Rappel du premier message :



Banc de la rencontre fatidique avec l'être aimé, banc  du coup de foudre au premier regard, banc de la mémoire,  banc des regrets des jours jamais vécus à ses côtés, banc de méditation silencieuse en contemplant le parc et les immeubles environnants, banc du tête à tête avec soi, banc où s'écrit sous les dernières heures du jour la journée de Stanislav.

Banc verts foncé, Banc standardisé qui ressemble aux autres bancs du parc, Banc accueillant les fessiers volontaires, Banc aux quatre pieds en fer finement sculpté,  banc gelé aux heures d'hiver, Banc privilégié pour assister au printemps fleurissant dans les arbres.

 Il y a des bancs, une infinité de bancs d'après Stanislav dans cet unique banc isolé de tous les autres.

Il n'existe aucun qui soit pareil à celui-là dans ses yeux.

C'est SON banc. Une extension de lui-même et sa propre histoire.  C'est là où il ouvre son carnet pour écrire et dessiner ce qu'il a pensé de sa journée. Et, parfois,  des gens viennent s'asseoir et le marquer d'une tranche de leur vie. Du vieil homme  qui s'assoit pour jeter du pain aux oiseaux au jeune homme fort désagréable. Il y avait une infinité de gens qui venaient s'asseoir. Qui ce sera aujourd'hui ?

"Et il est beau le tenancier du café ?" demande-t-elle, curieuse comme un pou.

La gente féminine est meilleure juge que moi mais je dirai que oui. Puisqu'on parle de lui... Le voici ! Il désigna un homme blond aux yeux bleu azur dotée d'une moustache soignée qui parlait avec en russe avec un accent français avec trois dames de la clientèle. Prudence, c'est un vrai charmeur à la langue d'argent.

Et au corps d'Apollon jaugea la jeune fille. Elle ne se permit pas, une fois de plus, de laisser ses pensées gagner ses lèvres. Elle ce concentra plutôt sur la carte posée sur la table.

"Vous connaissez bien le café à ce que je vois, vous pourriez me conseiller ?"

Pendant que les dames, suffisamment âgées pour être mère de famille et mariée, se faisaient complimenter par le français, Stanislav recommanda un café et plusieurs patisseries à Lyra. Le goût du café était un peu amer mais il pouvait être amendé par l'ajout de sucre.

"Peut-être que ce café devrait s'appeler la coqueluche..." remarque la jeune femme à la langue aiguisée en voyant leur hôte se pavaner.

Heureusement les pâtisseries arrivent vite, lui faisant ravaler ses paroles acerbes ! Elle doit se retenir pour ne pas y aller à pleines dents, tout ce sucre coloré c'est tellement attrayant.

"Comment ça se mange ?" demande-t-elle en désignant un éclair au nappage rose.

Stanislav avait commandé pour sa part un  café et des morceaux de sucre accompagné d'un pain au chocolat. Il faut le manger à la main. Pas besoin de couvert. Comme attiré par les propos mordant sur lui, l'hôte souhaita une bonne journée aux dames et  arriva jusqu'à la table de Stanislav et Lyra. Bonjouuur  Stanislav...., roucoula le français en avant que laisser en suspens la suite de sa phrase. Et c'est... mademoiselle... ?

Avec les doigts ? Mais elle allait se salir ! Elle regardait avec gourmandise mais aussi un soupçon de déconvenue ce met quand le français arriva. Elle nota le nom de son bienfaiteur, mais aussi qu'on lui demandait le sien.

"Lyly."

Elle n'avait pas donné son prénom ou son nom depuis qu'elle était partie de chez elle. Elle n'avait pas envie que sa mère ne la retrouve avant qu'elle ne se soit engagée dans la milice.

Stanislav lui retourna la politesse avec célérité. Bonjour Philippe. C'est une belle journée. Les yeux du blond étaient très lumineux et chaleureux. On sentait qu'il aimait accueillir les gens avec le sourire et de la bonne chère. C'est un nom adorable. Très français., déclara le corps d'apollon en lissant sa belle moustache blonde. Comme il avait entendu la question de mademoiselle Lyly, il compléta la réponse de Stanislav. Il y a des serviettes pour s'essuyer ma chère.

"Ah merci !" elle jette un regard inquiet au dénommé Stanislav, est-ce qu'il a entendu le reste de leur conversation ? Est-ce qu'elle est passé pour une conne. Pas que cela la dérange, mais si un peu quand même.

Si le français avait entendu, il n'en montrait aucun signe ; toujours aussi amiable et chaleureux. Stanislav ne montra rien qui puisse donner un indice à la jeune fille. Chère Mademoiselle, me confierez-vous ce qui vous tracasse ? Peut-être pourrai-je soulager ces nuages qui assombrissent vos tempes ?

Ce n'étaient soudain plus les nuages sur les tempes mais les couchers de soleils sur les joues.

"Tou... Tout va bien !"

Bégaya-t-elle tout à fait persuadée qu'il avait entendu et cherchait là une manière de se venger.

Arrête Phillippe, tu l'éblouis, là., dit Stanislav qui s'amusait silencieusement de sa réaction en se servant un morceau de son pain au chocolat et sirotant sa tasse. Bois pendant que c'est encore chaud. Philippe sourit, il n'avait rien dit et tira discrètement sur sa moustache.

"Oui monsieur !" fit la jeune fille en portant la tasse de café non sucrée à ses lèvres. Elle grimaça. "C'est vachement amer !" le sort semblait rompu.

Oh, elle avait déjà bu café, mais toujours accompagné de lait et de sucre et n'imaginait pas les choses autrement !

Puis je vous suggérer d’y ajouter du sucre ma chère ?, demanda Philippe joyeusement. Ce sera moins amer ainsi. Stanislav continua d’observer les interactions entre eux sans intervenir. Il se contenta de s’occuper de sa pâtisserie et de son café

Du sucre ? Du sucre, pourquoi pas ? Elle versa la moitié du pot qui se trouvait à sa disposition avant de décréter.

"Pouah ! C'est trop sucré !" L'avait-elle fait exprès ? Sans nul doute. S'il la prenait pour une simplette il arrêterait de la mettre en pamoison !

Stanislav se demanda si elle faisait exprès. Ah l'amour... Je me rappelle le temps où j'essayais de séduire Tatiana... , fit-t-il pour la taquiner. Philippe se contenta de faire un sourire encore plus éclatant, il devrait avoir honte d'avoir de tels atouts !

Elle faillit s'étouffer avec le café trop sucré qu'elle essayait d'avaler d'avaler, car gâcher de la nourriture était quelque-chose de mal. Elle toussa plusieurs fois, se donnant en spectacle, autant choquée par le sous entendu malheureux que par le fait d'entendre le prénom de sa mère...

Philippe se contenta de tendre galamment des serviettes à Lyra pendant qu'elle s'étouffait avec son café trop sucré. Ne vous en faites pas trop, il aime beaucoup nous bassiner avec ses histoires de couples.

Elle se saisit des serviettes qu'il lui tendait et pris conscience d'une chose : il fallait qu'elle s'extirpe de cette situation le plus rapidement possible.

"Vous avez des toilettes ?"

L'aimable Philippe lui indiqua les toilettes de son établissement, il comprenait qu'une dame ait besoin de se repoudrer le nez après une telle déconvenue. Stanislav continuait avec sa patisserie et son café. Etre témoins des gaffes de la demoiselle avait illuminé sa journée. Quelle maladresse !

Elle ne demanda pas son reste et fila dans les toilettes... Qu'elle trouva immenses et très confortables, une idée germa dans sa tête de linotte. Elle pourrait retourner dormir sur le banc, si elle se rafraichissait ici elle s'épargnerait le coup d'une nuit d'hôtel ! Elle entreprit donc de se laver sommairement avec les essuie-tout et passa une chemise propre. Quand elle revint vers Stanislav elle s'était même rattaché correctement les cheveux ! Elle s'assit avec ce qu'il lui restait de dignité et mordit dans l'éclair au nappage rose.

Le temps qu'elle revienne, le bonhomme avait déjà fini son café et sa patisserie ; il n'attendait plus que par politesse la jeune Lyra. Quant à Phillippe, il était parti charmer d'autres clients.

"Il est toujours comme ça votre ami ?"

Malaisant et beau à regarder, c'est ce que tu veux dire Lyly ?

"Et les gens aiment ça ???" s'insurgea l'adolescente qui malgré la qualité de la patisserie ne comptait jamais remettre les pieds dans ce foutu café !