Nano. RolePlay

Pourquoi lui ?

Le soulagement. La confiance. La victoire sur le concept si populaire de "destin".

Pourquoi lui ?

La rencontre future avec une autre amie. Une "semblable". Qui lui aurait fourni les clés pour accéder une maîtrise de son pouvoir qu'il n'avait jamais pu développer auparavant, autre que dans un étang caché loin de sa ville natale ou dans sa baignoire étatsunienne.

Pourquoi lui ?

Des bruits dans son immeuble. Des rumeurs. Des personnes en uniforme.

Son nom.

Une situation qui lui a fait tellement regretter les moments où il n'avait été que paranoïaque.
La fuite avant le soir.
Pas dans la nature. Non. Les satellites observent. Ce serait la mort assurée.
Chez Takashi. Oui. L'ami de sa tante. Comme un père pour lui.
Mais peut-être qu'il se tromperait. Ils le retrouveraient, et les tueraient tous les deux. Avoir ça sur la conscience ? Jamais.
C'était peut-être affreusement stupide.
Mais il n'avait rien trouvé de mieux.
Il n'arrivait pas à bien raisonner.

Pourquoi lui ?
Pourquoi lui ?
Pourquoi lui ?

Se demandait-il dans sa baignoire.

Pourquoi était-il né "mutant" ?



Et surtout :



Comment l'avaient-ils su ?

Takashi faisait la vaisselle dans la cuisine de l'appartement, se demandant pourquoi son neveu adoptif était dans un tel état. Peut-être qu'il est anxieux à cause du "voyage" dont ce dernier lui avait parlé ? Ou alors s'agissait-il d'un rhume, à force d'avoir trop traîné sous la pluie, comme d'habitude ? Quoi qu'il en fût, il était malheureusement trop occupé par les recettes de ce mois-ci et des charges à venir pour penser à tout ça, comme il l'aurait fait d'habitude.
Soudain, quelqu'un frappa à la porte. Interloqué, il alla ouvrir.

Oh, konban wa (bonsoir), Harriet-san ! dit-il en inclinant légèrement la tête, affichant le même air anxieux, tel un miroir. Hai (oui), quelque chose semble vraiment le tracasser... Il a refusé de m'en parler, ce n'est pas habituel qu'il se ferme autant. Entre, je t'en prie ! Mais n'oublie pas d'enlever tes chaussures, hein. Chez moi, tu es au Japon ! My house my rules, comme on dit en anglais, dit-il, souriant, en tentant d'alléger l'atmosphère.

Takashi lui réciproqua son inclinaison. Son o-jigi. Tout le plaisir est pour moi, jeune fille. Il l'accompagna vers la salle de bain, où se trouvait Shunsuke. Il frappa à la porte. "Shunsuke? Daijôbu? Dareka ga tazunete kureteru!" (Shunsuke ? Tout va bien ? Quelqu'un est venu te rendre visite !) À Harriet : Mieux vaut vous laisser entre vous. Il vous parlera peut-être, dit-il. En s'inclinant légèrement, il se rendit de nouveau à sa cuisine, soupirant de son impuissance.

Harriet était venue. Oui... Je peux lui dire. Je peux lui dire, à elle. Appuyé contre sa baignoire, il se leva lentement, marcha vers la porte, puis l'ouvrit. Il avait les yeux légèrement injectés de sang, et sa coiffure blanche, non teinte, était moins lisse et inhabituellement désordonnée. Il ne regarda pas Harriet. Hey, dit-il apathiquement en anglais.

La mine apathique et épuisée de Shunsuke eut un bref changement, ses sourcils se levant et se rabaissant en une fraction de seconde, marquant sa surprise. Tu sais déjà de quoi il s'agit ? dit-il, la faisant entrer puis en fermant la porte. Il appuya son dos sur la porte, se laissant tomber jusqu'à la position assise qu'il avait prise des heures durant contre sa baignoire. Comment ils l'ont su... Je me pose la question encore, et encore, et encore. Je la retourne dans tous les sens. Il posa les mains sur son visage, ne laissant entrevoir qu'un oeil.

Eh bien... Non, non... Non... Depuis que j'ai mis les pieds à New York, jamais je n'ai révélé mes pouvoirs à qui que ce soit à part... Il réfléchit également. Soudain, la prise de conscience. Il y avait une fois où il avait révélé ses pouvoirs. Une fois récente. Il y a... la fois où je te l'ai dit à toi... à Coney Island. Il blottit sa tête contre ses genoux. Son coeur battait de plus en plus fort. Était-ce possible ? S'était-il lié d'amitié à la mauvaise personne ? Était-elle une espionne dès le départ ? ... Non... Non, c'est pas logique. Si elle était là pour me trouver pour leur compte, c'est pas elle qui serait venue. Non.

Shunsuke écarquilla les yeux et leva la tête vers Harriet. N-non, non ! J-je sais bien que tu y es pour rien... Si tu avais été là pour me trouver pour leur compte, c'est pas toi qui serait venue... dit-il. Je te fais confiance, Harriet. Il rebaissa la tête. Mais... à ce moment-là... quelqu'un m'a écouté. Quelqu'un a écouté ce que j'ai dit. Et l'a retransmis. Quelqu'un nous espionnait. Oui... C'est la seule possibilité. Il mit la main sur le visage, s'efforçant de ne pas sangloter. De ne pas perdre davantage la face. J'avais atteint la paix... Enfin... Mais tout s'est effondré... J'en ai marre de lutter... Je n'en peux plus.

Je me suis DÉJÀ montré fort, Harriet, dit-il en s'efforçant de ne pas hausser le ton. Ça fait plus d'une dizaine d'années que je me suis montré fort, depuis mon arrivée à New York. Tu ne sais pas ce que ça fait. Mais aujourd'hui, je ne sais plus qui peut m'espionner, ni où, ni comment... Je ne sais plus quoi faire. Il inspira et expira lentement plusieurs fois, dans un effort pour se détendre et reprendre du recul. Mais en vain. J'étais censé aller voir quelqu'un... mais je pense que je ne ferai que lui causer des ennuis. Ils sont à ma recherche... Les anti-mutants... Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais plus rien.

Shunsuke ne répondit rien. Il se leva, s'approcha de la douche puis alluma la pomme de douche. Respirant lentement, le regard vide, il regarda l'eau couler. Sans quitter la douche des yeux, il finit enfin par dire : ... Je vais peut-être être très malpoli, mais... Il sortit soudain brusquement de la salle de bains. Je reviens, dit-il en claquant la porte. Cinq minutes plus tard, le jeune homme revint vêtu d'une tenue de plongée. Sans les palmes. Harriet... Ça va sûrement te paraître très bizarre, mais... est-ce qu'on peut continuer cette conversation pendant que je me mets sous la douche, s'il te plaît ? Je dois être sous l'eau. Il le faut.

Encore pardon, dit-il. Shunsuke inspira, puis expira. Il entra dans la douche, ferma la porte transparente, puis la ferma doucement, tournant le robinet. L'eau était source de réconfort dans les pires angoisses. Il inspira, expira. L'eau revigorait et caressait sa peau de la même manière qu'une mère rassure son enfant.
Lentement, il s'assit, de manière à recevoir l'eau sur sa tête et son dos, droit, à la manière d'un samouraï méditant typiquement sous une cascade. Il inspira, expira. Ouvrant les yeux, à Harriet : Est-ce que tu peux t'assoir près de la douche, s'il te plaît ? Pour pouvoir te parler sans hausser la voix.

Il inspira, expira. Il inspira, expira. La tête en bas. Ça marchait. Shunsuke reprenait contrôle de lui-même, peu à peu. Ses pensées devenaient plus focalisées, plus précises, plus nettes, créant ainsi une place pour la détermination. Il ouvrit les yeux et s'adressa à Harriet. Je vais partir d'ici, Harriet. Là où je vais, je ne le dirai à personne. J'ai besoin de passer du temps seul avant d'aller voir cette personne. Je trouverai bien un mensonge à raconter à Takashi. Il ne sait rien du fait que j'ai... des pouvoirs.

Pour tout te dire, le jour où il m'a accueilli, il ne m'en a jamais parlé. D'aucune manière. S'il avait été au courant, il l'aurait certainement fait. Mais je sais pertinemment qu'absolument personne hors du Japon n'est au courant de mon pouvoir. Personne... à part toi. Un temps. Il leva calmement les yeux vers son amie. Tu as une vie, Harriet. Un travail. Et de la famille. Et tu n'as pas de pouvoir pour te défendre. À moins que tu aies appris un art martial ou le maniement d'armes à feu... C'est précisément parce que c'est dangereux que je dois y aller seul. Si ces monstres me trouvent, ta présence ne les arrêtera pas.