Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



Cohbar avait vraiment besoin de cette nuit à l’auberge. Le combat qu’il avait mené récemment contre un dragon l’avait épuisé. Enfin, surtout la crise qui avait suivi. Il n’avait pu que se trainer sous le couvert des arbres, tremblant, et serrer les dents en attendant que la douleur passe. Depuis, entre ses devoirs auprès des responsables de la ville en partie détruite par le dragon et les longs jours de route en solitaire qu’il s’était imposé ensuite, il n’avait pas pris le temps de se reposer.

Mais il approchait de sa destination, et l’auberge qui longeait la route lui avait paru bien trop accueillante pour l’ignorer. Il était donc désormais attablé dans la salle commune, dans un coin que le crépuscule tombant rendait encore plus sombre que d’ordinaire. Au centre de la pièce, un espace vide avait été ménagé et Cohbar était curieux. Un spectacle ?

Oui. Un homme pénétra soudain le cercle et son apparence retint l’attention de Cohbar. Il était vêtu d’étoffes légères aux nuances changeantes, qui laissaient à nu de larges pans de sa peau diaphane. Dans la semi-pénombre, l’homme paraissait presque lumineux. Cohbar remonta vers son visage, en partie caché par de long cheveux qui paraissaient blancs, eux aussi, mais avant qu’il n’ait pu détailler ses traits, l’homme se mit à bouger. Et Cohbar retint son souffle.

La caresse sur la peau de l'elfe était furtive, fantasque. Les mains du danseur démêlaient patiemment ses cheveux, croisant les mèches contre son cou. S'attardant parfois, comme une césure au sein d'une danse éphémère.
Puis la danse se termina, les doigts déliés nouèrent le lacet. Frôlant une dernière fois la nuque de l'elfe, ils relâchèrent la tresse.

La brise taquine joua dans les cheveux diaphanes quand le danseur reparut devant son compagnon, dérobant son visage à sa vue. Mais avec délicatesse, sa main trouva son cœur. Posée contre lui, il ferma les yeux pour le sentir, l'écouter, un instant, un instant seulement.

Douce mélodie...

Cohbar n'osa pas parler, mais le rythme de son cœur devait être bien assez éloquent. Lui l'entendait dans tout son corps, une pulsation furieuse, presque arythmique quand l'un des mouvements du danseur le prenait désarmé. Comme cette main sur sa poitrine, séparée de son corps par une simple épaisseur de tissu.

Les paupières sombres dévoilèrent les perles noires, leur profondeur partiellement dissimulée derrière la chevelure volage. Il le regardait à nouveau, devinant son trouble sous sa main. Un lent sourire s'épanouit sur ses lèvres, bienveillant, rassurant.
L'obsidienne plongée dans le saphir, ses doigts vinrent toucher le cuir du gantelet. Ils ne s'y arrêtèrent pas cette fois. Prenant le temps, ils glissèrent sur sa paume avant de venir embrasser sa main, entrelaçant ses doigts aux siens. La prise était sans ambiguïté, franche... et très douce.

Marcherez-vous avec moi ?

Cohbar baissa les yeux sur leurs mains jointes sans répondre encore. L'ivoire de la peau du danseur ressortait sur le bronze de la sienne. Les longs doigts recouvraient en partie les marques blanches imprimées en volutes mystérieuses dans sa peau. La tension familière vint se loger dans son ventre mais il l'ignora. Il ne laisserait pas un maudit sort lui dicter ses actes. Il ne repousserait le danseur encore une fois.

Chassant le nuage de ses pensées, il releva la tête.

Bien sûr. Et... Merci. Pour la tresse.

Le silence vit la main du danseur glisser sur le torse de l'elfe, s'éloignant peu à peu des battements pourtant si proches. Ses yeux détaillaient le visage incliné à la recherche d'une réponse pour combler le vide... Qui vint enfin. Un sourire illumina son être pâle au-delà de sa volonté, il ferma les yeux pour respirer. Quand il les rouvrit, ils apparurent rieurs, presque mutins.

Aurais-je dû les libérer ?

Un sourire naquit en réponse sur les traits de Cohbar, trop spontané pour qu'il songe même à le réprimer. Malgré la pénombre qui doucement venait dissoudre les contours du monde, le regard du danseur était toujours aussi lumineux quand il souriait. Trop entrainant pour y résister. Cohbar secoua la tête sans cesser de sourire.

Je les préfère attachés. Il rit doucement, d'autodérision. Tu as dû remarquer que j'avais un peu de difficultés à laisser les choses... se dérouler.

Les yeux du danseur se plissèrent, répondant à l'humour inattendu de son compagnon.

Tu... Vraiment ?

Un rire léger agita les voiles, sans autre bruit que le scintillement des étoiles. Portés par l'obscurité, les traits du visage opalin s'affinèrent, ses yeux pénétrant toujours le sombre azur.

Vous avez accepté de me suivre...

Sa main dans celle de l'elfe, la seconde s'arrêta entre eux, interrompant sa trajectoire dans les airs. Les doigts se replièrent lentement avant de se retirer. Le danseur se décala d'un pas gracieux.

Marchons.

Il semblait être resté immobile trop longtemps.

Le rire silencieux du danseur était chaud et léger. Il se posa sur Cohbar comme un rayon de soleil qui aurait refusé de tomber avec la nuit, juste pour lui.

Maintenant habitué au mouvement perpétuel qui accompagnait son guide, Cohbar lui emboita le pas sans hésiter ni réfléchir. Son esprit était soudain préoccupé par la tournure de la conversation. Il rumina un moment en silence. C'est si trivial, et pourtant...

Préfères-t... Préférez-vous que nous nous vouvoyons ? Je suis désolé, je ne voulais pas t...vous mettre mal à l'aise. Ses mots étaient brusques, malhabiles, le tutoiement trop naturel pour qu'il l'abandonne facilement.

La main blanche vint couvrir les lèvres sombres. Le son cristallin qui s'en échappa ne cherchait pas à cacher son humeur. Un regard furtif accompagna la danse de ses pas, ses pupilles brillant de malice.

Je suis parfaitement à mon aise.

Ses doigts enlacèrent plus étroitement ceux de l'elfe alors que sa voix se laissait oublier dans l'obscurité. Doux rêve où il semblait flotter plus que marcher, compagnie silencieuse illuminée par la lune.

Cohbar esquissa un sourire embarrassé en voyant la gaieté que ses hésitations faisaient naitre chez son compagnon. Lui-même était surtout rassuré de n'avoir pas commis d'impair, encore. Il serra brièvement la main du danseur, un geste pour remplacer les mots qui lui venaient si mal.

Le silence qui suivit était confortable. Un silence doux et complice que Cohbar n'avait aucune envie de rompre. A l'image de cette nuit dont il n'avait pas envie de voir la fin.

Main dans la main, son bras contre le sien, son épaule jusqu'à le toucher, en pas légers et presque imperceptible, le danseur se rapprochait. Subtil, fluide, presque troublant, son mouvement engageait l'elfe le suivre. A sa manière, avec le temps, la marche devenait danse. Le visage serein, ses yeux se perdirent dans le ciel nocturne.

La nuit est jeune...

Son regard revint vers son compagnon, ainsi que l'offrande de son sourire.

Vous êtes mon étoile ce soir.

Cohbar retint son souffle, fixant intensément le danseur, cherchant au-delà de ses yeux magnétiques. Comment savait-il dire des choses aussi bouleversantes avant tant de sincérité ? Le guerrier trembla, l'homme en dessous plus profondément touché qu'il ne l'aurait voulu. Ce n'est qu'une nuit, se convainquit-il en pensée.

Doucement il s'approcha de son compagnon à le toucher, mélangeant leurs souffles. Doucement, il caressa sa joue. Doucement, il l'embrassa.

La douceur de son initiative se mêla à la douceur de son sourire. Le danseur se laissa approcher, immobiliser par ce baiser qui scellait ses lèvres. Concrétisant un geste par deux fois déjà interrompu, sa paume trouva la joue de son compagnon, son cœur contre le sien, battant à l'unisson. Il l'enlaça, se laissant entraîner dans sa propre danse, tourbillon immobile sous l'œil complice de l'astre solitaire.

Un long frisson traversa Cohbar lorsque le danseur s'abandonna, le toucha en retour. Il approfondit le baiser, ses mains glissant dans le dos de son compagnon, reflet de celles qui parcouraient le sien. A court de souffle, il dut trop tôt se résoudre à abandonner les lèvres du danseur. Il s'appuya contre son front, étourdi de sensations. Ses yeux plongèrent avec fascination dans les deux puits d'obsidienne qui lui faisaient face.

Le regard sombre, profond, intense, lui rendait toute son attention. Plongé dans les profondeurs océanes, tout avait disparu alentour. Même le vent s'était tu. Ne restaient qu'eux, deux êtres lumineux dans une obscurité presque absolue. Son sourire, ténu et pourtant éclatant, n'existait que pour lui.

Une très belle étoile...

Un feu bleu-vert s'alluma dans les pupilles de Cohbar.

Qu'est-ce que l'éclat d'une étoile comparé à celui de la lune ? répondit-il en effleurant d'une main la peau diaphane du visage du danseur.

Puis il y posa ses lèvres, léger comme un nuage, plein d'une assurance qu'il ne comprenait pas lui-même. Et peu importe.

Tu es magnifique, avoua-t-il dans un murmure à l'oreille du danseur.

...

Ses yeux s'étaient agrandis. Mais quand l'elfe lui revint, son regard brillait, rehaussé d'un sourire sibyllin.

Monsieur... Auriez-vous caché une âme de poète sous cette armure... ?

Ses doigts froissant la base de la tresse si patiemment ficelée, ce fut à son tour d'effleurer la peau de son compagnon, de goûter ses lèvres.

Magnifique, je ne sais. Je ne suis qu'un pâle reflet devant la lune. Les bras autour de son cou, le visage si proche qu'il pouvait s'y fondre, il le regardait. Encore. Mais je suis vôtre.

La chaleur monta aux joues de Cohbar. Il n'avait pas prévu ses paroles, lui non plus. La justesse de la question le toucha.

Je l'ignore, je retire rarement cette armure, confessa-t-il douloureusement, avant de changer délibérément de sujet. Tout ce formalisme est-il nécessaire ? Tu peux me t-

Puis il perdit toute velléité de contester les choix de son compagnon.

Lorsqu'il parla à nouveau, sa voix était plus rauque, plus affamée. Moi aussi. Avant de l'embrasser de nouveau.

Il avait suffit d'un regard. D'un sourire. De quelques mots. Le danseur n'était plus danseur entre ces bras, il était bien plus. Il souriait. Ses yeux, ses lèvres, sa peau ne lui appartenaient plus. Il s'abandonna dans cette nouvelle étreinte. Sans crainte, sans hésitation. Entièrement.
Les mots étaient devenus superflus. Tout comme les voiles, le cuir, les armes. Sensuelle, la danse était devenue charnelle. Elle les entraînait suivant le rythme de leurs âmes, de leur cœur, de leur corps. Savoir qui la menait était inutile. Ils étaient deux, ils étaient un. Sans orgueil, sans faux semblant. Et cette danse... ne pouvait être plus belle.