Nano. RolePlay

C'était à n'y rien comprendre : un instant, Méduzarb' tentait de résoudre une énigme dans un escape game sexuel ; la seconde d'après, elle était au sommet d'une petite butte verdoyante balayée par le vent. Les ondes de verdures le succédaient aux bosquets, ce jusqu'à un lointain horizon rose bonbon qui semblait recouvrir le ciel. Une chose était sûre, Méduzarb' se trouvait dans un endroit inconnu. Il n'existait pas de planète aussi propre dans tout Oxtros.

HRP :

Courir. Je dirais même : courir vite.

Ici, ce n’est pas un sport mais une nécessité. Je suis actuellement poursuivie par une nuée de poulets à la coque, ces étranges poulets dépourvus de tête qui foisonnent habituellement à la lisière des monts vêtus. Maintenant ils se sont déportés dans les pleines et rien n’est de plus mauvaise augure.

Une fille. Sans doute.

« COURS ! » je lui enjoins.

On lui dit de courir, elle court. Ce genre d'injonctions, elle était habituée à l'entendre dans des contextes extrêmes, d'où qu'elle agissait avant de réfléchir à ces mots-clés.

Mais ensuite, elle jeta un œil derrière elle pour voir qui lui avait parlé, et la vision avait de quoi déconcerter.
"Est-ce qu'on est dans une virtu' ? Parce que je doute que mon lavement soit aussi puissant."

Est-il nécessaire de préciser qu'elle était complètement à poil ?

"Ah merde une nouvelle. Bienvenue dans l'Esquisse. Continue de courir !"

Les poulets se repèrent au son, une rivière pas loin brouillera les pistes ! Il faut qu'on se magne !

"Euh... Okay !" Dit-elle d'un ton enjoué, alors que sa peau rosit sous l'effet de l'entrain.

Une virtu', donc.

S'ensuivit une longue minute de course éreintante et étrangement silencieuse, si l'on faisait exception du nuage de poulets. Ca n'était pas l'idée qu'elle se faisait d'une scène d'action.

Entre deux halètements, elle articula :
"Euh... Humph. Comment on accède à l'inventaire, déjà ? Humph. Parce que j'aimerais bien déséquiper les - humph - boules de geisha !"

"Quel inventaire ?"

L'étoilée est un peu au bout de sa vie, même si elle s'est habituée à courir pour sa vie, parfois l'air vient à manquer. Heureusement, des arbres viennent à leur rescousse !

Quel inventaire ? Il n'y avait pas d'inventaire dans cette VR ? C'était pas bon signe.

"Ohlalah j'espère que je suis pas tombée dans une early access, sinon on a pas fini..."

Elles entrèrent dans une forêt. On pouvait entendre devant elles le murmure puissant d'un cours d'eau.

"Euh, je crois qu'on va être bloquées par une rivière ou un truc comme ça. T'as un plan ou il faut un skill spécial ?"

Un poulet s'éclata contre un tronc d'arbre dans sa vision périphérique.

Un quoi ? Froncement de sourcils. Elle n'a rien compris. Est-ce une néophyte ou quelqu'un qui s'était ramassé une tempête ? Rien n'était bien certain.

"Plonge !"

Meilleurs plan ever si on sait nager. C'était le cas de l'étoile. Bon et si négligeait la puissance du courant...

Luili, qui adorait l'eau, plongea sans se faire prier. Elle fit même une belle petite figure. Ca lui rappelait les parcs aquatiques dessalés de Buu. Elle voulut regarder derrière elle pour voir si les poulets chelou continuaient de leur filer le train, mais elle devait luter contre les courants. Cette VR était un peu trop réaliste à son goût.

"Euh... On est dans une simulation, ou pas ?" Fut tout ce qu'elle put demander avant de prendre la tasse.

Glouglou. Cela semblait être la réponse la plus appropriée que pouvait fournir Carmen qui ne savait malheureusement nager que dans des eaux calmes et se faisait actuellement entraîner loins des cocottes sans tête.

"Eau secours !"

La télune était perdue dans la fureur des écumes, mais positionna son corps de sorte que le courant la projette légèrement en biais. Ainsi rejoignit-elle la femme étoilée. Elle réussit à lui saisir le bras.

"Ah trois, on s'blblblbl..."

Luili n'eut le temps de terminer qu'elle but aussitôt la tasse.

Pas l'idée la plus intelligente... les remous de la rivière ne les aidaient pas. Heureusement (tout dépend du point de vue), un salvateur rocher vint percuter les deux femmes. Le courant les plaquaient contre la pierre, ce qui avouons-le, leur donnait le temps de faire les présentations maintenant que nul poulet ne les coursait plus.

"Salut, moi c'est Carmen."

Inutile de se mentir : entre le rugissement bruyant du torrent et l'avant-bras de Méduzarb' qui venait de se fracturer contre le rocher, cette dernière n'avait pas très bien entendu la réponse de ladite Carmen.

"Justement, je sais pas ce qui m'amène. Aux dernières nouvelles, je me faisait poursuivre par un pénétrapoulpe perlé. C'est le modèle avec les doubles rotors. Enfin bref... Je sais pas comment j'ai atterri ici. Enfin... Amerri."

"En fait, personne ne sait, on arrive dans l'Esquisse et après on tente de survivre tant bien que mal... Tu vas t'y faire tu verras !"

Ou pas cela étant. Un remous de l'eau vint éclater non loin de la joue de l'étoilée.

"Bon, faudrait p't'être qu'on se sorte de l'eau..."

"Oui, bonne idée !"

Néanmoins, elle ruminait ce qui lui avait dit Carmen. L'Esquisse ? Elle aurait moult questions à lui poser... Une fois qu'elle auraient atteint le rivage.

"Bon, voilà ce que je propose : on essaye de se hisser sur ce rocher pour reprendre nos forces, puis on saute le plus loin possible en amont de la racine d'arbre, là-bas. Après on... Nage au mieux pour pouvoir la saisir quand le courant nous fera passer devant."

"C'est un bon plan !"

Logique en plus. Tout ce qu'aime Carmen... au grand dépit de l'Esquisse. Le seul souci ? Le rocher glissant ? Le bras cassé de sa consœur ? Noooon. Ce ne sont que des prétextes qu'elle ne saisira pas. Elle se hisse avec difficulté sur le rocher et tend les bras pour aider l'autre femme.

Ce n'est que lorsque Luili tendit par réflexe son mauvais bras à Carmen qu'elle réalisa que la fracture était en réalité ouverte. Rien qu'un peu, hein, pas grand chose : juste un petit bout blanc violacé qui dépassait. Changeant de bras, elle grimpa tant mal que mal sur le rocher et sauta illico.

"A la une !"

Comme on peut voir, dans son univers d'origine, l'expression avait un peu perdu de son sens littéral.

A la quatre en réalité, car c'est bien à la quatrième poussée (ou tirée ça dépend du point de vue) qu'elle réussit à se hisser hors de l'eau. A bout de souffle elle demande :

"T'avais dit qu'on se reposait avant de repartir."

Elle soupire, étendue dans la vase.

"J'oublie des trucs, parfois. Ca m'arrive."

Méduzarb' se mit à faire un ange dans la vase, mais avec un seul bras. Puis elle s'arrêta, histoire de prendre le repos qu'elle avait oublié de s'accorder sur le rocher. Il faut dire que la boue était bien plus confortable et stable qu'un rocher pris dans le tumulte.

"Au fait, moi c'est Luili. Mais on m'appelle aussi Méduzarb' ou Avis de recherche numéro 362 481. C'est comme tu préfères."

"Tes parentsavaientune dent contre toi, 362 481 ?" elle tente dans un trait d'humour.

"Bon, puisque tu as l'air presque nouvelle on va poser les bases. Tu es dans l'Esquisse, un truc, disons monde, étrange, illogique, dangereux,
et auquel il n'y a, à priori, pas de sortie. Tu as des questions ?"

Méduzarb' se redressa sur son coude valide.

"Oui, j'en ai : s'il existe dans mon monde  des simulations en réalité virtuelle qui sont quasiment aussi réalistes que la réalité réelle, comment peut-on être sûrs que ce monde est réel et pas virtuel ?

Ah, et aussi : est-ce qu'on peut faire pipi, dans ce monde ? Parce que je commence à avoir envie de faire pipi, là."

"On ne peut pas." répond-elle à la première question.

Pour la seconde, c'est plus ardu... elle regarde la fille sous toutes les coutures.

"C'est pas toujours le cas, mais on ne saura pas tant que tu n'auras pas essayé."

Luili se releva péniblement pour aller baigner le bas de son corps dans le cours d'eau. Son visage prit tout d'abord une expression de félicité inégalée, puis de concentration.

"L'hypothèse la plus probable est soit qu'il s'agit d'une virtu', soit que les pénétrapoulpes m'ont donné un orgasme tellement puissant que je suis morte en ayant un trip à l'hormone de Xzblorg raffinée, que j'ai atteint le temps liminale et que je suis prise au piège de mon subconscient."

"Si tu le dis."

Etrangement, elle n'est pas plus perturbé que ça de ne rien piper à ce que raconte la fille, c'était plutôt courant dans l'Esquisse.

"Et sinon, ton bras a l'air dans un sale état, faut p't'être essayer de le soigner avant de bouger non ?"

Elle jeta un coup d'œil à son bras et grimaça avant d'en détourner le regard.

"Avant de bouger le bras, tu veux dire ? Parce qu'avant de bouger d'ici, ça risque d'être compliqué : il n'y a pas vraiment de dispositif médical, comme un soudeur à os ou du gros scotch."

Soudain, une illumination :

"Mais attends, si on est dans mon subconscient, on peut forcément faire de la magie !"

Puis elle se concentra sur sa blessure pour la refermer, en tirant un peu la langue.