Nano. RolePlay

Rappel du premier message :




Éric, regardant la cour avant de l'hôtel à travers la vitre de la fenêtre de sa chambre, finit d'arranger sa chemise. Nul besoin d'un miroir pour cela. L'habitude faisait des merveilles avec bien des choses, après tout.

Entre chien et loup, les vagues prenaient une teinte grise aux lignes noires, le soleil couchant étant masqué par les nuages tels de gigantesques rideaux ; un paysage maritime qui dégageait une atmosphère à la fois sinistre et apaisante. Si bien que l'on aurait pu en réaliser une peinture. On l'intitulerait "les abysses de l'enfer"... ou un autre titre plus inspiré. Le mouvement des vagues avec cet assortiment unique de couleurs si particulières de fin de journée avait le don de rasséréner le jeune Français.

Une semaine qu'il séjournait à l'hôtel Lockwood. Aucun fantôme ne l'avait attaqué, peut-être grâce à la kyrielle d'instruments de protection qu'il lui avait fallu amener. Mais les indices se faisaient rares, et aucun fantôme n'avait voulu communiquer avec lui jusque-là. Il va falloir m'armer de patience.

Soudain, un bruit de poignée.

O U I

J E S A U R A I S P A S D I R E L O N G T E M P S

T R E I Z E A N S

Merde. Ça a suffi à le traumatiser, sa mémoire est plus vive que ce que je pensais. 75. 80. 85. 90. Ni une ni deux, Éric agrippa sa salière et, en tournant vivement sur lui-même, en versa au sol devant la table. Pas trop, pour calmer ses ardeurs et non le repousser. Puis, regardant autour de lui, il s'assit sur sa chaise, posant ses mains comme pour prier. Puis il siffla fort et à rythme lent "Ah vous dirai-je maman". Les enfants britanniques du siècle 1700 connaissaient cet air. Espérons que ça suffise.

Ça a marché. 95. 100. 105. Éric se rassit. Satisfait de ne pas avoir perdu son calme, il leva la tête. Je ne te veux pas de mal, Brian. Si tu ne veux pas en parler, alors n'en parle pas. Le passé n'a plus d'importance. Tu es là. Ici. Avec moi. Le médium se demandait quelles avaient été les circonstances de la mort du garçon pour l'avoir traumatisé autant. Dire que des enfants fantômes sont restés coincés aussi longtemps dans cet hôtel... Tu connais cet air ? Si oui, est-ce que tu peux me le chanter ? Il tentait à présent de l'amener à faire entendre sa voix.

Chanter... Brian n'avait jamais aimé chanter et il n'avait aucune envie de le faire. Il écrivit : PASCHANTER

Ça tombait mal. Éric n'aimait pas qu'on l'entende chanter non plus. Tant pis. Je n'ai sûrement pas vécu ce que tu as vécu. Mais si un jour tu as besoin d'en parler... ou de jouer à un jeu... Je suis là. Sans fessées, par contre, hein, finit-il par dire.

Une dizaine de secondes après que Brian lui eut déplacé sa goutte sur la planche de ouija pour lui témoigner sa gratitude, Éric poussa un soupir de soulagement et s'assit. Il s'agissait là du premier fantôme qu'il avait rencontré ici, et il se demandait s'il avait vraiment suffisamment d'expérience pour élucider le grand mystère.

On lui avait bien enseigné que les fantômes étaient à considérer comme des patients dont les médiums étaient les médecins/chirurgiens/psychologues.

Il esquissa un sourire, satisfait d'avoir au moins apaisé la souffrance du petit garçon, puis souffla tandis qu'il se mit à ramasser tout le sel qu'il avait jeté.