Nano. RolePlay

07:40


Le tonnerre s'abattait au loin, tandis que Takashi se garait à une station-service Exxos. Le trio se trouvait à l'extérieur de la ville, le but étant de rencontrer le professeur Monroe dès que possible. Toute communication téléphonique était proscrite étant donné la traçabilité et la surveillance anti-mutants qui avait probablement pris racine bien plus qu'ils ne l'imaginaient.

Une fois garé, Takashi s'apprêta à sortir, effaçant de son visage la prudence nécessaire dans son milieu pour laisser place à un sourire rassurant.
Tout le monde va bien ? dit-il dans la langue de Harriet afin qu'elle aussi comprenne. Parfait ! Je vais aller chercher l'essence et acheter quelques trucs nécessaires. Ne bougez pas.

Shunsuke, arborant une queue de cheveux teints en noir et portant une casquette des New York Yankee, regarda par la fenêtre. La station-service se situait à l'orée de la jungle new-yorkaise, et il n'y avait pas âme qui vive à part eux trois et l'employé visible à l'intérieur du magasin.

Il inspira, puis expira un grand coup.

Shunsuke se tourna vers son amie, qui paraissait plus nerveuse que jamais. Ce qui était compréhensible. Elle venait de s'embarquer dans une histoire qui la concernait à peine. Et le soulagement de ne plus être seul dans cette aventure était peu à peu supplanté par une angoisse nouvelle, celle de laisser Harriet prendre un chemin qui ne pouvait la conduire que sur un destin tragique. Refusant de laisser ce genre de "et si...?" dominer son esprit plus longtemps, il hésita à lui mettre la main sur l'épaule, préférant lancer une conversation pour se calmer également lui-même.

Harriet, qu'est-ce que tu sais de mademoiselle Monroe ?

Shunsuke ferma les yeux, et sourit en gloussant. Excuse-moi... Je cherchais juste à faire la conversation. Pour me détendre. Je suis anxieux moi aussi.
Il repassa l'œil sur la grande station-service. Je suis rarement allé dans ce genre d'endroit. C'est comme un supermarché à l'intérieur... On n'a pas vraiment de ça au Japon. J'aurais bien aimé visiter, juste pour voir des trucs à acheter. J'ai de la monnaie sur moi...
Il soupira. ... mais Takashi nous a dit de ne pas bouger.

Après les explications de Harriet, Shunsuke laissa Harriet parler et retint de préciser : "Merci, mais comme je l'ai dit, j'y ai rarement été. Je sais ce qu'on y trouve...", se contentant de hocher la tête en souriant. J'ai dû y aller pour prendre de l'essence, je n'ai mis les pieds à l'intérieur qu'une seule fois... Et encore, c'était en ville, pas en agglomération.

Reportant son attention vers l'intérieur de la boutique, il plissa les yeux.

Qu'est-ce qu'il voulait nous acheter ? Ça fait bien cinq minutes qu'il y est...

Ou alors je l'ai pas vu rentrer dans les toilettes ? Il va m'engueuler, mais au moins je serai rassuré. Et s'ils nous traquaient, ils l'auraient déjà fait, de nuit et sans personne... Ses appréhensions se bousculaient les unes contre les autres, et pourtant croissant telles des boules de neige. Il détacha sa ceinture. Je reviens, dit-il à Harriet, trottinant vers l'intérieur de la station.

Les toilettes ? Ben au fond, là où y'a le panneau, lui répondit le vendeur. Guignol, marmonna-t-il alors que Shunsuke marchait rapidement vers la porte indiquée. Ojisan (oncle) ? dit-il en passant la porte.

Qui se referma automatiquement derrière lui.

Ojisan !! s'écria Shunsuke. Takashi gisait contre le mur des toilettes, des gouttes de sang perlant sur son visage. Quelqu'un l'avait assommé. Le jeune homme improvisa un bandage avec lequel il lui recouvrit la tête. Et ce n'était qu'après qu'il constata que la porte avait été scellée. Quant à la pièce elle-même, sa température grandissait à une vitesse alarmante, de la vapeur commençant même à apparaître.

Mais qu'est-ce qui se passe ?! Non... Ce serait...

À l'extérieur, un homme asiatique au crâne rasé, vêtu d'une chemise hawaïenne, sirotait tranquillement un ice tea en appliquant sa main sur l'autre côté du mur de cette pièce.
ゴ ゴ ゴ ゴ

Le mystérieux mutant à l'extérieur expira, satisfait de sa petite bouteille d'ice tea vidée et la jetant par-dessus son épaule.
Tu veux savoir un truc intéressant ? dit-il. Dans la région, on peut visiter Chestnut Ridge Park. Et là-bas, derrière l'une des chutes d'eau du parc, on peut voir une flamme qui brûle encore et toujours, sans jamais s'éteindre. De quoi étonner les scientifiques, qui ont toujours aucune idée de comment se renouvelle le gaz naturel qui maintient la flamme allumée. Inspirateur, non ? L'eau et le feu qui semblent coexister en harmonie.
Sur son visage s'afficha un sourire sadique.
Tu ne trouves pas, Shunsuke Morikawa ?

Cette température... Ce type est un autre mutant que moi ?? Et il connaît mon nom ?!
Shunsuke se précipita vers la porte, mais au moment de la toucher, il se ravisa de justesse.
Ah !! s'exclama-t-il. La poignée était brûlante, et la porte avait été scellée par ce qui semblait être un procédé de soudure.

T'as de la chance, t'as un avant-goût de l'enfer. Oh que je t'envie.
Mais qui êtes-vous ?

Le mutant haussa les épaules. Quelle importance ? Tu vas mourir, de toute façon.

Un mutant... envoyé pour me tuer ? se dit Shunsuke, fermant les yeux, ayant de plus en plus de mal à respirer.
Allez, c'est l'heure de l'apnée, mon poisson.

Le mystérieux individu en chemise hawaïenne plissa les yeux.

Hâte de voir les médias :  "toilettes de station-service transformées en fournaise"...

Un jet d'eau perça soudain le centre de la porte, puis le refit en sens inverse, agrandissant l'ouverture.

Que... !!!!

Shunsuke bondit en dehors en faisant une roulade, tenant Takashi d'un bras et fixant le tueur d'un regard prêt au combat.

Naniiiiiii ?!

J'avais complètement oublié le mini-thermos rempli d'eau que m'avait donné Takashi.
Tu as raison.

Il se leva et prit la pose, le pointant du doigt.

Ça n'a pas d'importance.

Shunsuke prenait sa pose, la main gauche sur le visage et la main droite pointant du doigt le mystérieux assaillant. Ce dernier gloussa en esquissant un sourire.

Okay, je dois l'admettre. J'ai sous-estimé les pouvoirs et les ressources de ma cible.
Puis il le se lança à toute vitesse vers Shunsuke, les mains incandescentes.
Merci pour la leçon !

Shunsuke riposta en révélant la paume de sa main gauche, à laquelle était fixée une bonne quantité d'eau qu'il projeta à toute vitesse vers les mains incandescentes de son adversaire : et la vapeur fut. L'assassin, aveuglé, ne vit pas venir le thermos que Shunsuke allait lui asséner en pleine tête.

Néanmoins, du fait de son expérience et ses réflexes, le tueur en chemise hawaïenne bloqua le thermos d'un geste vif, saisissant le récipient et le transformant peu à peu en liquide ardent. Shunsuke s'éloigna promptement, et vit soudain un corps gisant non loin de la caisse. Le vendeur, les yeux écarquillés, avec des traces rouges sur les tempes et la nuque.

Tu... Tu l'as...

Ouaip, dit-il en jetant le reste de thermos de côté. Je l'ai. Et j'ai piraté les caméras de surveillance. Personne viendra te sauver.

Quelle ordure !!

Shunsuke lui lança un regard noir, d'une fureur qu'il n'avait encore jamais eue.
Il se mit en position d'aïkidô.

Sois pas jaloux ! Je vais aller plus loin avec toi. Je vais te faire fondre comme un fondant au chocolat dans un micro-ondes thermostat max qu'un businessman prend en dessert pour son anniversaire ! Le tueur se lança sur lui, les paumes incandescentes. Il ne restera de toi que de la lave, Shunsuke Morikawa !!

Shunsuke était préparé et se déplaça vivement, mû par l'adrénaline, pour lui bloquer le coude droit, attraper le bras gauche, placer sa jambe derrière son adversaire et le pousser vivement vers le sol, ne lui laissant pas le temps de chauffer ses membres. Néanmoins, le tueur réagit aussi vivement, attrapant la cheville de Shunsuke.

Shunsuke sentit la chaleur augmenter sur sa cheville. Vite, il donna un coup de l'autre pied vers le visage de son adversaire : celui-ci l'attrapa.

Aaaaah, fit-il, plus paniqué que souffrant. Soudain, regardant au plafond, il sut quoi faire : il projeta de l'eau telle une balle vers le visage du tueur, sans main pour se protéger dorénavant. Celui-ci remarqua et esquiva, s'en tirant avec une belle cicatrice à la tempe et Shunsuke avec un pantalon foutu.

Les deux se relevèrent.

Joli réflexe, se dit le tueur. Il se précipita pour prendre un tison en fer accroché à la verticale dans un des rayons, et il en "réchauffa" la partie avant.