Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



L'enfant traînait des pieds. La route était sèche mais ses pieds ne soulevaient que peu de poussière. Il faisait pourtant tout pour. Le brouhaha incessant de la ville n'était quasiment plus audible. Il s'éloignait de l'activité humaine.
Son visage gardait depuis longtemps un air renfrogné. Il déambulait de son pas désabusé, que l'on devinait sans but. Il se massait la joue. Une auréole noirâtre se formait sur sa pommette, bien trop sombre sur sa peau bien trop pâle.

Vêtu de vêtements devenus trop petits avant d'avoir pu s'user, l'enfant était livré à lui-même. Le soleil commençait à faire rougir sa peau, il ne semblait nullement s'en soucier. D'autres marques étaient visibles là où le tissu se retirait, certaines étendues, d'autres tirant sur le vert ou le violet. Il ne s'en préoccupait pas plus. Il marchait droit devant. Sans s'arrêter. Pourtant son regard était partout. Il ne cessait de scruter les alentours. Prêt à courir au moindre danger.

Une ombre immense soulagea sa peau exposée de la brûlure qui menaçait. Elle le força surtout à lever les yeux. Car il n'y avait rien à l'horizon. Aucun arbre, aucune bâtisse. L'enfant en perdit l'équilibre. Trébuchant, il se retrouva le derrière sur les cailloux, ouvrant ses yeux noirs sur l'ombre qui approchait. Le dragon venait droit sur lui.

Elle renifla. "Ton terrain de chasse n'est décidément pas adapté" rétorqua-t-elle au "que ça". "Que sont les égouts si tu n'y trouves qu'un seul type de proie ?"

La chaleur montait, malgré l'ombre, malgré la glace. Il se corrigea.

Il y a des insectes, aussi...

Il passa sa langue sur ses lèvres. Il n'y avait nulle émotion dans sa voix. Carmin entre ses doigts, il croqua le glaçon.

C'est là où on jette les déchets.

La fonte du petit cœur avait semblait-il conclu la conversation. L'enfant s'était refermé après ces quelques mots, coupant court à de nouvelles questions. Mais malgré sa volonté, sa marche devenait erratique, sa respiration sifflante. Il ferma les yeux. Sans qu'il ne s'en aperçoive, il trébucha.

Il tomba le nez dans une patte griffue. Neraussirvaeriiks fronça le sien et souleva le petit pour le voir d'un peu plus près. Le souffle frais de ses naseaux devraient lui faire du bien mais rien de telle qu'une envolée pour réellement se rafraichir. La dragonne décolla donc, le precieux juvénile à l'abri au creux de sa patte. Ils seront au lac dans quelques minutes.

Sa chute fut amortie par la patte immense du dragon, et il n'émit à son contact qu'une faible plainte. Il redressa la tête quand le vent froid souffla sur lui. Il avait fermé les yeux. Quand il les rouvrit, il ne pipa mot, et ne tenta pas non plus de se redresser. Lèvres pincées et légèrement tremblantes, il s'assit dans le creux offert, presque blotti contre la paume qui le rafraîchissait. Ses cheveux virevoltaient dans l'air, dissimulant partiellement un visage désormais plus rouge que blanc.

"N'ai pas peur, nous sommes arrivés." De grandes vagues de dessinèrent dans le lac quand elle s'y posa, assez profondément pour que l'eau lui baigna entièrement le ventre. Avec soin, elle abaissa son bras pour former une petite cuvette dans sa paume où l'elfe se logeait, ses ailes entre lui et le soleil cinglant. "Rafraîchis-toi, bois à ta guise Satel" l’encouragea-t-elle sur un ton doux.

L'eau imprégna son pantalon, et l'enfant eut d'abord le réflexe de se relever alors que le niveau montait dans le creux où il était assis. Incrédule, il se pencha pour puiser l'eau dans ses paumes et en boire quelques gorgées. Ses gestes étaient lents, incertains. Il mouilla son visage, sans égard pour les cheveux qui s'y collaient et dégoulinaient. Un instant, il vacilla. Il poussa un soupir et se débarrassa des pelures qui couvraient son corps. Puis il se laissa glisser dans l'eau fraîche, yeux fermés, se laissant recouvrir entièrement.

Le haut qui couvrait le petit flottait à la surface du lac mais Neraussirvaeriiks ne pouvait le rattraper sans secouer le juvénile enfin détendu. Tant pis. Elle avait assez à faire à contrôler son flux de magie pour éviter de le congeler. "Est-ce mieux Satel ?" s'enquit-elle. Qu'il avait l'air chétif....

S'il avait l'air chétif, il l'était sans doute. Sentant les vibrations sous la surface de l'eau, l'enfant remonta dans une éruption de bulles. Sa tête émergea et il chercha le regard du dragon. Ses cheveux plaqués sans ordre rendaient plus évident encore le contraste de sa peau malmenée. Leur volume avait épargné ses oreilles dont seule l'extrémité flamboyait, son visage et ses mains ressortaient vivement là où le reste de son corps se fondait avec les écailles de son hôte.

Tu m'as par... Il s'interrompit et baissa la tête, refoulant un haut-le-cœur.

Ça ne lui plaisait pas. Maintenant qu'elle voyait mieux l’entièreté de son corps pâle, les rougeurs se démarquaient bien trop nettement. "Le soleil t'a bien trop malmené" se lamenta la dragonne. "Je vais te mener jusqu'au rivage, dormir te fera du bien." D'un geste fluide, elle baissa la tête pour coincer entre ses babines les peaux qu'il portait. Sur trois pattes, l'eau la soutenait assez pour avancer sans malmener le petit, créant un léger remous entre ses griffes.

Balloté par le mouvement lent du dragon, l'enfant maintint son équilibre entre ses griffes, alors que l'eau s'échappait peu à peu. Il renonça vite à rester assis, et appuya sa joue contre les écailles fines de la paume immense.

Ca tourne...

Dormir semblait une solution envisageable, puisqu'il avait fermé les yeux. Mais une fois son hôte immobilisé sur la berge, le corps encore ruisselant de l'eau du lac, il réprima un violent frisson.

J... ai froid...

Il était brûlant.

"Je ne peux rien faire pour te réchauffer" se désola Neraussirvaeriiks. "Uniquement te protéger du vent." Elle posa le garçon sur une large pierre qui avait pris le soleil et se roula en boule autour, utilisant de nouveau ses ailes pour lui créer un cocon. A elle aussi, un peu de repos serait profitable.

Créature minuscule au creux d'un nid de dragon, l'enfant ne parlait plus. Allongé sur la pierre, il ne goûtait aucun repos, changeant de position sans jamais trouver celle qui convienne. L'air rafraîchi voyait un léger filet de vapeur s'échapper de sa peau humide. La sueur avait remplacé l'eau du lac mais il tremblait toujours. Il finit par s'immobiliser, couché sur le flanc, le corps épuisé. Il respirait faiblement, mais régulièrement. Le sommeil avait trouvé son hôte.

Le souffle profond de la bête blanche assoupie battait le rythme des heures, sa queue faisait parfois onduler la surface du lac et effrayait les animaux trop curieux. Pourtant, la dragonne ne dormait que d'un œil pour protéger son petit et éviter que le froid de sa magie ne prenne le dessus. Un renard plus téméraire que les autres glapit de surprise quand elle releva la tête en pleine confusion : Satel savait-il créer du feu pour se maintenir au chaud la nuit tombée ?

Le sommeil de l'enfant n'était pas aussi profond qu'il n'y paraissait, car le cri du renard suffit à rompre son apparente sérénité. Succédant à un grognement, ce qui le réveilla tout à fait fut un coup de poing. Pas tout fait donné dans le vide, il avait heurté la pierre sur laquelle il était couché. Ravalant un gémissement, sa main meurtrie dans la paume de l'autre, l'enfant se redressa, perdu et hagard, le regard porté sur le ciel que le crépuscule parsemait d'étoiles.

"Mauvais rêve ?" lui demanda Neraussirvaeriiks en le voyant se battre à la sortie du sommeil. "Comment te sens-tu Satel ?" Elle pencha son museau pour mieux le sentir, dardant la pointe de sa langue sur sa joue pour mieux évaluer la température de sa peau. "Je me demandais si tu savais créer le feu, le peux-tu ?"

Après une brève hésitation, l'enfant secoua la tête, tournant le regard vers la montagne qui le surplombait.

Mieux...

Son corps avait retrouvé un semblant d'équilibre et il ne paraissait pas avoir froid malgré sa nudité. Son esprit lui, était toujours désorienté, ailleurs. Il lécha ses phalanges par pur réflexe, absorbant les quelques gouttes de sang qui s'échappaient de sa blessure. Après quoi il répondit d'une nouvelle dénégation muette, complétant sa pensée en comprenant les intentions du dragon.

J'ai toujours chaud.

La dragonne se déplia, étendant ses ailes pour s'étirer comme un immense chat d'albâtre. "Bien. Si tu peux marcher, récupère tes peaux et allons trouver un meilleur endroit près du lac où faire un nid." Elle resta debout à attendre de voir comment il se débrouillait.

N'ayant ni raison ni envie de s'opposer à la volonté du dragon, l'enfant s'exécuta. Il vacilla le temps de retrouver son équilibre, mais il retrouverait bientôt tous ses moyens. Ses vêtements étaient encore trempés de les avoir jetés, et sa moue indiqua qu'il regrettait sa négligence. Mais il ne se plaignit pas, se contentant de les essorer avant de les étendre sur son bras. Il releva les yeux vers la tête penchée au dessus de lui, prêt à se laisser guider.

Elle le mena sur ce qui lui semblait être des lieux à la lenteur de son pas, même s'ils avaient seulement longé le lac vers une partie plus boisée. Là, Neraussirvaeriiks retrouva dans les feuillages des boules colorées qu'elle savait comestibles mais dont elle avait totalement oublié le nom. D'un léger coup de pâte sur un tronc, plusieurs tombèrent au sol. "Peux-tu manger ces choses ou te faut-il autre chose ?" s'enquit la maman femelle.

La démarche lente du dragon convenait au pas hésitant de l'enfant, qui semblait de toute façon trop absent pour formuler la moindre objection. Son regard jusque là éteint s'illumina à la chute des fruits. A ses yeux grands ouverts, il était évident qu'il en avait déjà vu sans pouvoir y goûter.

Je peux...

Il ramassa un des fruits et croqua dedans, puis se servit de ses vêtements pour ramasser les autres. Il revint vers son hôte l'air affaibli mais victorieux, et lui tendit un fruit encore intact.

Apparemment, il était encore trop jeune pour se nourrir convenablement tout seul et le manque de proies (ou de ces boules dans les arbres) à son actif ne l'aiderait pas à avoir suffisamment de force pour chasser ; un cercle vicieux qu'elle devait rompre. Voyant où il voulait en venir, Neraussirvaeriiks se pencha assez proche du sol pour entrebâiller ses mâchoires à sa hauteur, dardant un bout de langue rose entre ses dents.

Puisque c'est lui qui avait provoqué l'approche de l'immense museau, il ne manifesta aucune crainte, même quand celui-ci fut prêt à le toucher. Il attendit patiemment, et posa le fruit offert au contact de la langue rose, approchant la main de ses crocs avec un calme souverain. Un léger sourire vint étirer ses lèvres blanches.

Comme tu as de grandes dents... !

Avec ce pustule sur sa langue, elle ne pouvait lui répondre. Au lieu de ça, elle ouvra plus largement ses mâchoires, arquant d'avantage son cou pour montrer les canines les plus importantes cachées sous ses babines. Un peu de chaleur se dégageait de la gueule béante, seule partie qui ne soit pas froide de la dragonne. Au moins le petit ne semblait pas effrayé et c'est un point qui la rassurait même si elle ne savait pourquoi ça lui tenait tant à cœur.

Le sourire gagna les yeux noirs alors que l'enfant regardait la dentition impressionnante du dragon. La main minuscule, se posa contre l'émail de la canine ainsi dévoilée. Le souffle le balaya et il frissonna. Avec une étrange sérénité, il ferma les yeux.

C'est chaud...

Pouvait-elle passer une nuit entière la gueule ouverte pour éviter que le juvénile ait froid ? Aucune idée, il faudrait tester pour savoir. Son sommeil était si profond qu'elle rejeta prestement l'option de le garder en boule sur sa langue, un accident était vite arrivé et Satel était si petit... La chose colorée roula plus en avant entre les crocs pour se stabiliser plus loin dans un creux entre ses papilles, la sensation en était amusante (et elle ne pouvait toujours pas parler).