Nano. RolePlay

Quitter le camp en transportant suffisamment de vivres pour arriver à la centrale nucléaire n'a pas été de tout repos. Veiller à avoir le moins de contact possible avec les zombies pour économiser les munitions et éviter les morsures si tôt dans l'opération demande un cran de tout instant. Il a fallu aussi parer aux autres dangers de la villes : survivants, obstacles laissés par la panique du jour J, barrage de fortune, risque de tomber sur un groupe de zombie dans une allée. Une sacrée aventure avec quelques modifications dans le plan initial. Désormais, le port abandonné est sous leur contrôle.

Après avoir confirmé l'absence de zombie marin sur le bateau, Rune se préoccupe de l'embarquement des vivres et du matériel prévu pour l'expédition. Il les recompte avec soin et les compare aux comptes de la veille du départ. Son oeil s'arrête sur les condiments, les épices qui relèvent les repas de base. Voilà une chose importante. Il vaut mieux mourir avec un bon dernier repas plutôt qu'une boîte de conserve crue !

Seifur a passé presque tout le trajet en compagnie de la capitaine Raven, à parler Histoire. A écouter, pour sa part, essentiellement. Une fois arrivé sur place, il se rend avec l'équipe d'éclaireurs sécuriser la zone. Il n'y a aucun zombie aux environs de la plage, ce qui n'est guère étonnant pour une île, mais pas systématique.

Lorsqu'il revient, il a tout juste le temps de dire au revoir à Raven, avant de rejoindre M. Sindrì.

"Le compte est bon ?" S'enquiert-il.

Il est bon. Il ne manque rien., confirme Rune qui a pris soin de recompter pour être deux fois sûrs plutôt qu'une. Vous avez des craintes particulières pour ce voyage ?

"Pour le voyage en lui-même, non. Mais pour le démantèlement, il y a plein d'inconnues. Les outils de régulation de la centrale utilisent des pièces qui ne peuvent être produites avec les imprimantes 3D de la base, alors j'espère qu'on ne devra pas démarrer la centrale auxiliaire. Le sarcophage devrait avoir tenu sans problème, mais je m'inquiète pour les installations immergées. S'il y a eu une infiltration de la mer..."

Pour pouvoir intervenir sur la centrale, il leur faudra d'abord sécuriser le site et contrôler l'état des infrastructures. Vous vous inquiétez pour le circuit de prises d'eau et de rejet ou pour celui du refroidissement ? Le plus dangereux serait de laisser stagnante l'eau des piscines de refroidissement du combustible. Elle s'évaporerait et laisserait le combustible usé à l'air libre. Et là, boum.

Les voix des hommes ne retentissent que très peu. Dans un monde dominé par les zombies, même les chantiers sont calmes.

"C'est là qu'on ressent la perte de certaines compétences. Il nous aurait fallu un spécialiste en nucléaire pour analyser les risques. Pour éviter l'exposition, on pourrait faire sauter la digue de protection principale ; les combustibles seraient ainsi constamment immergés. Mais on exposerait toute l'eau de mer à des fuites."

Seifur se gratte le menton, d'un air où l'hésitation le disputait à la détermination.

"Je n'ai pas trop peur de la pollution. C'était un moteur propre, donc radiations très réduites. Le problème, c'est qu'on ne pourra pas éteindre le soleil sans risque, donc il faudrait l'immerger. Mais ça chaufferait localement les eaux et appauvrirait la pèche... Dans tous les cas, je pense que nos options dépendront de la documentation qu'on trouvera sur place.
Alors, prêt ?"

D'un air déterminé, Seifur empoigne son fusil d'assaut et en vérifie la sécurité avant de s'écrier :

"Ou, plus précisément quand il s'agit de zombies : advienne que pourri !"

Puis il se met en marche vers la centrale. Cette dernière n'est pas en très bon état, malgré sa conception ingénieuse. Un opérateur drone s'affaire déjà à prendre la température à l'intérieur, afin de voir s'il est au moins possible de lancer l'alimentation auxiliaire.

La détermination du soldat est rassurante. L'opération se passera bien avec un peu d'optimisme. Rune récupère ses propres armes, un simple fusil au coup par coup et armes de corps à corps. Il préfère la discrétion de manière générale, mais il n'y a pas le choix s'ils souhaitent sécuriser complètement le site. Les pourris doivent être éliminés. En effet. Il attend le signal de l'opérateur drone et les informations sur le site.

L'opérateur retire son casque VR et tout le monde se penche plus près de lui. Même si le périmètre immédiat a été sécurisé, le réflexe de parler à voix basse en extérieur semble s'être gravé dans l'ADN humain.

"Pas de zombies dans le secteur de distribution, en hauteur. Par contre, une analyse des mouvements de l'eau donne une proba' de présence de boueux de 71 %."

Pour toute réponse, Seifur soupire. Il réfléchit à un plan d'attaque.

L'annonce de l'opérateur signifie pratiquement qu'il y a des pourris en apnée sous l'eau. Le problème, c'est qu'ils ne disposent pas du matériel nécessaire pour estimer leur nombre. Ça va être un problème quand ils vont être attirés vers nos positions. Combien sont-ils à guetter des pets de harengs en bas ? Rune fait référence à un épisode qui a failli déclencher la troisième guerre mondiale.

Seifur demande à l'opérateur le casque VR pendant que les soldats discutent. Il observe l'environnement. L'intérieur du complexe est penché et à moitié inondé d'une eau recouverte d'une sorte de moquette naturelle.

"La vase est beaucoup trop épaisse pour qu'on puisse les voir à l’œil nu. Et on n'a pas de drone submersible. On va devoir nous en assurer nous même. On pourrait tenter un leurre pour faire sortir le plus gros ?"

Il retire le casque et le tend à Rune.

À son tour, Rune prend le casque pour regarder la situation qui pose problème. La structure a été endommagée par l'eau qui s'y est engouffrée. Le dépôt de vase qu'il peut voir brouille la surface de l'eau : impossible d'avoir une vision claire. On pourrait, on peut créer un effet de couloir avec les débris pour gérer le nombre en cas de mauvaise surprise. Les coups de feu en attireront sûrement d'autres qui arriveront avec leur lenteur habituelle et leur gémissement.

Seifur hoche la tête.
"Oui, bonne idée ; c'est adapté."

Il fait signe à un homme non loin qui s'approche, puis lui chuchote :
"Faites venir les perchistes, on va nettoyer une chambre. Vérifiez vous munitions et actionnez le suppresseur de votre casque, il va y avoir beaucoup d'échos."

Joignant le geste à la parole, il entreprend de suivre ses propres ordres et active la communication interne.
"Un deux, un deux."

Voyant que les militaires se préparent en adaptant sa suggestion, Rune se tient prêt lui aussi. Les opérations de nettoyage de pourris réservent toujours son lot de mauvaises surprises. Il espère que le stock de munition suffira pour dégager l'intégralité du site nucléaire, autrement, le corps à corps deviendra obligatoire. Le civil est nerveux car c'est une opération très bruyante comparé à son habituelle discrétion et ses manoeuvres d'évitement.

Tout le monde se met en place. En première ligne, les perchistes, accroupis, perches posées au sol, une perceuse entre les mains, la base de soutient prête à être vissée dans le béton ciré. Ensuite les artilleurs, en petit nombre, prêts à faire feu. Enfin les lances posées contre les murs, prêtes à prendre le relais lorsque les chargeurs seraient vides.

Seifur envoie une brique dans l'énorme marre de vase qui reste silencieuse un instant. Puis des silhouettes émergent.