Nano. RolePlay

Rappel du premier message :

CONTRAT DE NOT'RP !

- Statut du RP : privé
- Type de RP : Normal
- Tour de jeu : Raïetchka - Micha  
- Délai maximum d'attente de réponse : 1 semaine
- Sauts de tours : /
- Autre : Les mamans, j'vous jure...

Si l'art de la divination n'est rien de plus que l'oeuvre de charlatans doués en baratin, parfois certains signes clairs dans le présent permettaient de prédire l'avenir avec une excellente marge de probabilité. Aussi, quand Raïetchka avait entendu sa mère commenter que Micha avait l'air bien maigre et qu'il ne prenait probablement pas le temps de se nourrir correctement et quand, quelques jours après elle sentit une bonne odeur de pain d'épices s'échapper de la cuisine, elle n'eut pas trop de mal à connecter l'un et l'autre. Et à atteindre la conclusion logique : quelqu'un devrait maintenant aller porter à son frère les vivres qui lui étaient destinés. Elle aurait bien été chercher sa jumelle, mais celle-ci était sortie avec Natachenka qui était de passage.

C'est donc seule qu'elle apparut à point nommé à la porte de la cuisine, juste à temps pour prendre le panier rempli de diverses denrées. Après avoir soigneusement écouté les recommandations de sa mère, hoché la tête et promis d'être prudente (à croire qu'elle ne sortait jamais en ville !), elle se mit en route vers le quartier qui abritait l'église de son frère. À cette heure-ci, c'était sans doute là qu'elle le trouverait plutôt qu'à son appartement.

Arrivée à destination, elle entra dans le bâtiment de pierre et resta sur le pas de la porte un instant, le temps que ses yeux s'habituent à la différence de luminosité avec l'extérieur. Une fois habituée à la pénombre relative, elle balaya les lieux du regard à la recherche de Micha.

L’espace d’un instant Raïetchka crut voir autre chose que l’émerveillement passer sur le visage de son frère, mais de manière trop fugace pour qu’elle puisse en être sûre. Quant à Tsillia, elle était toujours perdue dans son monde. « J’ai comme un doute », rit sa jumelle. Elle avança sur la pointe des pieds pour venir agiter sa main devant le visage de sa soeur. « Ohé ? Il y a quelqu’un ? Tu veux qu’on plante la tente ici ? »

"As-tu même jamais fait du camping ?" taquina Micha en observant les jeux de sa soeur. "De mes souvenirs, Père et Mère préfèrent quand même l'hôtel et ses services au confort relatif d'une tente qui prend l'eau." Il se souvenait des cabanes dans les bois avec ses frères et ses soeurs plus âgées mais les jumelles avaient vu leurs aînés quitter trop tôt le domicile familial pour avoir la chance d'être suffisamment âgées pour aller vadrouiller loin des parents.

« Et d’où veux-tu que cette eau vienne dans une serre avec un toit ? », répliqua du tac-au-tac Raïetchka. L’échange eut au moins le mérite de tirer Tsillia de son rêve éveillé. « Quelle eau ? » Sa jumelle ne répondit pas, un fou-rire l’empêchant temporairement de parler.

"L'eau du nuage sur lequel tu t'étais perdue, Tsillia." la taquina Micha. Sa jeune soeur sembla encore plus déroutée si cela était possible. Et son esprit s'envola à nouveau vers de nouvelles contemplations. "Ça serait joli, un rideau de pluie sur cette scène, avec la lumière pour iriser les gouttes de mille couleurs..." Le prêtre haussa les épaules vers Raïetchka, vaincu par tant de rêveries.

Joli ? Certainement. Mouillé ? Tout aussi certain. Mais Raïetchka avait l’habitude du comportement rêveur de sa soeur. « Tu crois que ça donnerait mieux à l’aquarelle ou à la peinture à l’huile ? » Inutile de tenter de la ramener sur terre brutalement, mieux valait l’y attirer petit à petit.

"La peinture à l'huile donnerait de merveilleuses couleurs mais l'aquarelle pourrait amener une ambiance supplémentaire à la peinture." murmura Tsillia d'un air rêveur, le regard perdu dans la vision qu'elle imaginait. Micha sourit tendrement en regarda ses soeurs. "Voulez-vous qu'on s'arrête à un magasin de peinture sur le chemin du retour ? Je pense que vous allez avoir une foule de souvenirs à croquer, mes chipies."

Raïetchka renvoya la balle à sa soeur : « C’est toi l’artiste de la famille. Et puis », elle se tourna vers Micha, « j’ai un livre fascinant que je n’ai pas encore fini. » Ce livre rarissime, la promesse d’une sortie au théâtre et maintenant le magasin de peinture… Il fut un temps où Raïetchka ne remarquait pas comme leur frère les couvrait de cadeaux, mais elle en était désormais bien consciente. Et elle se doutait qu’il étendait une générosité comparable à ses paroissiens. Tsillia, elle, ramena enfin son regard sur eux. « Micha, tu préférerais la peinture à l’huile ou l’aquarelle ? Ton appartement est trop spartiate. »

"Mon appartement est tout à fait adéquat." rétorqua au tac au tac Micha qui aimait bien son nouveau lieu de vie. "Il me manquerait juste un jardin mais je me suis renseigné sur des jardinières de fenêtres et des plantes d'intérieur." Ses soeurs oubliaient qu'il apparaissait aussi spartiate car il ne l'avait pas encore personnalisé. "Je te fais confiance pour retranscrire cette ambiance que tu prêtes à l'aquarelle, Tsillia. Nous nous arrêterons donc à un magasin de peinture. J'ai cru en voir un à l'arrêt de métro précédent."

« Ca m’étonnait aussi que tu acceptes de vivre à un endroit sans le moindre jardin. » Elle se souvenait encore des photos de son jardin dans son ancienne paroisse qu’il avait fièrement envoyé au reste de la famille. Une fierté d’ailleurs justifiée.

"Ah !" se moqua Micha en passant une main embarrassée dans ses cheveux. "C'est une petite vanité dont je n'arrive pas à me débarrasser. J'aime être entourée de vie." Et son petit appartement moscovite en manquait par rapport à son presbytère rempli de plantes et animé par les rires des enfants du village. Le prêtre sourit pour chasser ces souvenirs nostalgiques et prit le bras de Tsillia en indiquant la prochaine salle de la main. "Allons donc voir cette bambouseraie de Chine."

« Vanité ? Ce n’est pas ton métier d’aider la vie à s’épanouir ? » Qu’il s’agisse de plantes inanimées ou de l’âme de ses paroissiens, qui semblaient l’avoir adopté à l’unanimité. Raïetchka emboita le pas aux deux autres et quitta les cerisiers enchanteurs du Japon en direction de la Chine.

"Je garderai cette défense à l'esprit." s'amusa le prêtre en riant de bon coeur. La bambouseraie les enveloppa de son ombre mystérieuse dès qu'ils firent un pas dans la nouvelle salle. Les bambous étaient si denses qu'ils ne voyaient pas le plafond ou à travers eux et se retrouvèrent perdus dans un labyrinthe végétal les mettant au défi de trouver la sortie.

Si l’allée des cerisiers et les plantes des steppes les avait transportés dans des vastes étendues lumineuses et colorées, la bambouseraie, elle, évoquait plus une cathédrale végétale par son ambiance tamisée et la hauteur des pousses. C’était le genre d’endroit où on se mettait à chuchoter par réflexe, imposant sans pour autant être intimidant.

L'instinct de saisir les mains de ses soeurs pour ne pas les perdre refit surface alors qu'ils se trompaient une première fois en tombant sur un cul de sac lors d'un détour. Les décorateurs avaient placé des éléments de la culture chinoise un peu partout dans le labyrinthe de bambous et ils croisaient ci et là des êtres étranges et inconnus. Il y avait même des automates représentant deux hommes en tenue traditionnelle en train de boire du thé dans la clairière centrale.

Raïetchka fut secouée d’un rire silencieux quand leur frère récidiva et leur prit la main, mais ne commenta pas cette fois. Réalisait-il lui-même les contradictions dans son comportement ? Un jour il lui offrait un ouvrage juridique rarissime et la taquinait sur un hypothétique mariage futur proche (hum hum), et le suivant il les attrapait par la main comme des enfants qu’on a peur de perdre si on ne fait pas attention.

En sentant les frissons de rire sa soeur par la main qui la tenait, Micha rougit un peu et leva le menton de défi. Non, il ne comptait pas les lâcher et renier son instinct, ce qui serait encore plus gênant. Mais la beauté de la bambouseraie éclipsa bien vite sa maladresse. Après moult rires alors qu'ils trébuchaient dans un cul de sac, ils virent enfin la sortie de la salle. "Nous avons fini de voir les nouvelles extensions." dit alors Micha en consultant le plan du jardin.

Leurs errances dans le labyrinthe végétal, avaient fait perdre entièrement la notion du temps à Raïetchka. « Tu crois qu’on a le temps de passer par l’orangerie ? », demanda-t-elle quand Micha annonça qu’ils avaient fait le tour des nouveautés. Le jardin botanique regorgeait de merveilles, mais l’orangerie était et restait encore la préférée de Raïetchka, même si l’allée des cerisiers pourrait presque prétendre au titre.

A la question de Raïetchka, Micha sortit de sa poche une montre à gousset afin de vérifier l'heure. "Si nous ne nous y perdons pas dans les nuages, nous pouvons y aller et avoir le temps de passer par le magasin de peinture sur le chemin du retour." s'amusa-t-il avant d'ajouter en levant un doigt solennel : "Et vous faire rentrer avant la nuit, jeunes filles."

« Ah, parce que vous êtes capables de ne pas vous perdre dans les nuages ? » Sa question lui valut un coup de coude de sa jumelle qui manquait de conviction. Tsillia se prit en retour un air innocent tout aussi peu convainquant.

"Oh... nous connaissons l'Orangeraie, cela ne devrait pas être trop dangereux. Une mer calme d'imagination, pas une houle grandiose nous emmenant ailleurs par sa nouveauté aventureuse." Et voilà que, pour expliquer qu'il ne rêvasserait plus, qu'il digressait en rêvassant de sa propre image ! Heureusement que l'Orangeraie était en vue, de quoi distraire ses soeurs.

Mais bien sûr, entre un poète et une peintre il n’y avait absolument aucun risque que leur imagination emporte à nouveau leur esprit loin de leur corps. Raïetchka lança un coup d’oeil incrédule à Micha, mais toute réplique fut tuée dans l’oeuf par leur arrivée à l’Orangeraie. Même sans âme d’artiste, elle aimait ce bâtiment, les arbustes odorants qui l’habitaient et les fleurs et autres plantes colorées savamment disposées pour rehausser la beauté des lieux.

Dès qu'ils furent entrés dans l'Orangeraie, Micha avança à yeux clos pour s'imprégner des lieux par l'odorat. C'était quelque chose qu'il regrettait quand il prenait sa forme animale : si le harfang possédait une vue et une ouïe excellent, son odorat était quasi-inexistant. L'absence de ce sens l'avait nettement plus déstabilisé, lors de ses premières transformations, que la croissance des autres.

Cette fois c’est Raïetchka qui saisit la main de son frère. Ben oui : avec ses yeux fermés, il risquait de se cogner si quelqu’un d’autre ne faisait pas attention pour lui, pas vrai ? Et s’il y avait dans ce geste une pointe de taquinerie, c’était une pure coïncidence.

Micha entrouvrit les yeux en sentant la main d'une de ses soeurs agripper la sienne. Il avait légèrement oublié de garder les yeux mi-clos pour ne percuter personne. L'Orangeraie était de toute façon pratiquement désertée à cette heure-ci et, rien n'ayant changé depuis toutes les années où il avait arpenté ces allées avec ses soeurs, il en connaissait le chemin par coeur. "Tu as peur de te perdre, Raïetchka ?" s'amusa-t-il sans pouvoir s'empêcher de la taquiner. "Ou que je disparaisse dans un rêve ?"

« Il faut bien quelqu’un avec les pieds sur terre pour vous ramener de vos escapades dans les nuages », répliqua-t-elle du tac au tac. Au sens figuré, car elle était loin de se douter que son frère s’envolait littéralement.