Rappel du premier message :



Il ne devait pas encore être minuit, les douze coups de cloche n'avaient pas raisonné dans la nuit somme toute calme. Klyde avait fini sa ronde mais n'avait pas du tout sommeil ; le repas prit avec Viktor était délicieux et assez nourrissant pour lui permettre de veiller tard et moins dormir (même si Sveta gardait un avis mitigé sur ce dernier point). Qu'elle se rassure, il se reposait beaucoup mieux ces derniers temps, même dans le lit de Pavel qui portait plus son odeur que celle du roux.

Pensant à son ancien mentor et actuel ami, le Guide prenait non pas le chemin habituel mais celui de son propre logement. Il avait une surprise pour Pavel et espérait que ce dernier soit encore éveillé. Un petit sac en main, il escaladait sans peine son immeuble pour rejoindre la fenêtre. Alors, dormait-il ou non ?

Il ne pourrait pas dire que ça suffisait mais il faudra bien qu'il se fit à la démarche de l'autre ou certaines façon de bouger ; les démons sont loin de posséder la grace des Guides après tout. "D'accord, j'aviserai. J'imagine que tu ne veux pas que je chante ?" Oh, un autre piano.

Il arqua un sourcil, trop subtilement pour vraiment être remarqué. Tu peux chanter si tu veux. Klyde chantait tout le temps. Il ne l'avait peut-être pas fait de façon très audible, mais Pasha avait remarqué le mouvement de ses lèvres et les doux murmures qui ressemblaient trop à une chanson. Même quand il se retient, Klyde chante. Pasha y était habitué.

Klyde eut de nouveau un sourire rayonnant et apprécia la nuit, tout à la chanson qu'il avait en tête.

"On dit de lui qu'il nous soumet,
Qu'il nous malmène ou qu'il nous hante.
En un regard il disparait,
Fuyant, naissant où ça lui chante."

La voix du garçon était claire et juste, ce qui lui permettait de chanter librement sans hausser le ton et que les notes n'attirent quelques oreilles indiscrètes.

"Je le sais bien au fond de moi
Qu'il me tuera à petit feu.
Mais vois,  je ne lutterai pas
Si c'est ainsi que Dieu le veut."

HRP :

Pasha ne l'interrompit pas. Il écouta vaguement, sans toujours entendre les paroles (même si les mots comme "Dieu" le rassurèrent sur la nature de la chanson), se laissant bercer par les mots qui se mêlèrent aux bruits de la ville toujours bien vivante malgré l'heure. Il se demanda ce que pouvait bien faire tous ces gens à une heure pareille...... démons ?

"On dit jamais, ô grand jamais
Qu'on tombera sous sa malice.
Qu'on est trop fier et distingué
Se gardant de ses jeux factices.

Mais si les hommes étaient honnêtes
Envers eux-mêmes et leurs vouloirs,
Suivant leurs âmes et non leurs têtes
Ils le verraient sans même savoir."

Par ailleurs, si cette chanson lui restait tant, c'était qu'il n'en comprenait pas le sens. L'air était entraînant, certes, mais les mots lui échappaient. Seul le dernier couplet avait plus de sens.

"Seigneur je garderai la foi
Et fonderai toutes mes prières
Pour que parvienne auprès de moi
Celle que mon cœur toujours espère."

Il n'entendit même pas les mots. Même quand il avait "chanté" au camp avec les paroles devant ses yeux il n'avait jamais vraiment enregistré ce qu'il disait. La mélodie, il l'entendait, mais les mots, non. Encore moins la signification de la chanson. Ce n'étaient pas les genre de questions qui lui passèrent par la tête.

La voix de Klyde se laissa porter par le vent quand il finit. Le calme qui s'en suivit lui semblait assourdissant mais il ne chercha pas entamer une nouvelle chanson, ne voulant pas monopoliser non plus la "conversation" avec Pavel. "Ah !" se rappela soudainement le Guide. "Pour toi" lui tendit-il le sachet qu'il traînait avec lui, l'otchpotchmak de Boria qu'il avait pris en plus pour le roux.

L'otchpotchmak :

Il prit le sachet, étonné de recevoir encore une nouvelle 'surprise' de Klyde. Décidément il n'avait pas encore fini. Il ouvrit le sachet sous son nez et reconnut l'odeur. Ah oui, il n'avait pas mangé. Klyde était venu préparé alors. Rien pour toi ?

"J'ai déjà mangé, ne t'en fais pas." Puis son raisonnement était plus complexe qu'un simple "Pavel ne pensera pas à se nourrir" quand il avait demandé un second met à Boria. "C'était aussi pour m'excuser que cette fois, on n'ait pas pu manger ensemble" s'obligea à expliquer Klyde. Le dîner était souvent un moment serein entre lui et le roux et il avait l'impression d'avoir manqué à son devoir d'ami envers lui. Et le lui avouer était aussi une chose à faire entre ami -du moins, c'est ainsi qu'il en avait compris le fonctionnement.

Les points d'interrogations étaient presque visible dans ses yeux. Klyde le connaissait certainement assez bien pour y reconnaître la confusion. On n'est pas obligé de manger ensemble. Il ne voyait pas pourquoi il aurait besoin de s'excuser pour avoir "raté" un dîner. C'est vrai, ils avaient pris l'habitude de manger ensemble depuis que Pasha était confiné à l'appartement, mais il l'avait considéré un rituel pratique plutôt que planifié.

Oh Klyde lisait bien son mentor mais si l'inverse était vrai, Pavel pouvait également voir que ses mots n'eurent pas réellement l'effet souhaité sur son ancien protégé ; au lieu de le réconforter qu'il n'y avait aucun soucis, le brun ressentait une fois encore le fossé qui s'était creusé entre eux avec les années. "Pas obligé, non... Mais je ne me sens obligé de rien avec toi." Lui n'avait pas besoin d'ordres des prêtres pour vouloir prendre soin du roux. Dieu que le Pavel de son enfance, doux et protecteur, lui manquait.

C'est bien. Il ne pouvait pas dire la même chose. Sans l'ordre des prêtres, Pasha n'aurait pas eu les mêmes initiatives. Il n'avait pas toujours vu "s'occuper de Klyde" comme une tâche au sens propre, mais ce n'avait pas été quelque chose de très naturel. Cela n'empêchait pas qu'il pouvait trouver du plaisir dans l'expérience. Je veux dire, tu n'es pas obligé de penser à moi quand tu manges. Il chercha, mais n'avait pas l'impression que sa réponse était très satisfaisante pour Klyde. Mais merci. Tentative numéro deux.

Il comptait quitter les lieux en prétextant une dernière ronde, le genre d'excuse qui passerait sans problème face à un autre Guide, mais les deux derniers mots du plus âgé le stoppèrent. "Mais merci" ? Le sourire né sur le visage de Klyde devait être plus lumineux que les réverbères loin sous leurs pieds. Le caneton ressentait comme une boule d’allégresse dans sa poitrine, la même quand Sveta le félicitait pour une action bien menée ou quand un Frère acceptait sa réponse comme juste. "Ça me fait plaisir, c'est tout" lui assura-t-il avec un regard doux, son sourire bienheureux toujours présent.

Il n'était pas certain de ce qui avait finalement fonctionné, mais Klyde semblait heureux. Il pourra analyser le "pourquoi" plus tard, s'il n'arriverait pas à dormir ce soir. Pasha finit l'otchpotchmak, content d'avoir l'estomac rempli malgré ses protestations qu'il n'avait pas faim, puis se redressa, impatient de bouger un peu. On fait un tour ?

Pavel lui proposait de passer du temps avec lui ?? Alors qu'ils étaient déjà allés au marché le matin-même ? C'était Noël avant l'heure. "Oui !" s'exclama-t-il guilleret. "Je connais mal cette partie de mon quartier encore, on peut faire du repérage." Parce que marcher pour marcher, ce n'était pas vraiment leur façon de faire.

Il reçut un oui enthousiaste. Il aurait dû s'y attendre avec Klyde, mais Pasha était quand même surpris. Bonne idée. Il ne pouvait peut-être pas chasser les démons en force, mais faire du repérage... c'était la moindre des choses. Je te suis.

Malgré son émoustillement, il prit le temps de se repérer depuis les hauteurs pour savoir où aller directement. Cela fait, Klyde reprit l'escalier en colimaçon et se faufila dans une ruelle hors d'atteinte des lampadaires sans même prendre garde. Une habitude de vaquer dans les ombres quand il le pouvait. Tout comme il ne put s'empêcher de vérifier du coin de l'oeil que Pavel se portait bien.

Toujours bien quand il s'agissait de pouvoir faire son devoir. Quand il remarqua que Klyde l'espionna du coin de l'oeil, il lui fit un léger sourire (ou ce qui passait pour un sourire pour Pasha) pour le rassurer. Il n'allait jamais mieux que quand il faisait son boulot. Même Klyde ne pourrait pas douter que ce sourire ne signifiait pas seulement qu'il allait bien, mais, surtout, qu'il lui était reconnaissant. Du sacré progrès.