper lors des ouvertures. Il s'en tirait bien au début, son physique svelte et vif était un atout dans cette situation.

Fedor regarde les gamins, ceux qui attaquent encouragent ceux qui restaient passif. Finalement le petit groupe entier attaque Maksim. Après tout il esquive bien et place des coups de temps à autres. Mais s'ils s'y mettent tous, ils devraient le battre ? En tout cas c'est ce que gueule l'un des plus virulents.

S'il fuyait maintenant, ils le tiendraient pour faible, encore. S'il ne fuyait pas, il se prendrait des coups mais leurs poings n'étaient rien en comparaison de ceux de son entraîneur personnel qui avait au moins le double de leur âge. Un cri de guerre sortit de sa poitrine. Il était seul mais il n'avait rien à perdre et tout à gagner, se disait-il.
"Vous faites pitié ! Vous avez peur de pas être assez forts !"

"La ferme Yeux rouges, t'es pas normal, t'es certainement un demi démon" grogne un des jeunes. Le groupe est plus fort et les coups se mettent à pleuvoir. L'un d'entre eux agrippe sa jambe et c'est la fin de sa mobilité. Ensuite tout s'enchaine rapidement.

Maksim frappait, griffait, mordait ce qu'il pouvait tout en mettant en application les leçons de son maître, c'est à dire accompagner le coup aussi souplement que possible, chose très difficile quand les coups venaient de toutes parts.
"Vous êtes nuls pour avoir besoin des autres. Seuls, vous valez rien !" disait-il entre deux respirations.
Bien sûr il avait mal physiquement mais ce n'était rien face à la souffrance morale alimentée par des années d'injustice.

Le gang entier, sans mobilité. Au bout d'un moment le petit gars est submergé et prend des coups. Les enfants sont excités et énervés à cause de la frustration qu'ils ont subi juste avant. Le petit est finalement jeté au sol et les autres commencent à donner des coups de pied. Ca manque de technique, mais c'est violent.

Soudainement deux des enfants sont soulevés de terre par les mains puissantes de Fedor. "On s'arrête là." dit-il de sa voix grave et profonde. Les enfants qui sont encore libres de leur mouvement s'arrêtent net. Leur yeux s'écartent de peur devant le colosse à l'air mauvais.

Du sang dans la bouche, la peau meurtri et l'égo en morceaux, Max comprit tout de suite qui était intervenu. Il se releva en ignorant la douleur et regarda d'un œil mauvais et rouge ces maudites brutes qui auraient dû être punies depuis longtemps. C'était ce que pensait Maksim mais il laissait Fedor juge.

"Trop faible pour se battre à la loyal ?" gronde Fedor. "Si vous n'avez aucun honneur, je peux faire comme si je n'en avais aucun aussi ? Et donc vous botter le derrière." joignant le geste à la parole il met deux coups de pieds aux fesses des deux jeunes libres. Les deux qu'il a soulevé sont reposés délicatement au sol, mais ensuite propulsés avec violence par un coup de pied dans le derrière. Les gamins grognent, Fedor n'y va pas de main morte. La bande se disperse rapidement alors que le colosse menace de continuer. Il regarde le petit Maksim à terre, mais ne fait pas un mouvement pour l'aider.

La justice rendue était trop douce aux yeux de Max. Il trouverait le moyen de tirer partie de la situation. Il se releva, couvert de neige et de bleus. Son corps luo faisait mal mais il se tint debout, prêt à recevoir la tempête. Il ne savait pourquoi - plus tard il se dira que Fedor aurait dû le sauver beaucoup plus tôt ou l'aider à se relever - il sentait que sa sentence à lui n'allait pas tarder à tomber.
"J'aurais dû faire quoi ? Fuir ?"

"Tu aurais du ne pas me décevoir." dit simplement Fedor. La règle était simple. On ne commence pas le combat. Oeil pour Oeil, et Dent pour Dent. La première tentative de coup doit venir de l'adversaire. Il suffit de parer et de riposter dans l'instant. C'est une différence majeure. Ils sont nombreux les hommes avec une grande gueule, mais étrangement ils sont beaucoup moins nombreux à passer à l'acte. Et lorsque ça arrive c'est souvent le plus courageux, si ce dernier perd alors qu'il a commencé le combat, les autres ont parfois moins tendance à vouloir le venger. Parfois ça ne change rien. La règle était claire. C'est ce qui compte.

Le corps de Max tremblait sous le coup de la colère et non de la peur. Ses poings étaient serrés et ses sourcils froncés.
"C'est pas une réponse ça ! Je suis pas comme toi ! Un gros tas de muscles que tout le monde écoute !"
Lui, il était petit, faible, seul, misérable, un paillasson pour le premier venu et il détestait ça de la pointe de ses cheveux à la plus infime goutte de son sang.

"Là n'est pas la question. Je t'apprends ce que je sais, seulement si tu utilises ton savoir de la manière que nous avons décidé ensemble. Tu as trahi ma confiance." explique calmement Fedor. La parole c'est important, si le petit n'apprend pas ce genre de valeur tout de suite il terminera comme certains Miliciens sans scrupules que connait Fedor. Il ne souhaite pas ça au gamin, et il sait que le grand-père attend mieux de son petit-fils. "Si tu ne respecte pas tes engagements, tu ne me respectes pas, si tu ne me respectes pas... pourquoi devrais-je perdre mon temps à t'apprendre ?"

Là Fedor avait touché une corde sensible chez Maksim. La parole était très importante pour son grand-père et donc pour lui aussi. Il risquait de perdre son professeur, il devait ravaler sa fierté et ses faux-semblants.
"J't'demande p'rdon." marmmona-t-il d'une petite voix, avec le regard fuyant.

Fedor observe les réactions du petit. Au moins il a l'air sincère. Après c'est toujours compliqué pour Fedor de lire les gens et encore plus les enfants. Ce n'est pas vraiment un domaine où il excelle. Il va donc lui accorder le bénéfice du doute. "On va rentrer et aller voir ton grand père. Pour que tu lui expliques ce que tu as fait pendant qu'on te soigne." normalement le petit n'a pas pris de trop mauvais coups. Fedor est intervenu quand le petit ne pouvait plus se défendre et atténuer la violence des impacts. Mais on ne sait jamais.

Mon grand-père ?! Il va pas être content, et mon père non plus !! Comment faire ?
"D'accord Fedor. Mais j'ai pas besoin de soin, ces gars ont rien dans le ventre, contrairement à toi."
Ça, il ne mentait pas, il trouvait les coups de Fedor bien plus impressionnants. Il essuya le sang qui perlait de son nez. Le saignement avait déjà cessé.

"Il faut toujours vérifier son état physique après un combat. Un mauvais coup à la tête et tu pourrais avoir des étourdissements, c'est dangereux." explique Fedor qui ne croit pas que ce soit le cas pour le coup. "Ils frappent avec une mauvaise technique et peut de poids derrière, c'est normal que tu es l'impression qu'ils ne frappent pas fort. Je t'ai formé à encaisser bien plus solide." Une chance qu'il n'est pas encore formé le gamin à frapper fort. Il hésite maintenant. Le petit est sans doute un peu jeune pour ce genre d'enseignement.

Max réfléchissait à comment se soustraire à la punition que ses parents lui donneraient tout en conservant l'appui de Fedor. Il ne voyait pas la solution.
"J'ai mal. Je crois que ma jambe me fait mal."

Fedor jette un oeil rapide à la jambe du petit et évalue s'il peut encore marcher. Sans doute que oui puisqu'il s'est relevé sans crier. "Si tu peux te relever seul, tu peux marcher. En route." décrète Fedor qui se met en marche, mais lentement, très lentement par rapport à son rythme habituel.

"Selon toi, qu'est-ce que tu as mal fait pendant la bagarre ? Je parle de technique de combat là." précise Fedor qui était pas du genre à faire la morale pendant des heures. Il ne donnait simplement pas de seconde chance. Si le petit ne comprenait pas après avoir fait une erreur, c'est qu'il n'était pas taillé dans le même bois que Fedor.

Zuuut, ça n'a pas marché. Vite, faut trouver un meilleure idée.
"Je ne sais pas, je n'ai pas fait assez peur. Il me faudrait des yeux dans le dos."
Il aurait été dur pour un petit de vaincre plusieurs ennemis plus grands et plus forts, même avec toutes les techniques du monde.

"Non, faire peur est une possibilité mais tu n'as pas le physique pour ça et l'autre option n'est pas le genre de chose que je te recommande. Ce qu'il t'a manqué, c'est la mobilité. Faire semblant de fuir, séparer tes opposants et les battre les uns après les autres." explique Fedor. C'est une technique ancienne pour vaincre un groupe, et il a entrainé l'endurance du petit pour qu'il puisse tenir ce genre de distance.

edit:

Maksim retint la dernière réponse de son instructeur. Il pouvait fuir si c'était pour les étaler un à un ensuite. Il retiendrait cette leçon ! Il fallait espérer que ce ne serait pas la dernière. Max avait compris qu'il avait fait une bêtise même si comme d'habitude il ne voyait pas en quoi ou ne voulait l'admettre. Le garçon faisait de son mieux pour ignorer la douleur physique et mentale.
"Toi, tu as déjà eu à faire ça ?"
Gagner du temps jusqu'à la maison.