Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



On ne peut pas dire qu'Inessa était une maniaque du rangement, pas vraiment, juste ce qu'il fallait pour retrouver ses biens rapidement. Si ses livres ne faisaient pas une pile parfaite ou qu'une feuille était de travers sur son bureau, la belle affaire. Et puis, personne n'avait le droit de fouiller/ranger/réorganiser sa chambre. C'est limite si elle ne voulait pas y monter ses meubles elle-même (une chance qu'elle n'avait pas du tout la force pour ça).

Pourtant, quand la météo se faisait mauvaise et qu'elle restait coincée de force chez elle, Ineska avait le temps de faire du tri et retrouver des babioles ou de vielles affaires de cours dont elle n'avait plus usage. Certaines partaient pour son "neveu", d'autres, comme aujourd'hui, pour un orphelinat.

"Vous ne voulez pas que je vous aide à porter Mademoiselle ?" lui fit la jeune fille en robe simple à côté d'elle.
"Tu as déjà un carton Eva, je peux très bien gérer un sac un peu rempli ; c'est moins lourd qu'une selle de cheval, crois-moi. De plus, nous sommes arrivées."

Peter se détendit un peu lorsque la femme ne fit aucun commentaire sur son bandeau. Vous êtes déjà tellement gentille de nous aider, ce serait un crime que de demander quoi que ce soit de plus... Elle gardait un œil attentif sur le serveur. Son regard ne lui avait pas plus du tout, et elle craignait qu'il cherche à faire intervenir la police, ou pire... Vous êtes sure que vous n'aurez pas de problème madame? A nous amener ici je veux dire.

Ineska commençait à comprendre les craintes du garçon. Ils étaient des enfants de la rue, des petits voleurs et des cibles idéales pour des adultes en mal de justice héroïque. "Je n'aurai que les problèmes que vous me créerez. A vous de faire en sorte que je n'en ai pas" répondit la blonde en posant les coudes sur la table - quelle impolitesse ! - pour poser son menton sur ses mains jointes. "Et souriez un peu, les gens sont moins nerveux devant un beau minoi" fit-elle plus doucement pour montrer l'exemple. On pouvait dire qu'Ineska était passée maîtresse des faux semblants à coup de battements de cils ou de regards tueurs.

Sourire... Ouais, c'était une idée. Clochette était un petit ange, et même si la rue l'avait sacrément endurcie, elle n'en était pas moins une enfant pleine de candeur, le sourire lui vint naturellement. Peter avait plus de mal. Déjà parce qu'un plein sourire tirait toujours sur sa cicatrice, comme un douloureux rappel à l'ordre qu'on lui avait détruit ce qui faisait office de bonheur dans sa vie. Elle s'évertua quand même à aligner un genre de demi sourire maladroit.

"Mieux" en convient-elle. "Et si vous me parliez un peu de vous les enfants ?" Histoire de passer le temps d'ici que leur commande arrive. Et elle était curieuse de leur histoire.

Peter haussa les épaules. Il y a pas grand chose à dire madame... Notre vie est pas vraiment digne de figurer dans un roman. On choisit rarement de devenir orphelin. Clochette hocha la tête comme pour confirmer. Elle avait vraiment souffert de ce mal commun aux enfants des rues lorsqu'une fusillade avait fauché ses deux parents dans la foule. Vous êtes déjà plus originale madame... C'pas tout les jours qu'on voit des gens s’intéresser aux petiots de dehors

Une façon polie de lui retourner la question. D'une autre personne, elle s'en serait méfié mais d'un enfant ? "Vraiment ? C'est pourtant là l'histoire qu'un écrivain britannique a mis en avant il y a quelques années, un jeune orphelin du nom d'Oliver Twist qui n'a pas eu la vie facile." Elle devait avoir le livre dans sa bibliothèque mais ne se souvenait plus en quelle langue. "Originale, hélas. Je n'aime pas qu'on range les gens dans des cases, elles sont comme des cages qui nous empêche d'évoluer" expliqua-t-elle avec un soupire. "Je fais au mieux pour crocheter quelques serrures ici et là."

Peter haussa un sourcil aussi curieux que scrutateur, laissant de coté ses connaissances sur la littérature britannique. Difficile de croire qu'une personne de votre rang puisse avoir besoin de crocheter des serrures... Même purement figurées. Grandir sans besoin et sans être recherchée devait aider un peu en tout cas. Mais je suppose qu'on ne connais vraiment un monde que lorsqu'on y a vécu.

Au choix des mots de l'enfant, Ineska pouvait deviner une certaine éducation. Avait-il eu un professeur ou appris par lui-même ? "Ce ne sont pas des besoins primaires comme se nourrir ou avoir un toit. J'ai tout cela mais si je veux continuer d'en jouir, en tant que personne de mon rang, je dois me restreindre à un protocole. En somme, échanger ma liberté pour ce confort."

Peter eut un petit rire sec. Pour nager avec les gros poissons il faut donc savoir louvoyer si on ne veut pas boire la tasse... C'est logique. Elle repensa à un plan que son ancienne cheffe avait eut à l'origine d'aller se cacher dans ces eaux. Une bonne chose qu'elle ait renoncé au final. Et venir donner aux orphelinats est une de ces façons de crocheter une serrure?

"Vous comprenez vite et bien jeune homme, ne gâchez pas cela" lui sourit-elle en coin. "Je donne pour plusieurs raisons à vrai dire ; autant pour faire de la place chez moi qu'être altruiste pour mon prochain." Eva, qui n'osait dire mot, hochait simplement la tête pour affirmer son accord. D'ailleurs, il se pouvait que le garçon des rues soit plus âgé qu'elle. Sauf qu'un regard d'Ineska l'encouragea à s'exprimer. "Mademoiselle est quelqu'un de généreux, c'est elle qui m'a engagée alors que je ne savais rien faire de mes dix doigts."

Peter jaugea rapidement la servante du coin de l’œil. Pas vraiment une chaperonne ou une garde du corps. Mais difficile de croire qu'elle avait été choisie par simple altruisme. Pas de la part d'une personne qui se réclamait d'une logique tranchée. Faire de la place? Encore une idée préconçue, que les gens fortunés ont tout l'espace qu'ils veulent, que je me dois de démolir? Où bien est-ce encore là une image qui représente une serrure?

"Gardez votre venin pour d'autres, bien que personnellement je ne m'en offense pas" le recadra tout de même gentiment Ineska, son sourire travaillé ne laissait guère savoir ce qu'elle en pensait vraiment. "Je n'ai pas m'excuser d'être née dans une famille reconnue et aisée. Seuls mes actes et ce que je fais de cette fortune peuvent être jugés par notre Père... et je me fiche un peu des qu'en-dira-t-on ou je ne serais jamais ici avec vous."

Peter se retint d'éclater de rire mais un léger sourire perça tout de même ses lèvres. Nul venin à attendre de moi. Je serais bien malvenue de cracher au visage de notre bienfaitrice. Et particulièrement hypocrite. Ne voyez dans mes questions qu'une curiosité simpliste. J'ai beaucoup à dire sur le monde d'où vous venez, mais vous êtes aujourd'hui sous la meilleure protection possible me concernant. Peter secoua les cheveux sales de Clochette comme pour la désigner.

C'était aussi perturbant qu'adorable. "Je vous sens éduqué jeune homme" lui fit-elle savoir. "Votre langage est plus que correct et votre vocabulaire recherché. Pourquoi ne pas vous lancer dans des activités plus... honnêtes ?" Pas qu'elle ait réprimé la tentative de vol de la fillette, il fallait bien qu'ils se nourrissent. D'ailleurs, parlant de ça, leur commande finit par arriver et une bonne odeur de viande emplie leurs narines.

Peter huma avec délice le fumet de la nourriture sur laquelle Clochette se jetait déjà avec une avidité non feinte avant de répondre. J'ai des... Antécédents qui ont laissés des traces et qui compliquent une vie "normale". Sans parler de ses problèmes avec l'autorité en place et la politique anti-zootrope. Mais elle ne connaissait pas encore la personne suffisamment pour lui admettre quelque chose comme ça. Surtout dans un lieu public.

Ineska haussa un sourcil alors qu'Eva fit mine de ne rien avoir entendu - une brave fille - et entrepris de faire le service pour la tablée. "Vous êtes encore jeune, tout n'est pas joué." Parlait-elle pour le garçon ou pour elle-même ? Allez savoir. "Mais je vous en pris, mangez tant que c'est encore chaud" sourit-elle aux enfants, même si la blondinette avait pris de l'avance.

Ayant reçu son éducation mondaine d'une femme capable de sortir le fouet si on ne tenait pas sa fourchette dans un angle parfait, Peter s'attaqua à son repas avec délicatesse. Au diable les apparences pour une fois. On n'allait pas lui reprocher de manger proprement quand même. Je n'ai pas vraiment un physique passe partout. Borgne aux cheveux gris... Il ne doit pas y en avoir des centaines dans la ville. Mon seul camouflage efficace c'est cette casquette...

"Une différence physique n'est pas signe de disgrâce, même si votre visage doit témoigner d'une pénible histoire." Pauvres gamins... "Montrez uniquement ce qui ne peut vous porter légalement préjudice et au diable la moral. Pensez-vous que je serais plus convenable en masquant mes yeux ?" Pauvre Eva aussi qui se signait la mention du malin. Cette petite était trop émotive.

Peter eut une légère grimace de dégout à la vue du signe de croix mais se reprit très rapidement. Laisser tomber une partie du masque n'autorisait de prendre tout les risques. Moi j'aime bien vos yeux. Je les trouve jolis. La remarque de Clochette arracha un petit sourire à la voleuse. C'est vrai qu'il serait dommage d'en priver le monde... Et de vous priver du monde, malgré ses défauts.

La vérité venait des enfants disait-on et cela la fit sourire également. "J'aime à dire que si les gens n'aiment pas mes défauts... qu'ils se rassurent, j'en ai d'autres en réserve. Même si !" coupa Ineska avant que sa servante n'intervienne. "Je sais parfaitement que ce n'est pas là de bonnes manières de conduite pour une dame." A croire qu'elle avait déjà entendu ce refrain cent fois, si ce n'était plus.

Peter haussa son sourcil, vaguement sarcastique. Si toutes les dames suivaient à la règle les "bonnes manières de conduites" il y aurait beaucoup plus de balais et beaucoup moins d'humour dans cette conversation et dans les dames en général... Clochette manqua de s’étouffer de rire, sans doute à l'image mentale de dames de cour tentant de marcher avec un manche à balais dépassant de la robe, et Peter lui tapota le dos en souriant.

Elle eut un instant à vide avant de se rappeler l'expression populaire et sans amusa. "Au moins elles auront vu un balais dans leur vie, vu que le ménage n'est pas leur fort...." "Mademoiselle !!" s'indigna Eva, rouge de honte alors que sa maîtresse lui sourit innocemment. La bonne humeur la table s'assombrit quand la porte de leur bistro s'ouvrit sur des représentants en mauvais souvenir ; pas la Milice fort heureusement mais deux agents de police en faction. Pouvait-elle espérer un simple contrôle de routine ou était-ce trop demandé ?

Le bruit de la porte attira le regard des deux jeunes filles, glaçant celui de la plus jeune et incendiant celui de l'ainée. Clochette... Engloutis moi ça vite, on s'en va. La petite se jeta avec encore plus d'acharnement sur son assiette alors que Peter se tournait vers leur bienfaitrice. Je crains, qu'il ne faille écourter notre rencontre pour nous éviter à toutes des ennuis. Personne ne vous volera plus jamais dans le quartier. Parole de Peter Pan.

"Peter Pan, uhm ?" sourit-elle, peu étonnée de la réaction des enfants face aux policiers. "Très bon choix de plume mon garçon... tâcher seulement de viser les bonnes personnes" lui fit-elle un clin d’œil alors que les hommes en uniforme s'approchaient. "Ciel ! Je devais passer commande auprès du couturier avant midi !!" s'exclama soudainement Ineska comme si la foudre venait de la frapper. "Oliver mon cher, courrez donc informer ce brave homme avant qu'il ne ferme boutique, vous nous retrouverez à la maison" glissa-t-elle un papier vierge plié à Peter.

Peter eut un sourire narquois et fit un signe de tête à clochette. Très bien madame. Nous allons faire au plus vite! Elle s'élança dans les jambes des policiers en lâchant un "Pardon m'sieur! On est pressés!" de bon aloi et provoquant des jurons assez colorés pour faire rougir les oreilles des jolies dames attablées. Sauf celle qu'elle avait bien envie de revoir un de ces quatre. Il faudrait qu'elle la fasse suivre pour savoir où la trouver.