Nano. RolePlay

Cela faisait deux mois que Seamus avait disparu. Et qu'Éric s'était exercé avec Lady Dunne à une séance de spiritisme, sans résultat convaincant. Néanmoins, il avait rarement goûté à un aussi bon thé irlandais.
Les mois ayant suivi, il avait réussi à communiquer avec un certain nombre de fantômes. Mais là encore, aucune piste.
À présent, assis sur son lit, il contemplait tour à tour la bougie sur sa table de nuit, et la vue de sa fenêtre donnant sur le jardin. Songeur. Alors que la vision qu'il avait eue deux mois auparavant s'était visiblement enfin concrétisée.

Soudain, il sentit une autre vision venir.
Enlevant ses lunettes, il plaça la main droite sur son visage comme pour la recevoir.




Retirant sa main, le regard confus, il finit par remettre ses lunettes.
Qu'est-ce que le Temps cherchait donc à lui dire ?




Lampe-torche à la main, Éric était toujours à la recherche de la porte en question. Sa recherche n'ayant pas porté ses fruits dans l'aile gauche, le médium avait décidé de continuer dans l'aile droite. Laquelle était interdite d'accès au public, mais il se sentait pressé d'enquêter avant le lever du jour. Comme si une clé allait lui échapper.
Soudain, il entendit des pas de velours sur le tapis du couloir, à une dizaine de mètres de lui. Il se retourna.

Quand le courant se coupa brusquement, Faélàn était en train de savourer son infusion du soir. Pour Lady Dunne, ce ne fut qu'un reniflement agacé d'être interrompue en pleine dégustation.

"Quelle impolitesse..." souffla-t-elle à ses chats qu'elle sentait près d'elle. "Mais ne nous laissons pas distraire." Et elle finit de boire tranquillement son infusion.

Il n'y avait lors pas besoin de voir.

Plus tard, elle prit une chandelle dans le tiroir de sa table et sortit avec ses chats en fredonnant. Maintenant, ses vieux sens lui disaient qu'il était l'heure de l'aventure.

Et n'était-ce pas du bruit qu'elle entendait dans l'aile droite ?

Quelqu'un l'avait suivi depuis le moment où il était entré dans l'aile droite. S'étant retourné, sa lampe-torche pointait alors vers la robe aubergine de Lady Dunne, dont le visage était éclairé par sa chandelle. Le Français soupira. S'il n'avait pas eu l'habitude des fantômes, il aurait considéré à priori la dame comme tel l'espace d'un instant. Ce qui n'était pas le cas. Madame, lui dit-il en français. Cependant, ses yeux s'écarquillèrent à la vue d'yeux non humains à ses pieds, avant de se rendre compte, à son soulagement et à sa surprise, qu'il ne s'agissait que de ses chats.

Les yeux de Faélàn pétillaient de malice à la lueur de sa chandelle. "Monsieur." dit-elle en imitant la langue, avec un fort accent irlandais. Son visage se plissa dans son investigation amusée. "On espère voir ne pas être remarqué dans le noir ?" Elle haussa un sourcil vers la direction où il se dirigeait : la zone interdite au public de l'hôtel.

Éric plissa les yeux. Quelle question. Difficile de ne pas être vu avec une lampe-poche allumée, dit-il en éteignant cette dernière, se rapprochant de Faélàn et de sa chandelle en vérifiant où se trouvaient ses chats au sol. Mais le temps presse. Il soupira. J'ai eu une vision. Du genre habituelle, voyez-vous, pas du genre à me faire m'évanouir. Je n'ai vu vaguement qu'une seule chose... Une porte. Et c'était une porte de l'hôtel. Je ne l'ai pas trouvée dans l'aile gauche... et donc, me voilà. Se tournant vers le reste du couloir : Sûrement une clé du mystère de l'hôtel.

Faélàn ne put s'empêcher de rouler des yeux. Ce Grand Monsieur Savant ne tombait pas dans ses pièges... il y courrait tête en bille à chaque fois ! Elle écouta cependant attentivement ses propos avant d'hausser une nouvelle fois un sourcil. "Est-ce vraiment nécessaire de se presser autant ?"

Ses chats fixaient le couloir sans ciller, les oreilles gigotant de temps en temps, comme s'ils entendaient et voyaient ce qui n'était pas accessible aux humains. Faélàn fredonna pour elle-même. L'heure de l'aventure lui avaient dit ses vieux sens !

"Allons-y !" Et elle s'accrocha au bras d'Eric avec un grand sourire.

Il soupira devant le roulement d'yeux de Faélàn. Vous croyiez sincèrement que j'allais jouer à me trouver des prétextes ? Un porte-bonheur perdu dans l'aile droite, peut-être ? Du somnambulisme ? Vous me connaissez déjà trop bien pour cela. Et peut-être que je me précipite, mais cette porte... Durant ma vision, je ne me sentais pas mis en garde contre elle. Au contraire. Et l'obscurité est propice à l'apparition de fantômes. Lorsque Faélàn passa son bras autour du sien, il éprouva un mélange de contentement et d'exaspération intérieures. Nous voilà complices. Et puis comme ça, vous me rattraperez si je m'évanouis de nouveau...

"Bien, bien, allons voir." répondit Faélàn avec ce gentil ton qu'un adulte exaspéré prend devant un enfant agité. La remarque de son sac-à-mains la fit doucement ricaner. "N'y comptez pas trop, je suis percluse d'arthrite." lui rappela-t-elle avec dans les yeux la lueur espiègle d'une Fir Darig. Elle commençait à se retrouver elle-même curieuse.

Éric, ne pouvant réprimer un sourire amusé devant la réponse que Faélàn venait de formuler face à son sarcasme, demeurait étonné de voir cette dernière aussi confiante quant au fait que ses chats n'allaient pas trop s'éloigner d'elle en promenade. Mais il était conscient qu'elle savait ce qu'elle faisait, et pas seulement en termes de spiritisme.
Il projetait la lumière de droite à gauche du couloir, dans l'espoir de trouver cette mystérieuse porte.
Jusqu'à la trouver, parmi celles se trouvant au fond du couloir. Après s'être arrêté quelques secondes, il éclaira les dernières portes : aucune ne ressemblait à celle devant lui. C'est elle.

Les chats s'étaient éloignés durant leur balade mais Faélàn ne s'en inquiétait pas. Ils revenaient toujours, peu disposés à laisser leur chère (grand)maman trop loin d'eux. Si Satine revint se frotter silencieusement à sa jambe, Laiwann miaula fortement quand Eric illumina LA porte. L'écho de son cri résonna dans le couloir... faisant glousser Faélàn. "L'ambiance est parfaitement dosée, vraiment." Tout cela semblait prodigieusement l'amuser. Elle se sentait vivre une seconde jeunesse. Ses yeux pétillants se posèrent sur Eric. "A vous l'honneur de l'ouvrir."

En effet, oui. S'il n'avait pas eu l'habitude des cris soudains de certains fantômes lors de ses séances de formation, Éric aurait sursauté au miaulement de l'un des deux chats.
Devant la porte, le médium resta hésitant. C'était bien cette porte, mais il avait le sentiment d'avoir oublié quelque chose. Il se rappela alors les paroles d'un doyen de l'association, qui lui avait averti de ne "jamais au grand jamais" foncer lors d'une investigation paranormale. Et il avait connaissance de mon pouvoir. ... Je ne sais pas ce qui me prend. Il se tourna finalement vers Faélàn. Peut-être avez-vous raison. Nul besoin d'y entrer sur-le champ.

"Ooow ? ~" Il y avait clairement de l'amusement dans la voix de Faélàn. Ses yeux se plissèrent vers le jeune homme. "On a appris à temporiser ? C'est le début de la sagesse..." Elle se pencha pour tirailler légèrement sa joue. "Et le début de la vieillesse ! Attention aux rides !" Un petit rire la secoua mais sa voix ne portait pas loin ; l'atmosphère demandait un certain niveau sonore proche des murmures. "Et bien, que diriez-vous de m'expliquer un peu plus en détails cette vision ?" Avisant un banc non loin, elle commença à y traîner son sac-à-mains.

Dans un autre contexte, se faire tirer la joue même par une simple connaissance aurait suscité à Éric un vif agacement ainsi qu'une réplique sèche et bien sentie. Mais au lieu de crier à la condescendance de son interlocutrice, l'égo de l'égyptologue préféra constater une familiarité taquine, et revira de force vers la remise en question. Son désir brûlant d'avoir enfin de véritables pistes après des mois ne l'avait-il pas plongé dans une sorte de témérité ?
Il opta pour un sourire. Léger.
Puis il s'installa.
Eh bien... Cette porte, c'est tout ce que j'y ai vu. Et c'était bien elle. Mais... je ne voyais pas clairement ce qu'il y avait autour.

Mmh ? Pas d'explosion outragée ? Le garçon apprenait vite à rendre son égo plus flexible à l'humilité. Faélàn en fredonna d'un doux contentement, tâchant de garder son propre amusement sous le couvert de la modestie.

Comme ils s'étaient assis, les chats vinrent les rejoindre de leur petit pas trottiné de velours. La Duchesse s'installa sur les genoux de sa vieille maman, laissant son Duc tourner un peu en rond avant d'opter... pour les genoux d'Eric.

Faélàn cacha son sourire derrière une main de soie - Laiwann dépassait les dix kilos sans être en surpoids. "Aucune indication temporelle dans votre vision ?" s'enquit-elle finalement.

Éric fut content de voir Laiwann se poser sur ses genoux. Lors de leur séance de spiritisme deux mois auparavant, les chats s'étaient simplement contentés de se frotter contre ses jambes.  Il se mit à lui caresser délicatement la nuque. Aucune. Je ne sais pas si ce qui m'y attend s'y trouve de jour ou de nuit. J'ai pensé que la coupure pour le moins... inhabituelle de ce soir et le fait de voir l'avenir le soir même n'avaient rien d'une coïncidence. Hmf. Mais de véritables coïncidences, croyez-moi, j'en ai vu, dans mon domaine.

L'air de lutin revint danser sur ses lèvres à la mention de coïncidence. Mais elle ne dit rien, préférant observer la façon dont ce Grand Monsieur Savant patinait dans la semoule. Ses yeux revinrent se poser sur la porte et elle se tapota le menton.

"Il arrive à un moment donné où il faut faire fi de prudence et se jeter à l'eau de l'aventure." fit-elle remarquer. Ses yeux se posèrent sur la fenêtre la plus proche. Tout était malheureusement sombre dehors, et elle doutait qu'Eric ait pu noter le détail de la position de la lune dans le ciel. "A vous de ressentir quand vous penserez qu'il s'agit DU moment."

Faire fi de prudence et se jeter à l'eau... N'est-ce pas le contraire de ce que vous m'avez dit il y a quelques minutes ? Il continua de caresser Laiwann. Je ne sais pas quand sera le bon moment. Je ne sais même pas s'il y en a un pour cette porte, dit-il en regardant celle-ci. Et même après avoir parlé avec autant de fantômes, je ne sais décidément... pas grand-chose. Se retournant vers Faélàn : Au fait, êtes-vous au courant pour Miss Lynch et M. Kelly ? Ils ont tous les deux failli perdre connaissance. Comme moi lors de ma vision au musée. Je ne les connais pas suffisamment pour savoir s'ils ont un... don comme vous et moi, et si c'est lié.

Le sourire de Faélàn parlait d'un mystère espiègle. Sans doute même que dans la pénombre éclairait par sa chandelle et par les yeux lumineux des deux chats, il en paraissait irréel et un brin dangereux. "Si je vous disais où aller et que choisir, Eric Deshayes, ce ne serait plus des conseils que je donnerais."

Son regard se perdit dans les ombres du couloir alors qu'elle réfléchissait à sa question. Le groom Bobby était venue la prévenir, comme tous les autres clients de l'hôtel, et avait eu l'amabilité de la tenir au courant de la réception manquée. "En cet hôtel, les coïncidences ne sont pas à prendre à la légère." dit-elle finalement.

Éric leva un sourcil. Je ne vous ai pas demandé de me servir des réponses sur un plateau d'argent, madame. Je dis simplement ce que je ne sais pas encore.
La remarque de Faélàn ne lui indiqua nullement si elle avait effectivement été mise au courant. Néanmoins, il fut satisfait de voir qu'elle était d'accord avec lui. En effet.
Le jeune homme tourna son regard vers la fenêtre. Observant le ciel nocturne et quelques secondes de silence, il se leva lentement pour laisser le temps à un Laiwann mécontent de se déplacer, et s'approcha de la vitre, remarquant alors à quel point la lune et les étoiles semblaient vivaces ce soir-là.

Elle ne s'émut même pas de l'humeur de son voisin. Il était encore jeune, être hâtif était une marque de fabrique de la jeunesse. Au moins avait-il la délicatesse de prévenir Laiwann qu'il se levait, non pas que le grand mâle s'en agace. Il n'était pas de ces chats de rue impulsifs.

Faélàn regarda le jeune homme se rapprocher de la vitre dans un silence tranquille, seulement rompu par les ronronnements de ses chats. Laiwann vint se lover près de ses genoux et fourra son museau dans la collerette de Satine.

"Ne voyiez-vous pas la lune dans votre vision ?" demanda-t-elle. Ils pourraient en déduire l'heure.

Éric posa les mains sur la base du dormant de la fenêtre, ne quittant pas la lune des yeux. Pensif, il avait néanmoins été attentif à la question de la vieille dame. Non. Rien que la porte. Les alentours étaient très vagues, impossible d'y discerner quoi que ce soit.

"Mmh..." La vieille femme était pensive aussi. Ses mains gantées caressaient consciencieusement le poil soyeux Satine. "Et bien, je crains qu'il ne faille s'en remettre à l'instinct aveugle de réflexion dans ce cas."

Éric quitta la fenêtre des yeux pour se retourner vers Faélàn. C'est bien là le problème : l'instinct est à l'opposé de la réflexion... et je ne suis pas sûr qu'il nous mène là où nous devrions aller.

Peu après la fin de sa phrase, un son discret capta soudainement l'ouïe du jeune homme. Était-ce une voix grave ? Le bruit du vent s'engouffrant dans une faille quelconque ?
Il entendit ce son derechef.
Une voix... Ça vient de la porte à droite de celle en face de la porte qui m'intéressait. Un homme ? Cette voix ne me paraît pas celle d'un vivant. L'écho semble surnaturel...

Vous avez entendu ?

"Et bien, notre raison peut parfois être trompée." Comme lorsque nous avons l'impression de tomber car les escaliers sont quadrillés et que le regard voit le vide. Mais Faélàn n'eut pas le temps d'expliquer son point. Deux choses se produisirent en même temps. Elle perdit totalement l'attention d'Eric qui se tendit comme s'il avait entendu quelque chose. Ses chats se redressèrent alors en même temps, les moustaches frémissantes et le poil légèrement gonflé. La vieille femme n'avait elle rien entendu d'étrange... mais elle ne se fierait guère à ses sens déficients. "Qui a-t-il ?" demanda-t-elle en se levant rejoindre Eric.

Peut-être que l'une des personnes résidant dans les ombres saura nous en dire plus.

Éric se focalisa sur le talisman et l'amulette dans sa poche intérieure droite, ainsi que sur le sel et la clef en argent dans sa poche gauche. Satisfait d'être venu préparé au moins à ce niveau-là, il s'approcha lentement de la porte.

Il en serra la poignée ronde.

La tourna.

L'ouvrit lentement.

La voix s'était tue. Du moins, pour le moment.
Il se tourna vers sa doyenne, attendant de voir si elle souhaitait l'accompagner. Mais quoi qu'il arrive, Éric s'était décidé à tenter d'entrer en contact avec ce fantôme.
Pourvu qu'il soit aussi coopératif que Brian.