Dans la vie, je n'ai qu'une ambition pour mon futur : devenir un héros !  Je travaille dur pour atteindre cet objectif en réfléchissant  sur mon  costume, sur mon nom de code et en entraînant mon corps. Le bon sens m'a poussé vers le parkour libre  afin d'être capable de poursuivre les criminels, les délinquants en tout genre.  Je devine ce que vous pensez  : que ça a l'air dangereux, qu'il peut arriver de grave accident, que ça peut donner l'impression d'un entrainement pour aller voler les locataires d'immeubles. Mais ce n'est pas du tout ça ! Ne vous méprenez pas !  Je n'ai ni l'intention de me blesser ni de me faire mal !

Bref,  comme je dis, je travaille dur. Parcours sur les toits, escalades des balcons, des échelles de services de secours. Je crois bien que ça a surpris la mémé à lunette qui est en train d'arroser les plantes accrochées à son balcon, je l'ai vue gloupir et légèrement sursauter. Ah !  Je ne me suis pas attardé longtemps pour qu'elle me voie.  C'est un bon chemin de parcours que je me suis choisi ; je me le referai certainement.

"Denvers cette affaire est parfaite pour toi !"

Voilà ce qu'avait dit le capitaine, faut dire que depuis ma blessure, on me refile principalement de la merde. Là il faut que j'aille enquêter chez Janette, quatre-vingt deux ans, qui est sûre qu'on a essayé de lui voler son bégonia avant qu'elle ne le présente au concours du plus beau bégonia de l'immeuble qu'elle gagne depuis trente ans.

Il n'y a rien de plus satisfaisant de consommer sa gourde d'eau  attachée à sa ceinture d'escalade au sommet d'un immeuble  avec vue sur la rue. C'est tellement plein de vie en bas ;  des voitures qui circulent, des passants qui font leurs dix mille pas par jour, des bonhommes se rendant à leur boulot en costume cravate, les jeunes qui font l'école buissonnière. Eh ? Je ne suis pas en train de faire le mur, je n'ai pas de cours aujourd'hui.  Mais quelle idée de sécher.

"Donc vous dites qu'un vaurien a bondi sur votre balcon il y a quelques jours, et qu'il a pris la fuite quand il s'est rendu compte que vous l'aviez vu ? Vous pensez que c'est le petit fils de la nouvelle du second ?"

Je récapitule alors qu'elle me ressert pour la troisième fois du thé. Un type sur son balcon et la seule chose qui la préoccupe c'est son géranium, c'est beau de vieillir.

Allez, on s'échauffe un peu avant de reprendre  pour éviter de se claquer un muscle au mauvais moment. Un, deux, un deux. Quelques exercices répartis équitablement pour tous les muscles du corps dont quelques un contre la maisonnette servant d'accès au toit de l'immeuble. ça me surprend toujours de découvrir des tags aux endroits les plus inattendus.

"C'était il y a deux jours à la même heure ?" elle confirme. Je lui souris pour ne pas soupirer.

"Vous avez laissé votre bégonia sur le balcon ?
- Ah non ! J'ai rentré toutes mes plantes ! Je ne veux pas qu'on me les vole !"

Allez, on repart, je me demande s'il y a une bonne musique à écouter sur mon iPod, je cherche un peu puis après avoir trouvé la perle du jour, je fourre mes écouteurs dans les oreilles. Un casque aurait été moins pratique pour le sport que je fais. Oui, je suis bien reparti, je n'ai pas trouvé d'autres excuses pour retarder la suite de mon parkour. Je vais essayer un chemin différent en passant par la rambarde de la mamie lunette au bégonia.

Mon regard se porte sur la jungle présente dans son salon, tout ça contenait réellement sur son balcon ? À se demander comment n'était-il pas tombé plus tôt. J'ai sa déposition, il ne me reste plus qu'à aller voir la scène du crime. L'affaire sera probablement classée sans suite.

La course et l'escalade fait du bien, je suis arrivé  sur le toit de l'immeuble de la mamie lunette. Je m'avance pour jauger la distance entre le toit et la rambarde curieusement débarrassé de plantes. Ah ! Un boulevard pour le parkour ! Je n'aurai pas à m'inquiéter de casser un pot de fleur. Et hop, un saut et je passe ensuite par dessus la rambarde pour bondir sur l'immeuble d'en face !

Alors que je m'approche du balcon un type bondit dessus... Mais... Ok.

"Police de New York, vous êtes en état d'arrestation !" je crie en me jetant sur le balcon.

Uh ? C'est quoi cette histoire ? (???) Enfin, il y a plus urgent,  le flic m'a fait rater ma manoeuvre et j'ai failli m'écraser quelque dizaines de mètres plus bas. J'ai eu la peur de ma vie là, c'est limite que j'ai pu atteindre des mains la fenêtre que je visais ! Expiration, Inspiration, je ne suis pas encore tiré d'affaire ! Oh purée, dites-moi que je ne vais pas crever à cause d'une bavure policière ?!

"Janette vous pouvez venir ici pendant que je vais ouvrir la fenêtre de votre salle de bain ?"

La maminette me rejoint sur le balcon et crie des trucs du style "C'est lui, je savais qu'il reviendrait pour mes bégonias ! " Alors que je me précipite vers la fenêtre sus-citée, un décès pendant une enquête ça fait beaucoup de paperasse !

Le sol me fait de l'oeil, on dirait qu'il n'attend que  ça ! Que je tombe et, splash, fini Maverick Clint ! Mes mains souffrent de la situation précaire pendant que je cherche un moyen de me tirer de là. Je me demande si la mamie à lunette se rend bien compte de la situation, mais qu'est ce que j'en ai à faire de ses bégonias, bordel ?

La fenêtre s'ouvre, j'attrape le voleur de bégonias par les poignet s et je tire. Putain mais il se nourrit de cailloux ?

La mémé continue de crier aux bégonias, je n'en reviens pas qu'elle puisse avoir un tel volume dans son corps frêle ! Je l'entends malgré mes écouteurs. La policière m'ouvre la fenêtre de la salle de bain, la moindre des choses, par contre, c'est quoi cette traction faiblarde ? Je suppose que je n'ai qu'à aider, j'étends la main pour attraper le coin de la fenêtre et l'utiliser pour me glisser dans la lucarne. Ouf ! Tiré d'affaire.

"Vous êtes en état..." je reprends mon souffle, mon flanc me fait un mal de chien, alors que c'est censé être cicatrisé, putain ! "D'arrestation !"

Je décroche mes menottes de ma ceinture.

"Tout ce que vous direz pourra et sera retenu contre vous."

Normalement je devrais trouver une punch-line à sortir là de suite, mais déso, là j'essaie juste de pas gueuler que j'ai mal ok ?

Ah, non, non, j'ai presque échappé à la mort et maintenant ça ! Je l'enlève mes écouteurs - légèrement en sueur à cause de la situation précédente. Pardon ? Pour quel motif, je vous prie ? Vous avez presque commis une bavure. Vous voulez que je l'explique au poste ? M'enfin, qu'est-ce qu'il y a avec les bégonias ? Elle ne peut pas changer de disque la vieille bique ?

"Violation de domicile. Délie de fuite. Obstruction à une enquête. Tentative de vol. Vous étiez sur le balcon de madame. Effectivement vous vous expliquerez au poste."

Et voilà que Janette déboule dans sa salle de bain.

"Vous reconnaissez ce jeune homme comme celui qui a tenté de voler vos bégonias ?" Elle répond par l'affirmative. "Et bien je l'emmène au poste, j'ai bien enregistré votre dépôt de plainte, nous vous recontacterons bientôt. Allez avance toi."

Un instant, je lève les yeux au ciel. Et puis quoi encore ? C'est quoi cette histoire de vol de bégonias ? Mais qu'est-ce qu'il y a voler sur un balcon vide ? On ne peut plus faire du parkour tranquille... , fit-je plaintif pendant que j'obéis à la policière, puis, en voyant les fleurs, je dis à la mémé en toute honnêteté : Elles sont affreuses vos fleurs madame ! En vrai, je n'aime pas la couleur de ces fleurs-là. Une question de goût.

"Non on le parkour n'est pas une pratique légale en tout lieux, fallait te renseigner avant. Bonne journée madame." je lance alors qu'elle commence à raller. Hey, j'ai rien dit sur ses bégonias moi.

Mais enfin, vous m'avez regardé ? Vous croyez que c'est pour quoi d'autre que la pratique sportive, l'Ipod et la ceinture à gourde ? Et la dame semble plus se soucier des bégonias que du reste. Je ne comprends même pas comment on peut me reprocher une tentative de vol de bégonias. Mais sérieux, des bégonias, et des moches, en plus, elle n'avait d'yeux que pour ça. C'est horrible de vieillir.

Qui me dit que ce n'est pas un simple déguisement, et que ce n'était pas un autre appartement que tu visais ? Te suffit d'entrer par une fenêtre (sans essayer de mourir cette fois) et d'ouvrir la porte à tes complices. Enfin, ça ne me regarde pas vraiment pour l'instant tout ça. Déjà faut se rendre au commissariat, te mettre en cellule, tout ça tout ça.

"Tu t'appelles comment ? Va falloir que tu me donnes aussi le numéro de tes parents pour qu'ils viennent te chercher."

Des bégonias. Bordel. Des bégonias. Quoi. Et des mocheees.  Maverick Clint. 06 XX XX XX XX. 06 XX XX XX XX.   Je m'arrête un court instant pour renifler l'air. L'odeur de cannabis. Je vois mal la policière faire l'excès de zèle. Je reprends ma route pour m'éloigner le plus possible de l'odeur.