Nano. RolePlay

Assis sur le muret de la fenêtre de sa chambre, le jeune homme observait sans mot dire le papier qu'il tenait délicatement entre ses griffes limées plus à taille d'ongles humains, et plus maniables en conséquence. Ce n'était pas les seuls changements qui avaient accompagné la nouvelle année à son compte de vie. Teints en noir, ses longs cheveux réhaussaient son ascendance abénaquie... là où ils camouflaient sa mutation ; Charybde était toujours préférable à Sylla.

Aucun des deux serait l'idéal, mais la réalité s'avérait souvent décevante à ce sujet.

Cayden soupira doucement à cette pensée et rangea avec délicatesse le papier dans une pochette sur son bureau. Laisser le vent jouer avec ses plumes lui rappelait bien trop qu'il avait dû s'attacher les ailes et les retrices pour réussir à enfiler le manteau qui les cacherait aux yeux inquisiteurs. Depuis les évènements de la Voûte - il frissonna à ce souvenir - il valait mieux pour un mutant de faire profil bas en allant en ville.

Mais il avait besoin de recherches, de réponses, à propos du plus grand des changements potentiels, et il sauta avec détermination du muret.

L’Institut Xavier. Pour beaucoup, le symbole d’une prise en charge des mutants par les mutants et l’exemple que les mutants peuvent être « gentils ». Gentil, le professeur l’était surement, Katja n’en doutait pas. Dommage qu’il soit à la botte du gouvernement. Enfin, elle chassa ces pensées en voyant le bâtiment apparaître au loin : autant ne pas attirer l’attention du télépathe le plus puissant du monde avec des pensées révélant ses sympathies pour l’autre camp. Et puis, elle n’était de toute façon pas là pour faire du militantisme, mais pour aider un ami à faire des recherches en bibliothèque. Elle ne se garerait que le temps de le trouver.

On disait qu'il était timide et refermé sur lui-même, parfois même effacé. Cette capacité à se mettre en retrait, à se faire oublier, lui permettait de pouvoir observer son environnement tranquillement. Il ne prit donc pas trop de temps pour repérer sa chauffeuse et n'attira pas l'attention en rejoignant la voiture ; non pas qu'il voulait s'en cacher, juste qu'il n'aimait pas ça, attirer l'attention.

Il ouvrit doucement la portière en muselant son hésitation - Madame Faerber... Katja lui avait affirmé que cela ne la dérangeait pas. "Bonjour... ?" Sa voix comportait cependant une question, comme souvent.

Le coeur de Katja se serra en voyant son ami emmitouflé, dissimulant sa mutation autant que possible. Elle ne pouvait toutefois pas le blâmer : après les événements de la Voûte, elle aussi avait renoncé à son projet de cesser de se teindre les cheveux. Qui sait quelle couleur remplacerait en ce moment leur brun banal si elle avait eu le cran de se montrer telle qu’elle était ? Enfin, ça non plus ce n’était pas le sujet du jour. Katja repoussa vite ses ruminations pour accueillir Cayden d'un sourire joyeux : « Bonjour, prêt à partir sur la piste de ta famille ? »

Il leva un peu la tête, exposant ses aigrettes noircies - qu'il n'osait pas couper malgré la visibilité - et laissa reposer un regard compréhensif sur Katja ; il avait senti, pendant un instant, une certaine tristesse émaner d'elle. Mais comme Katja ne lui en fit pas part, Cayden n'en dit rien. "Pour suivre cette piste, je ne sais pas." répondit-il en prenant place dans la voiture, faisant attention à ne pas s'accrocher une griffe dans la carlingue. "Mais prêt à en savoir plus, je suis plutôt confiant." Il retint une grimace qui n'avait rien à voir avec la conversation. Être assis sur ses rectrices était toujours inconfortable.

« Prêt à en savoir plus, c’est un bon début », approuva Katja. Une fois Cayden assis, elle ne tarda pas à rallumer le moteur et quitter l’Institut. « Je traine généralement plutôt dans les sections scientifiques de la bibliothèque, mais j’ai été faire un tour côté histoire, géographie et cultures et ça a l’air plutôt fourni, donc c’est un bon point de départ. » En espérant bien sûr que ce soit plutôt fourni sur le sujet qui intéressait son ami.

Même avec un conducteur agréable au volant, Cayden n'aimait pas être confiné dans l'habitacle froid et métallique de la voiture ; ses ailes attachées ne l'en démangeaient que plus. Il fixait donc le paysage en laissant dériver ses pensées, se sachant peu doué pour engager une conversation.

A la remarque de Katja, il se tourna cependant vers elle avec un sourire de reconnaissance. "Espérons aussi que ce soit pertinent." Une pensée toute autre lui vint soudainement en tête et il se mit à jeter des coups d'oeil hésitants vers sa comparse.

« On croise les doigts », renchérit Katja. « Et si ça ne l’est pas, on peut toujours aller voir dans d’autres bibliothèques, c’est pas ça qui manque. » Et si même en écumant New York ils ne trouvaient pas, elle pouvait toujours consulter le catalogue en ligne interbibliothèques auquel elle avait accès via l’université. Mais retour au présent, où les yeux de son passager faisaient des va et viens peu assurés. « Quelque chose te tracasse ? »

"Ne..." Cayden se mordilla les lèvres dans son hésitation. Il finit par inspirer longuement avant de se lancer. "Ne sommes-nous pas partis un peu vite ?" Précipitamment, voulait-il dire. Mais cela sonnerait trop accusateur, et ce n'était pas ce qui le travaillait. Il se tortilla les griffes en se tassant dans sa collerette engoncée dans son manteau, sa voix sortant plus petite. "Je suis désolé si je vous ai dérangée... de euh... devoir venir à l'Institut..."

Oups, il l’avait remarqué. Elle aurait dû s’en douter : Cayden était extrêmement observateur. « Oh. Non, tu ne me déranges pas du tout, au contraire. Je voulais juste maximiser le temps qu’on aurait dans la bibliothèque. » Elle ponctua sa phrase d’un nouveau sourire qu’elle voulait rassurant. C’était presque inquiétant comme les mensonges lui venaient facilement depuis son passage au sein de la Confrérie. Elle n’était pas sûre d’apprécier cette évolution, mais il fallait bien reconnaître que c’était souvent pratique.

Il y avait comme quelque chose qui n'allait pas dans ce sourire. Des fois, Cayden aurait aimé être plus insouciant, moins à l'écoute du langage corporel des autres, de ce qu'ils transmettaient sans s'en rendre compte ; il n'allait cependant pas pousser devant un tel refus. "D'accord..." murmura-t-il faiblement avant de tourner la tête vers la vitre, retournant à sa contemplation du paysage. Si ses yeux le piquaient, ce n'était qu'un effet fantôme de la teinture sur ses aigrettes, et rien d'autre. Ou peut-être la Voûte et tout ce qui y était lié, sans doute aussi ce qu'il ressentait de Katja. "Merci de m'emmener." ajouta-t-il soudainement.

Il n’avait pas l’air convaincu, aie. Pourtant, la dernière chose que Katja voulait était d’inquiéter son ami déjà si prompt à se faire du mauvais sang. Enfin, s’attarder sur le sujet serait sans doute pire que bien. « Mais avec plaisir. Pour une fois que j’emmène quelqu’un dans une bibliothèque sans devoir le trainer. » Son sourire se fit plus amusé en songeant à ses élèves de l’année précédente.

Il n'avait pas le coeur de plaisanter, pas aussi tôt. C'était aussi une capacité qu'il ne possédait pas. Et puis, avec l'ambiance générale... Son duvet commençait déjà à s'hérisser en songeant à ce qui pourrait les attendre en ville. Il n'y était encore pas retourné après la Voûte.

Mais Cayden appréciait réellement Katja et ne voulait pas la peiner de sa propre humeur sensible aux variations "ambiantiques". Il lui sourit donc vaillamment, même si ses joues semblaient lourdes. "J'y passerai mes journées, parfois. Mais Dylann n'y tiendrait pas longtemps." Et ce serait dommage de manquer autant son ami, même pour des livres.

« Ah, oui, un argument pertinent. » Peu certaine de ce qu’elle pouvait dire pour réconforter Cayden (et ayant constaté que le mensonge était contre-productif), elle se concentra plutôt sur le trafic autour d’elle. Bientôt, ils arrivèrent dans les alentours de la bibliothèque. Plus qu’à trouver une place de parking libre et… Trouvée ! En quelques coups de volant, Katja se gara. « La bibliothèque est juste là », indiqua-t-elle une fois arrêtée.

Le jeune homme suivit mécaniquement du regard le bras levé vers la direction de leur objectif. Son duvet le démangeait déjà rien qu'à l'idée qu'il y aurait du monde près de lui, peut-être même une foule, et d'inconnus par-dessus le marché, qu'il y aurait du bruit, et plein de conversations en même temps, et des odeurs pour agresser son nez, et tellement de mouvements qu'il aurait mal à la tête à force de les suivre ; et plus que tout, l'idée qu'il devrait pourtant s'y concentrer à son maximum pour éviter tout ennui, là où il faudrait les ignorer.

"Y aura-t-il du monde ?" demanda-t-il en s'humectant les lèvres. Autant partir préparé.

Katja dut réfléchir un moment pour se remémorer les heures d’affluence de cette bibliothèque. « Hmm, pas tant que ça. Sans doute quelques familles en quête de lecture ou d’ouvrages de référence pour des devoirs, mais plutôt dans la section enfants ou jeunesse. Et dans notre section, sans doute des adolescents ou étudiants qui cherchent à se renseigner sur l’un ou l’autre sujet. Mais c’est généralement assez calme : personne ne veut s’attirer la foudre des bibliothécaires en chahutant. Et les touristes ne visitent pas vraiment cette bibliothèque-ci. » Moins spectaculaire que d’autres bibliothèques de la ville.

Un sourire sincère fleurit sur les lèvres de Cayden. "Tant mieux." Il ne perdit pas plus de temps à tergiverser sur l'état exact de la densité de stimuli qu'il recevrait dans la bibliothèque. Maintenant qu'il était là, il n'allait pas laisser des et si ? l'empêcher de mener à pied sa quête.

Elle n’était pas vraiment étonnée que le calme promis rassure Cayden. C’était en partie pour cela qu’elle avait proposé cette bibliothèque-ci. Elle se hâta vers l’entrée, désireuse d’échapper à la cohue d’un samedi matin new yorkais. Peut-être qu’une fois à l’intérieur, ils trouveraient un endroit suffisamment calme pour que son ami puisse se débarrasser de ce manteau qui devait lui compresser les ailes. Elle salua les bibliothécaires en entrant, avant de se diriger d’un pas assuré vers la section « Histoire et culture » de la bibliothèque.

Il avait oublié de prendre en compte la foule de la rue. Retenant un début de panique qui voulait le faire retenir dans la voiture - sans doute fermée maintenant - ou décoller - il avait bien fait de s'attacher les ailes - Cayden inspira et expira doucement pour calmer son rythme cardiaque et analyser sereinement les mouvements de la foule avant de s'y faufiler adroitement.

Et dans sa hâte d'y échapper, il ne prit même pas garde au fait qu'il avait passé l'entrée de la bibliothèque sans se poser la question d'un possible refus des mutants. Il en cligna un peu des yeux en fixant le titre du rayon avant d'afficher un petit sourire.

Habituée à la foule, Katja avait malheureusement oublié les sensibilité de Cayden à une telle marée humaine. Elle aurait sinon fait plus attention à lui. Mais, puisqu’ils étaient maintenant tout deux à leur destination et en une seule pièce, et puisque la vue du rayon avait tiré un sourire à son ami, elle n’avait pas de raisons de se faire de soucis. « Tu cherches un ouvrage en particulier, ou on parcourt les rayons et on voit si on tombe sur quelque chose de potentiellement intéressant ? »

"Mmh... Je pensais d'abord tenter une recherche sur leur base de données." répondit doucement Cayden en se dirigeant vers l'ordinateur du rayon. Ce n'était sans doute pas très fin mais il se contenta pour le moment de lancer la recherche Abénaquis ; il affinerait sa recherche par la suite. Car, comme il le pensait, il n'y avait pas tant de titres que ça : ça tenait sur deux pages.

Ah oui tiens, bon réflexe. Bravo la doctorante en carton de ne pas y avoir pensé. Elle laissa donc Cayden lancer sa recherche tout en commençant à déambuler dans les rayons les plus proches, curieuse d’en observer les contenus. L’histoire était plus le dada de sa soeur que le sien, mais le sujet l’intéressait tout de même. Ne fut-ce que pour le principe de connaître les erreurs du passé pour ne pas les reproduire.

Les références en tête, Cayden se dirigea vers les étagères attraper très délicatement les nombreux ouvrages qu'il avait trouvé dans sa liste. Il ne comptait pas tous les lire mais au moins parcourir leurs sommaires pour écarter ceux qui lui semblerait inutile.

Les livres en griffes, le jeune mutant chercha du regard une table qui pourrait convenir... et son visage s'éclaira en avisant un petit bureau engoncé entre deux étagères ; la discrétion et le calme le plus total.

Voyant que Cayden avait quitté le catalogue, Katja se rapprocha à nouveau, à temps pour le voir rassembler une première sélection de livres. En se rapprochant encore, elle vit qu’il restait sur les étagères d’autres ouvrages semblables, et elle les prit également pour les lui apporter. « Pas mal, comme point de départ », commenta-t-elle. Pas hyper fourni, mais mieux qu’elle ne l’avait craint. Plus qu’à espérer que le contenu soit correct et utile.

"Merci." Cayden sourit doucement à Katja quand il la vit revenir avec une autre pile de livres. Beaucoup des ouvrages se trouvaient cependant être en français et il grimaça de dépit. Qui s'accentua encore plus quand il se souvint qu'il parlait encore moins la langue abénaquise. Une ombre tomba sur son visage.