Nano. RolePlay

Rappel du premier message :

Maksim voyait parfois sur la Moskova des bateaux transportant des personnes richement vêtues et mangeant des mini-repas debout en riant. Naturellement, quand il en faisait la remarque à ses parents, ceux-ci lui répondaient que c'était une perte d'argent et de temps (enfin surtout son père). Sa curiosité n'en était que plus grande et exacerbée par cette interdiction que son statut moyen comportait. Pendant plusieurs jours, il traqua l'itinéraire du "bateau-mouche l’Étoile bleue".

Un après-midi un peu gris, il passa à l'action et se rendit au point de départ du bateau. La casquette visée sur ses cheveux blancs, il coiffa au poteau un porteur aussi jeune qui lui. Ce dernier voulu protester mais se figea en croisant son regard rouge par dessus ses lunettes teintées. Le jeune Bounine accompagna donc un noble concentré sur son journal. Curieux de vouloir travailler quand le principe du bateau semblait être de se changer les idées...

Son plan réussi, Maksim Andréiévitch s'effaça du décors et écouta les conversations. Il se sentit soudain petit et insignifiant. Cela lui avait permis de monter sans se faire prendre (pour l'instant) mais il aurait aimé goûter le genre d'existence qu'il manquait. La conversation des adultes lui échappait. Il ne connaissait aucun nom mentionné, ni certains mots comme "croquet" ou "réception". Il se tourna donc vers les non-adultes.

Alors ? demanda Oksana avec un léger sourire en coin. Verdict ?

La chose qu'il mangeait ne correspondait à rien de ce qu'il avait mangé avant hormis... "Ça a un goût de noisette !" Il sentait aussi un goût iodé mais aurait été incapable de trouver une comparaison. L'aliment était un peu salé mais les saveurs derrières étaient uniques. "C'est du poisson, c'est ça ? Qu'est-ce que c'est ?"

Presque. Des œufs de poissons. Si elle en était bien informé. Elle ne montra pas son doute. Un enfant n'allait certainement pas daigner la contre-dire. Bon, je t'ai offert deux amuses-bouches, à toi de me révéler quelque chose. Son regard s'arrêta sur ses lunettes.

Max se sentit mal et baissa le regard, utilisant sa casquette pour se protéger du regard de la demoiselle. Il avait choisi une personne trop curieuse ! Que va-t-elle dire si elle comprend qu'il est clandestin ? Est-ce qu'elle a eu le temps de s'attacher à lui suffisamment pour ne pas le dénoncer ? "De vous révéler quelque chose ? Mais je croyais qu'on devait juste jouer ensuite !"

Oksana ne doutait plus du fait qu'il s'agissait d'un clandestin. Le garçon semblait légèrement paniqué à l'idée d'une quelconque révélation. Ne t'en fais pas, chuchota-t-elle en lui faisant un clin d'oeil, ça restera notre petit secret.

Maksim allait de toute façon demander son silence à la demoiselle, il ne s'attendait pas à ce qu'elle l'offre spontanément. Il était presque prêt à la croire là-dessus mais il insista : "Promis sur la Bible ?"

Pffff, si innocent. Comme si promettre quelque chose sur la Bible assurait que la personne ne pouvait pas mentir. Elle l'aurait juré sur la tête de sa mère sans une seconde d'hésitation. Oui, oui, promis. Commençons par le commencent. Alors, pourquoi es-tu sur ce bateau ?

"Eh bien, je voulais voir les nobles et apprendre."
Pas nécessairement pour devenir comme eux mais... pour savoir.
"Je veux voir, v'voyez ?"
Il voulait dire "voir par lui-même" mais ne savait pas le faire.

Voir quoi ? Elle avait parlé trop vite. Pas le temps d'enchaîner avec une deuxième question, même si ça remarque lui rappelait ce qu'elle voulait lui demander. Si tu enlèves ces lunettes tu risques voir mieux déjà. Comment Dieu peux-tu apprendre avec des verres si sombres ?

"Euh..."
Les joues pâles de Max se colorèrent de rose.
"J'ai les yeux fragiles qui aiment pas l'soleil alors faut que je les protège."
Voilà qu'il passait pour un être pitoyable, non et non ! Cela ne lui allait pas !
"Mais je vois très bien avec ! Comme j'ai vu que vous leviez les yeux au ciel quand j'ai parlé de la Bible et c'est pas bien !"
La Bible, c'est sacré !

Oups. Elle allait devoir mieux contrôler ses expressions faciales si elle voulait rentrer en société bientôt. Rouler des yeux à la Bible n'allait pas être aussi facilement pardonnable qu'avec un enfant de... quoi... 10 ans ?

Des yeux fragiles ? Sûrement un truc de pauvre encore. Une maladie ? C'est... contagieux ?

"Non, c'est pas contagieux ! C'est de naissance... J'ai les yeux très clairs."
Elle ne l'avait pas encore prise en pitié, il fallait détourner le sujet.
"Qu'est-ce que c'est une réception ? À quoi ça sert d'faire tout ça ?"

Il changeait trop abruptement de sujet pour qu'Oksana croit à sa naïveté. Même à cet âge là on savait quand même ce qu'était une réception, non ? Surtout qu'il n'avait pas posé la question plus tôt. Peut-être c'était le fait qu'elle utilisait trop souvent cette stratégie de détournement elle-même qui la fit tilter ; ce garçon avait quelque chose à cacher. Vu le danger des secrets à Moscou, Oksana n'était pas sûre de vouloir le découvrir. Elle joua donc le jeu, question de mieux pouvoir feindre innocence plus tard. C'est surtout pour la reconnaissance sociale aujourd'hui.

Oksana prononça le mot magique pour Maksim. Derrière ses lunettes, ses yeux brillaient.
"Reconnaissance ? Qu'est-ce qu'il faut faire pour avoir de la reconnaissance ?"
Il ne savait pas encore qu'il avait un maître en la matière en face de lui.

Elle ne put s'empêcher de rire derrière le revers de sa main. Elle n'avait pas l'intention de rire. On allait la penser méchante. Mais... ce garçon semblait avoir un espoir déplacé. Ce que je dois faire et ce que tu pourrais faire... ce sont des choses bien différentes. Pourquoi cherches-tu de la reconnaissance ?

Un fard tout à fait naturel emplit les joues de Maksim. Il ne s'attendait pas à faire rire la jeune fille et il en conclue aussitôt que celle-ci se moquait de lui. Sur la défensive, il répliqua donc :
"Parce que ! Et vous, vous ne cherchez pas de reconnaissance ?!"
Ses lèvres étaient particulièrement boudeuses et ses joues étaient d'un rouge bien vif.

Voilà la réaction d'un enfant. L’embarras était trop clair sur son visage. Elle aurait dû s'excuser. Evidemment que oui. Mais aujourd'hui, sur ce bateau, ce n'est pas à moi de tirer l'attention. L'idée de parler à un voyageur clandestin ne lui aurait jamais traversé la tête si elle avait été à un bal !

"À qui est-ce alors ?"
La voix de Max s'était adoucit ; la curiosité l'emportait sur l'embarras.

Les hommes je suppose. Son père, entre autres. Ils parlent d'affaires. Rien de très intéressant. Les voilà tous dans un coin à boire et à comparer leurs fortunes. S'il y avait de la musique et de la danse Oksana aurait pu être un minimum investi.

Par "hommes" Maksim comprenait bien qu'elle parlait des adultes.
"Alors il faut chercher de la reconnaissance tout le temps ? Même quand on est vieux ? C'est nul !"
Car le petit Max ne voulait pas avoir à chercher sa reconnaissance toute sa vie. Il voulait, une fois l'amour de son père acquis, pouvoir s'amuser, vivre sa vie pour lui et non pour les autres en somme.

Mauvaise nouvelle pour toi, petit. La reconnaissance, tu en chercheras toute ta vie ! C'est ce qu'elle pensait, mais pas besoin de le communiquer à un gamin qui avait déjà la mine déçue d'avance. Elle préféra lui donner un conseil. Entre toi et moi, tu peux aussi n'en avoir rien à cirer. Les gens te jugeront de toute façon. A toi de voir combien d'importance tu prêtes à l'avis des autres. Evidemment elle ne précisa pas qu'il pouvait très bien signer sa mort sociale s'il ne respectait pas les conventions. Trop compliqué pour quelqu'un qui comprenait sûrement pas les attentes de son cercle social.

"Mais c'est important ! Sinon on est tout seul..."
Max termina piteusement sa phrase. Mais il ne lui fallut qu'une seconde pour redresser la tête et poser une question :
"Comment faites-vous pour faire plaisir à votre père ?"
Il regretta sa question : dons son esprit une fille plaisait plus facilement à son père sans que Max ne puisse l'imiter.

Je suis une gentille petite fille qui ne pose pas de questions et, surtout, "qui ne provoque pas de scandales", répondit-elle sur un ton moqueur. Pas qu'elle en avait déjà provoqué énormément. Peut-être une ou deux petites rumeurs. Rien qu'elle ne parviendra pas à faire oublier.

Sa sœur aussi suivait les règles d'Oksana : elle posait les questions à sa mère et parlait toujours très gentiment à son père. Pour être une fille à son père il fallait éviter de faire ce que faisait Max : poser des questions et exprimer ses sentiments. Mais Max n'était de toute façon pas une fille.
"Et votre frère, que doit-il faire ?"
Ce serait plus parlant pour le garçon qu'il était.

C'est un sujet qui l’intéressait énormément on dirait ! Le garçon avait-il déjà compris que leurs statuts respectifs étaient à peine comparables ? Cherchait-il l'approbation parentale ? Mon frère suit le même chemin que mon père, dans l'espoir de reprendre l'entreprise familiale, sans doute.