Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



La planque, c'était encore ce qu'il faisait de mieux. Garder un œil sur un quidam et recevoir une indemnité journalière pour ça ? L'AAG ne savait définitivement pas quoi faire de ses crédits. Les impôts des honnêtes oxtrosiens avaient rempli son verre pendant qu'il "enquêtait". Au quatrième jour de "filature", Torn se décida à ouvrir le dossier de celui qu'il était supposé surveiller.

Bien sûr, il avait laissé traîner ses oreilles auparavant, et il pensait cerner le bonhomme. L'archétype du mercenaire sans histoire, surgi un beau matin de derrière une dune. Les fichiers chiffrés et la mention classifié qui revenait toutes les trois lignes lui firent donc lever un sourcil. Deux explications à la présence d'autant de noir sur ces documents : ou bien le bougre jouait les escorts pour le Chancelier lui-même, ou bien il s'était tatoué les coordonnées d'Alpha Perdu sur le mollet droit.

Sa curiosité piquée, Torn piétina allègrement toutes les règles les plus élémentaires d'une filature bien menée et entra en contact direct avec la cible. Contact qui prit la forme d'une légère bousculade, dans la cohue d'un marché dont les étals proposaient davantage de sable que de denrées à la vente. Foutue Manooïne. "Oh... excusez-moi." Regard appuyé. "On s'est déjà vu quelque part, non ?"

Tahyr manqua de sursauter mais il garda son calme. Bordel. Il ne le sentait pas ce "service". Alors quoi, c'était ça ? Tuer quelqu'un ?

- Évidemment, prononça t-il entre ses lèvres serrées.

Comme si un type comme lui pouvait se balader sans être constamment armé.

- C'est quoi le plan ? demanda t-il en faisant mine de regarder une vitrine de femmes de façon décontracté.

L'effet était un peu raté cela dit.

"Tu vois la morgue, là-bas ? Celle sous le néon vert qui promet un forfait à 15 crédits de l'heure." Torn avait calqué son pas sur celui du Telun. "Le proprio me doit un service. Je lui ai demandé de vider les lieux." L'agent plongea les mains dans ses poches. "Super simple. On entre, tu m'aides à déplacer un paquet, et on discute des détails une fois que ce sera fait."

Super simple, hein ? C'était fou la proportion de complications qui arrivaient dans des situation qui étaient sensées être simples ! Tahyr grogna mais ne protesta pas davantage. Ses sens en alerte, il se dirigea vers le bâtiment et entra le premier, la main près de son blaster, au cas où. Il ralenti le pas une fois à l'intérieur pour laisser passer le soldat devant. C'était lui le donneur d'ordre et le Telun était l'exécutant. Alors il devait le laisser passer devant.

Torn pénétra dans la morgue. Ça sentait davantage le propre que la mort, mais l'odeur était bien présente. Il se dirigea d'un pas de sénateur vers un pod fraîchement ouvert. Un Telun y reposait. Il récita une prière factice avant de passer ses mains sous les épaules du mort. Du menton, il enjoignit son comparse du jour à attraper les jambes. "Il me l'a prêté pour la journée, on va le sortir par la porte de derrière."

Mais c'était quoi ce foutu bordel ?! Tahyr grimaça en voyant le corps. Et sa grimace s'élargit lorsque le soldat s'en saisi. Sérieusement ? Sérieusement...

- Prêté ?

Putain mais qui prêtait des cadavres ?! Merde. Voilà qu'il tenait le macchabé par les jambes et le soulevait avec l'autre. Il pesait son poids le saligaud.

- C'est pour quoi exactement ? Si c'est sensé être moi c'est complètement raté, ses cornes n'ont rien à voir avec les miennes !

Se vanter de ses cornes, c'était très Telun. Et les siennes étaient clairement plus belle que celles du mort !

Soufflant sous l'effort, Torn ouvrit la porte de derrière d'un coup de pied. "Ses cornes ne sont pas très importantes." Ils transportèrent le Telun décédé jusqu'à une ruelle recluse, faiblement éclairée par un néon crachotant. Là, Torn adossa le macchabée au mur, recula d'un pas. "Bon, quand ce cher... John Doe refera surface à la morgue, il s'appellera Tahyr. Tu fais bien ce que tu veux pour les cornes, mais arrange toi pour que le visage ne soit pas reconnaissable."

Pas importantes... C'était bien une réflexion d'humain !
Lorsqu'il comprit finalement ce que ce Torn avait en tête, il grimaça. Et merde. Il le savait que ça puait. Voilà qu'il devait s'acharner sur un cadavre. Mais bon... c'était pour sauver sa peau, avoir la paix vis-à-vis de l'AAG et surtout, si ce mec était sur Manooine, c'était surement qu'il n'était pas un enfant de coeur.

- Je vois. Mais je ne suis pas certain que ça marchera. En tout cas, pas en s'occupant uniquement de son visage.

Il tourna la tête vers le soldat.

- J'ai des prothèses. Internes.

Torn souffla. Toujours des complications. Pourquoi fallait-il que chaque fois qu'il tentait de faire quelque chose de malhonnête et d'illégal, une force mystérieuse se réveillait pour lui mettre aussitôt des bâtons dans les réacteurs ? Tout le monde était à moitié machine, de nos jours. Sauf monsieur macchabée, bien sûr. Il se passa une main sur le visage. "Voilà comment on va faire : je m'arrange pour que le corps ne soit pas regardé de trop près... et toi tu t'arranges pour qu'il ressemble à une version de toi qui n'aurait pas eu de chance dans un duel. Deal ?"

A son tour de soupirer.

- Bien.

Alors il se concentrerait sur la tête. Et se mit à exécuter sa besogne. Rien de ragoutant la dedans et il ne le fit pas de guettée de cœur, mais si ça pouvait lui éviter des ennuis, ou mieux, lui sauver la vie... alors tant pis pour ce type qui de toute façon était déjà décédé. Il coupa les oreilles pour s'en débarrasser plus loin ou un groupe de rat mutants s'en régaleraient. Ils arracha les cornes, tira plusieurs fois au blaster dans la tête, puis fit en sorte que le pauvre type ne soit pas reconnaissable. Ce n'était pas une boucherie mais c'était loin d'être propre.

- Les dents ?

Torn jeta un coup d’œil à l’œuvre de son associé du jour. Ça ressemblait vaguement à un Picasso, si Picasso avait manié le blaster au lieu du pinceau, et s'il avait eu la tremblotte. Ça ne ressemblait pas à du Picasso. Il secoua la tête quand le Telun proposa de s'attaquer aux dents. "C'est déjà parfait." Il s'écarta encore d'un pas, sortit son arme de son blouson. "Bien, et maintenant tire-moi dessus." Il tapota son épaule, là où le cuir était renforcé.

C'était un soulagement, il ne pouvait pas dire le contraire. Arracher des dents n'était pas son passe-temps préféré. Il haussa en revanche un sourcil à la demande de l'humain. Il siffla entre ses dents.

- Putain.

Il ferma les yeux et inspira.

- Vas-y, recule.

Il recula lui même de quelques pas. Il mit en joue le soldat, visant son épaule et tira sans se poser de question, visant juste et bien, sans trembler, il atteignit sa cible sans encombre.

Le tir le frappa à l'épaule, comme prévu. L'impact lui disloqua la clavicule, pas comme prévu. L'agent infiltré retint une bordée de hurlements entrecoupés de jurons saupoudrés de pleurs et sortit simplement le "Aïe" le plus pathétique que l'on ait jamais articulé sur Manooïne. Puis il leva son holo-bracelet et régla la fréquence d'émission sur celle de l'AAG locale. "À toutes les unités, Agent Djekiel des services d'infiltration, demande renfort immédiat, suspect Telun armé et dangereux !" Il ponctua sa demande de deux coups de feu, pour la forme. Puis il agita la main vers le Telun encore en vie, façon qu'est-ce que tu fais encore là ?

Tahyr fixait le soldat les sourcils froncés. Il écoutait la conversation dont il n'étendait que la moitié avant d'écarquiller les yeux aux gestes que lui envoyait l'humain. Il leva les bras en signe d'impuissance avant de faire volte face et de se barrer sans demande son reste. Foutu soldat ! Foutu humain ! Il espérait au moins que la tactique serait efficace et qu'on l'oublierais pour de bon à l'AAG.

La cavalerie le trouva dans un piteux état, adossé au mur aux côtés du Telun défiguré. Torn narra avec force détails comment une banale filature avait tourné à la fusillade ouverte, et comment il n'avait eu d'autre choix que d'abattre la cible pour sauver sa propre vie. Le Capitaine et ses hommes, s'ils étaient dubitatifs, ne le montraient pas. Ils étaient inexplicablement bien plus concentrés sur l'allure de "Tahyr" que sur la blessure, pourtant extrêmement grave de leur collègue.

Tahyr avait déguerpi vite fait. Même s'il ne savait pas où aller. Parce qu'évidemment Torn ne lui avait pas donné de point de rendez-vous ou autre instructions. Il devrait peut-être rentrer à sa cantina. Il avait toujours un sac d'herbes aromatiques à ramener.

Alors qu'il envisageait sérieusement de trouver un transport pour le ramener, il reçu un moment plus tard un message holographique du soldat lui donnant des coordonnées. Bien. Message reçu. Il suivi les indication et débarqua devant un boui-boui miteux et mal fréquenté, à l'hygiène franchement douteuse. Il y entra et chercha Torn des yeux mais ne le vit pas. Il allait donc l'attendre.

Torn arriva quelques heures plus tard, un bras en écharpe. Il se laissa lourdement tomber aux côtés du Telun. Son sourire se muait fréquemment en grimace de douleur, mais il s'employa à expliquer ce qui s'était passé. Il abreuva Tahyr de détails à peine enjolivés à son avantage, avant de conclure, en éclusant son deuxième verre : "...c'est à ce moment que je lui ai dit : vous voulez toujours vérifier, capitaine ? Tu aurais dû voir sa tête quand j'ai brandi ce morceau de métal sanguinolent." L'agent se servit de son bras libre pour projeter le dossier du mercenaire. Une croix rouge ondoyait désormais sur le visage de l'hologramme.