Nano. RolePlay

Le sort de téléportation fut rapide et efficace -cette fois-. A peine le sorcier avait-il quitté l’orc qui l’avait secouru -il préférait ne pas y repenser- qu’il se retrouvait devant la bicoque de son homologue humain. Il était frais, bien habillé, propre, maquillé et surtout -surtout-, comparé à sa dernière visite, il venait demander des comptes et pas de l’aide ! C’était aussi une occasion parfaite de rendre visite à Navi pour se distraire évidemment, mais aussi prendre des nouvelles, bien qu’il ne l’admettrait jamais.

Il toqua quelques coups contre le bois de la porte. Il attendit un peu et la porte s’ouvrit sur ce bel homme qui était surpris de le voir là. Arior passait rarement sans s’annoncer. Le prendre au dépourvus était délicieux, car ça ne laissait pas le temps à Navi de s’apprêter comme s’il allait au bal.

Un sourire en coin, le sorcier laissa tomber aux pieds du mage un long morceau de la plante morte - qu’il avait prit le temps de ramasser exactement dans l’optique de s’en servir pour cet effet de style- dans “splaf” mou qui n’avait rien d’élégant.

- Navi, mon ami ! Pardonne mon passage à l’improviste, mais je te ramène cette chose. Elle doit t’appartenir. Malheureusement, je l’ai un peu abimé. Tu m’en excusera.

Il n’avait absolument pas l’air désolé..

La Crevette n'avait pas annoncé son passage et Navi n'était pas suffisamment préparé pour l'accueillir convenablement. C'est-à-dire que son accoutrement actuel était plutôt banal pour ce qu'Arior avait l'habitude de voir. Multicolore et pailleté, mais... atténué.

Il ne lui adressa pas un bonjour, son regard suivant le "splaf" de la chose qui était tombé à ses pieds. Il arqua un sourcil, tentant de placer la chose dans son contexte et puis...

Ding-ding-ding... BINGO !

Depuis quand tu utilises des armes blanches ? demanda Navi en pointant le bout de la plante qui avait clairement été coupé avec quelque chose de tranchant et pas par magie.

Hein ?
Arior baissa le regard sur la chose puis remonta des yeux sévères sur Navi.

- Depuis jamais ! Ce machin m’a agressé dans la forêt et il était visiblement insensible au fait que je fasse tout cramer sur 2km à la ronde !

Un aveu de faiblesse ? Face à Navi ?! Jamais ! Il tenta une parade pour détourner l’attention du mage.

- Un beau paladin passait par là et m’a délivré d’un coup d’épée majestueux. Pour le remercier on s’est envoyé en l’air pendant l’heure suivante. D’autres questions ?

L'image d'Arior en princesse en détresse, qui pleure de chaudes larmes alors qu'une plante tente de s'accoupler avec lui, vaut presque un rire. Presque. C'est la phrase qui suit après cette scène qui fait grimacer Navi.

Vulgaire et dégueulasse, mais je retiens surtout que tu as eu besoin de l'aide d'un passant parce que ta cervelle est trop petite pour trouver une solution élégante. Il passa ses longues mèches lila par dessus ses épaules d'un geste nonchalant. Je ne m'attendais à rien de plus.

Navi ne l’épargnait pas, une fois encore. Ari avait oublié l’idée d’avoir un peu de respect de sa part de toute façon. Il agita donc la main d’un geste désinvolte.

- Blablabla. Je m’en serais sorti de toute façon, mais ce bel homme est intervenu, je n’allais pas manquer une occasion de passer du bon temps.

Il regarda Navi de la tête aux pieds.

- Tu devrais essayer un peu, tu deviens aigri. Et l’aigreur donne des rides.

Fit il en pointant son minois de l’index.

- Mais je ne suis pas venu pour ça. Veux-tu bien arrêter de laisser traîner tes expériences ratées n’importe où je te prie ? Ou au moins, évite de les rendre amoureuses de moi.

Ne pas réagir. Ne pas réagir. Ne. Pas. Réagir. Il afficha son plus beau sourire, même si la lueur dans ses yeux n'hésita pas dévoiler le peu de bienveillance qui régnait dans sa tête. Ce n'est pas râté si l'expérience a eu son effet, non ? Navi claqua la porte derrière Arior avec un peu plus de force que d'habitude. C'est qu'il avait imaginé sa tête dégueulasse réceptionner le coup. Les philtres d'amour sont populaires chez les jeunes filles. Et elles se vendent cher.

Arior regarda Navi une seconde avant que sa propre réaction le surpasse et qu’il grimace.

- Beurk ! Par pitié, ne fait tomber aucune fille amoureuse de moi ! Tu sais très bien qu’elles ne sont pas… mon genre.

Clairement pas. Jamais. Il n’avait même pas envie d’essayer et cette simple pensée le rendait presque malade. Il se secoua un peu pour se reprendre.

- Mais à ce niveau, ce n’est pas une potion d’amour mais une potion de désir. Ce truc à failli…

Il déglutit en y repensant. Quelle horreur.

- Quoi qu’il en soit, c’est un peu trop puissant si ça fait ça à une plante, si tu veux mon avis.

Tu es le premier à t'en plaindre, lui signale le mage en relevant le nez. Pour le coup lui aussi trouvait les filles "beurk", mais autant que les garçons étaient "eurk". L'amour ça se vend, ça ne se vit pas. Mais ne t'inquiète pas pour ça. Je pense que même avec un philtre d'amour tu aurais du mal à trouver des candidats.

Le sorcier était sur le point de se vexer. Juste avant qu’il ne se souvienne qu’en la matière, Navi manquait cruellement d’expérience, contrairement à lui qui n’avait plus rien à prouver.

- J’ai failli y croire, l’informa t-il, si seulement tu savais de quoi tu parles. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre, tu trouvera peut-être un jour quelqu’un qui voudra bien de toi. Tu sais, histoire de ne pas mourir idiot.

Contrairement à toi, je n'ai pas besoin de la validation d'autrui pour me sentir bien dans ma peau, répondit calmement Navi. Et je parlais d'amour... pas de l'autre chose. Il l'ajoute avec une grimace, comme si la moindre pensée à l'amour physique le révulsait.

Ça n’aurait pas dû le toucher. Parce que ça venait de Navi. Que Navi et lui se chamaillaient sans cesse à coups de langue de vipère. C’était une tentative de le toucher, de la méchanceté gratuite, alors ça aurait dû lui passer au-dessus de la tête. Mais ça ne le fit pas. Et les mots se plantèrent douloureusement dans sa poitrine alors qu’ils faisaient écho à ce quelque chose qu’il pensait au fond de lui.

- Evidemment, finit-t-il par répliquer sèchement, contente toi de ne plus laisser traîner tes jouets n’importe où.

Conclu t-il, résolu à ne pas rester plus longtemps que nécessaire ici.

Il s'était attendu à une autre répique* — un truc à propos de ses rides non-existants, ou la barbe qui poussait (pas), ou peut-être même le fait qu'il n'était pas bien habillé (pour une visite d'Arior). Mais rien ne venait. Juste une variante assez faible d'un mouais et un retrait avec la queue entre les jambes. Non mais c'est quoi ça ?! Elle est où la flamme qui lui brûle les fesses et qui le fait dire des saletés ?

Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Navi, les yeux plissés comme s'il anticipa quand même une attaque surprise.

*Mey Inc.

- Rien.

Affirma Ari, comme quelqu’un qui n’avait absolument “pas rien”. Mais franchement, il n’allait pas rentrer là-dedans avec Navi. Ça lui donnerait bien trop de pouvoir sur lui. Et ce n’est pas comme si ça l'intéressait vraiment de toute façon.

- Ma journée à mal commencé grâce à toi et ton monstroplante et je suis de mauvaise humeur.

Mais oui, cette excuse passerait très bien. Il était certain que Navi s’en contenterait. Et pour éviter tout soupçon de sa part, il se radoucit un peu.

- Alors, sur quoi travaille tu en ce moment ? A part ces philtres d’amour, bien sûr.

Le mouais sceptique viendra de Navi cette fois-ci, mais le mage était trop heureux que la Crevette change de sujet. Pas que ça ne l'intéressait pas, mais il y avait une sensibilité caché là-dessous qu'il n'avait aucune envie d'explorer. Vous vous imaginez un peu ? Si Arior fondrait en larmes avec ses crottes de nez partout, il était supposé faire quoi ? Lui tapoter l'épaule et l'écoutez alors qu'il lui racontait ses chagrins ? Quelle horreur. Non, non, c'était mieux de rester dans le superficiel tant qu'il tenait encore debout. Ca lui demandait moins d'efforts.

Tu viens me voir juste pour prendre de mes nouvelles alors ?

Ben tiens, manquerait plus que ça !

- Pas du tout ! J’étais venu pour t'engueuler et demander réparation pour le temps perdu et les dommages causés par ta chose !

Il se redressa -comme s’il pouvait vraiment le regarder de haut-, drapé dans sa fierté et dans sa nouvelle croisade : Faire payer Navi. N’importe quoi ferait l’affaire mais il lui devait bien ça !

Oh ? Le retour du sourire amusé ! (Il n'était jamais bien loin quand Arior était là. La ligne entre l'énervement et l'amusement était trop fine.) Et comment veux-tu être repayé pour ta propre connerie ? demanda le mage.

Sa quoi ?!!

- Pardon ? demanda t-il sèchement. Ce n’est pas MOI qui balance des potions n’importe où ! Ce n’est MOI qui laisse des créatures envoutées n’importe où dans la nature ! En revanche, c’est bien MOI qui me suis fait attaquer par cette chose ! Et par TA faute ! Alors tu me dois AU MOINS des excuses, Navi !

Cette chose en voulait à sa vertue, tout de même ! Et bien qu’il soit volage, très peu pour lui le fait de se faire violenter de cette façon une plante !

Très bien. Le fait qu'il était si rapide à reconnaître sa faute dans l'histoire était suspect. Je suis désolé... que dans toute la faune et la flore qui existe dans Heavensaw, tu as eu la désagréable expérience de perdre le combat contre une plante qui a été affecté par un de mes très faibles philtres d'amour. Il lui sourit. Content ?

- Tu … !

Oh bon sang, il n’avait pas les mots. Déjà parce que Navi l’avait vraiment blessé un peu avant, ensuite parce qu’il continuait à se comporter comme un sale gosse -sans surprise- et enfin parce qu’Arior avait transformé sa tristesse en colère ! Alors cette fois il ne retint pas sa pulsion ! Il agita rapidement les mains et une violente bourrasque de vent souleva et fit tournoyer effroyablement la sacro-sainte chevelure prune du magicien.

Vous savez ces moments de silence... juste avant l'engueulade ? Le slow motion sonore avant qu'une bombe explose ? Ce silence, pésant, qui est limite pire que la suite ? Pour le moment y'a surtout ça.

Les cheveux de Navi étaient en pagaille.

Ils ne sont jamais en pagaille.

Alors que le silence planait, Arior se rendit enfin compte de ce qu’il venait de faire. Il réalisa aussi qu’il n’avait encore jamais vu Navi en colère. Vraiment en colère. Sauf une fois, d’une colère froide et calme, quand ils étaient enfants et qu’ils avaient agi. Mais aujourd’hui… c’était sans doute une première et le sorcier n’avait aucune idée de ce qu’il venait de déclencher. Ce qui l’inquiétait, c’était la quantité de fioles de potion à portée de main de Navi. Il se prépara à esquiver.

Il faut avoir un sens des priorités. Pour Navi, les cheveux étaient très haut sur la liste, mais il y avait quelque chose qui venait de prendre le pas sur son apparence physique : la vengeance. Heureusement, pas toutes les potions sur ses étagères avait nécessairement besoin d'être ingurgité. Arior... Malgré son sourire, les yeux trahirent la véritable colère qui se cachait derrière les mots doux du mage. Viens ici.

Il n’aimait pas ce ton doucereux. Pas du tout. Et encore moins l’éclat que Navi avait dans les yeux.

- Je… euh… En fait, je viens de me souvenir que j’avais un truc à faire, alors…

Il recula lentement, ne lâchant pas Navi des yeux, comme on reculerait face à une bête sauvage. La porte était beaucoup trop loin à son gout.

Oh, voyons. La crotte ambulante aurait développé un instinct de survie après tout ? Trop tard. Vu qu'Arior recula, Navi prit l'initiative d'avancer. Sa main aux doigts soigneusement manucurés récupéra une petite fiole alors qu'il arriva à la hauteur de l'étagère voulue, puis il referma la distance qui les séparait. Je ne pense pas, non. Il tourna son poignet vers la porte, faisant tourner la clef dans la serrure à distance, et lança la fiole qui explosa au pied de sa porte d'entrée. La fumée se répandit, couvrant toutes les issues d'une teinte bleue. Confinement forcé.

Arior sursauta lorsque le verre explosa au sol. Il leva un bras en protection, par réflexe, puis regarda la fumée couvrir les issues. Il se redressa, guettant autour de lui ce qui pourrait l'aider à se protéger à défaut de s'enfuir.

- Navi, calme toi, d'accord ? C'était juste un coup de sang, tu vois ? Ahah ! Pas de quoi en faire tout un plat, un petit coup de peigne et ce sera régler. Je peux t'aider si tu veux. D'accord ?

Oh, il doutait de jamais obtenir cet accord !