Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



Il pleuvait à trombes ce jour-là. Pas le meilleur des temps pour partir à la recherche des fantômes, surtout lorsqu'ils avaient mystérieusement disparus. Pauvre Seamus... Faélàn espérait que, où qu'il soit, il ait de la compagnie pour ne pas s'ennuyer.

La Dame tripota distraitement la dentelle de ses gants en satin. Ses chats dormaient et elle n'avait pas le coeur de les réveiller. Sa petite Aine travaillait sans doute à cette heure-ci.

Un petit soupir lui échappa : quelle horreur, la retraite ! Trop de temps à tuer, elle en allait repeupler l'Hôtel.

A sa propre pensée, ses yeux scintillèrent d'amusement, avant de se poser sur une silhouette qui s'avançait dans le hall. Ah tiens, l'égyptologue, arrivé depuis peu... Elle n'avait pas encore eu l'occasion de se livrer aux mondanités, ni d'asticoter ce Grand Monsieur Savant.

Il y a quelques années, Faélàn aurait bondi de sa chaise. Mais il pleuvait ce jour-là, et elle était percluse d'arthrite. La Dame se glissa donc d'un pas de velours aux côtés de l'homme dont elle attrapa le bras avec un grand sourire. "Bien le bonjour, cher Monsieur."

Éric se sentit secrètement agacé par le refus de Faélàn et de son complice de répondre à sa question. Il lui semblait plus clair que jamais qu'il n'était pas seulement son sac à main temporaire, mais aussi son divertissement de la journée. Sans se retourner, arrangeant ses lunettes : En tout cas, c'est au centre de mes interrogations qu'il se trouve, plaisanta-t-il. Le centre de la pièce... C'est là qu'étaient placés les sarcophages des pharaons. Le centre de la pyramide. Le point concentrant le plus d'énergie divine. Ceci n'est pas un sarcophage... mais ils m'ont amené là sachant que je suis égyptologue. Est-ce vraiment une coïncidence ?

Il avait une belle repartie, ce jeune homme. Faélàn lui en tapota même le bras pour lui témoigner ses encouragements. Elle voyait néanmoins qu'il réfléchissait sous cette nonchalance affichée. Elle fit un clin d'oeil au conservateur qui sourit derrière ses lunettes de hibou. "Ce collier a appartenu à un certain Coem O'Malley. Il date d'un petit siècle. 94 ans pour être précis." Faélàn se pencha vers Eric, un grand sourire de lutin au visage. "Voulez-vous savoir ce que j'ai ressenti en le touchant ?"

Éric la regarda dans les yeux. Puis dans ceux du conservateur. Puis de nouveau dans ceux de Faélàn. 94 ans... Il n'est pas impossible qu'il soit encore vivant, à cet âge. C'est de là que leur vient leur air malicieux ? Je suis tout ouïe.

Elle le voyait cogiter, ce qui ne dit qu'agrandir son sourire mutin. Faélàn s'avança encore plus vers le jeune homme, les yeux plissés d'amusement. "Et bien, voyez-vous... J'ai senti..." Elle laissa sciemment traîner sa voix dans le mystère. "Une grande envie de rire !" A sa révélation, elle écarquilla les yeux en faisant un grand geste de la main.

Éric se refusa à sauter à la conclusion apparemment évidente qu'ils se payaient tous les deux sa tête depuis le début. Si c'était le cas, ce serait une farce même pas digne des blagues de Toto : "Je vous présente une pendeloque, elle a appartenu à quelqu'un il y a longtemps... Eh bien en fait non, haha ! Et elle est au centre de la pièce sans raison particulière si ce n'est que c'est la plus jolie pièce du musée, hihi !" Non. Ça ne peut pas être ça. Je vois. Savez-vous pourquoi ?

Le conservateur la regarda et Faélàn hocha lentement de la tête avec un sourire plus doux. Oui, il était temps de cesser de jouer. L'homme écarta donc des bras impuissants. "Nous manquons d'archives à ce sujet." La vieille femme remit son gant en fredonnant : "Par un simple toucher, je ne peux guère en savoir plus. Et il est vrai que je n'ai pas vraiment cherché plus loin." Ses yeux se plissaient à nouveau d'espièglerie. Ah ! Ce serait une aventure !

C'était donc ça. J'ai du mal à comprendre comment des gens pourraient trouver ça amusant. Beaucoup d'enthousiasme pour rien. Vous m'en voyez déçu. Mais ça reste une belle pièce, et j'ai bien envie d'en savoir plu...
Sur ces mots, il se couvrit le visage et s'évanouit sur le côté.



La vision n'était pas claire. Brumeuse, même.

Éric était debout devant l'hôtel.

Un petit nuage noir se formait au-dessus et commençait à s'agrandir.

Petit à petit, le nuage commençait à envelopper l'hôtel, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien sauf le nuage... puis l'obscurité.

Éric ne voyait plus rien d'autre.

Seulement du noir.



Puis il reprit connaissance.

Faélàn avait des années d'expérience à côtoyer des médiums, et elle savait que ce collier recelait de quoi creuser. Elle réussit donc à rattraper tant bien que mal l'homme qui s'effondrait, grimaçant sous l'effort demandé à son vieux corps. Le conservateur vint heureusement la soutenir avec seulement quelques secondes de retard.

Quand Eric se réveilla, il était donc couché au sol et deux visages inquiets perchés au-dessus de lui. "Il faut faire attention à ce qu'on demande, quand on est médium." le gronda Faélàn. "Il y a bien une raison pour laquelle je n'ai pas encore cherché plus loin." Elle lui tendit néanmoins un verre d'eau.

Éric ouvrit rapidement les yeux, voyant Faélàn et le conservateur penchés au-dessus de lui, préoccupés. Prenant quelques secondes pour respirer, il tourna la tête pour vérifier si des gens avaient été témoins de la scène : heureusement, tout le monde semblait se trouver dans les autres salles, inconscients de ce qui venait de se passer. Le Français soupira. Les visions du futur ne donnent pas vraiment le choix du moment de réception ni du contenu. Et elles surviennent qu'on exprime un souhait ou non. Il prit le verre d'eau. Merci. Une fois son contenu bu : Et celle-ci n'avait rien à voir avec la pendeloque. Un temps. À moins que...

Faélàn retint difficilement de rouler des yeux. Ce garçon était beaucoup trop pragmatique ! Sa vie devait être bien ennuyeuse... Mais c'était sa vie et elle ne porterait pas de jugement dessus. "Vous pouvez vous lever ? Je ne pense pas que vous souhaitez être au centre de l'attention, et ce collier est plutôt recherché dans ce musée." Elle lui tendit une main charitable avec un doux sourire. "Puis vous pourrez me dire ce que vous avez vu."

Je doute qu'on me soupçonne de vouloir voler jusque parce que je me suis évanoui. On pourrait penser que je fais diversion pour un complice, mais à part moi, la dame et le conservateur, il n'y a personne d'autre dans la salle. Néanmoins, ma vision... Il faut que je sorte. D'autant plus qu'elle, elle m'écoutera. Au conservateur : Veuillez m'excuser. Je ne me sens pas bien. Je reviendrai avec plaisir finir ma visite de votre musée un autre jour.

Quelques minutes plus tard, assis à côté de la fontaine du village, Éric avait fini de raconter à Faélàn la vision qu'il avait eue. Vous pensez que ça aurait un lien avec la disparition de Seamus ?

Faélàn salua son vieil ami et suivit le jeune chercheur en le soutenant, comme un miroir inversé de leur entrée. S'asseoir fut salutaire pour ses articulations ! A la demande du jeune homme, elle tapota la table, songeuse et sans un brin d'espièglerie : "Je ne sais guère. Comme vous le dites, les visions peuvent arriver sans prévenir." Un petit sourire revint danser sur ses lèvres. "Mais en ces lieux, je serai disposée à ne pas croire à un simple hasard, du moins pas sans creuser la question."

Et vous avez raison. Ce que je vois dans mes visions, ce n'est jamais un hasard. Jamais. Et de toute ma vie, pas une seule ne s'est avérée incorrecte. Cela dit, certaines sont plus... vagues que d'autres. Il se retourna pour observer l'hôtel tout au loin de Cuagach. ... Ce nuage noir qui s'agrandit sans cesse, recouvrant tout l'hôtel... Est-ce qu'il représente le mystère des fantômes qui le hantent ? Ou bien davantage ? Une menace pour tous les occupants vivants également ? Il se mit debout pour réfléchir. Un lieu qui ne laisse pas les fantômes partir. Le plus ancien d'entre eux qui disparaît. Et maintenant, cette vision...

Faélàn aurait bien apprécié une tasse de thé. Ils devaient avoir dépassé l'heure du thé avec toutes ces manigances occultes. Elle sentait subitement le poids de la vieillesse... Quelle fougue chez les jeunes gens ! Ils se précipitaient toujours en avant, sans laisser aux choses le temps d'advenir. "Peut-être ne s'agit-il que de l'annonce du mauvais temps pour la semaine prochaine." Son sourire fin était un brin mutin mais elle ne plaisantait qu'à moitié. "Si vous vous focalisez dessus, vous manquerez la vue d'ensemble."

Éric ne quitta pas l'hôtel de vue, mais après quelques secondes à réfléchir à ce que venait de dire Faélàn, il dit finalement : Vous avez peut-être raison. Laissant ces préoccupations temporairement de côté, il se retourna néanmoins vers elle, les mains dans les poches de son manteau remuant au gré des brises de novembre. Madame Dunne, à propos de la pendeloque... Vos regards complices avec le conservateur ne sont pas passés inaperçus... Soyez honnête : est-ce que c'était vraiment uniquement en guise de farce que vous et votre ami me l'avez montrée ? Ou bien est-ce qu'il y avait une autre raison ?

"Tout doit-il suivre un Grand Plan ?" rétorqua immédiatement Faélàn en haussant un sourcil amusé. Ah ! Ces jeunes ! "Je ne suis qu'une vieille fée espiègle." A vrai dire, son instinct lui disait qu'il y aurait à creuser. Une possibilité. Mais rien qui n'avait été un plan dans toute cette affaire.

Et idem pour le pétroglyphe, j'imagine... Je vois. Eh bien, ravi d'avoir été votre divertissement de la journée, dit-il, encore vexé. Mais ce serait mentir de dire qu'elle m'a fait complètement perdre mon temps. Ses yeux se perdirent dans l'eau s'écoulant de la fontaine. Aucune autre vision n'avait eu ce genre d'effet sur moi. Même pas une migraine, pensa-t-il à voix haute. Il inspira, puis expira. La crainte montait peu à peu au plus profond de lui-même. Que voulait donc dire cette obscurité envahissante ? Se retournant vers Faélàn : Vous aviez bien dit faire des séances de spiritisme ?

Un petit reniflement amusé, très aristocratique, tortilla le nez de Faélàn, et ses lèvres dans un sourire de fae. Ces jeunes Messieurs des Académies étaient si facilement déstabilisés ! Que ce soit par le jeu d'une vieille dame ou l'ombre d'une vision. Le calme de Faélàn ne l'avait pas quittée et rendait son sourire flegmatique. Elle n'avait plus le goût de se presser depuis longtemps. Sa main gantée se posa gentiment sur l'épaule du garçon. "Une séance de spiritisme ne se prépare pas en claquant des doigts. Et surtout pas dans cet état d'esprit." Ses yeux se plissèrent d'amusement. "Mais ce serait possible, oui."

Mais bien sûr que non. Et je ne voulais pas dire sur-le-champ. La main de l'espiègle médium sur son épaule le rasséréna néanmoins, lui rappelant que le poisson d'avril hors saison que lui avait joué cette dernière n'en faisait pas moins une alliée, et qu'il lui fallait penser à ne pas attacher trop d'importance à son égo. D'autant plus qu'il préférait une main sur l'épaule qu'un bras autour du sien, comme cela avait été le cas durant près de deux heures. Il esquissa un sourire. Nous voilà donc partenaires.