Vêtu d'un jeans bleu et d'une chemise à boutons noires à manches courtes, Éric descendait lentement le double escalier en spirale. N'ayant pas envie de moisir toute la journée dans sa chambre, il avait décidé de passer du temps au lounge. Il fallait croire que côtoyer la mort de façon aussi intense avait de quoi vous procurer des élans de vie, de mouvement.

Après avoir commandé de l'eau, il s'était installé à une table au coin de la salle, dont la fenêtre donnait sur le parking. Songeur, tandis que Just Like Starting Over de John Lennon passait à la radio, il ne put s'empêcher de méditer une énième fois sur les évènements de la veille.

L'enquête était terminée. La lutte était terminée. La malédiction de l'hôtel était enfin terminée.

Agnes Brennan avait disparu. Mais dans son sillage, la sorcière avait laissé plus d'une personne marquée, en deuil des fantômes auxquels ils s'étaient liés d'amitié. Des fantômes disparus à jamais, leur essence ayant été dévorée par Agnes.

Et il y avait bien évidemment les Murphy. Dans ses rares interactions avec Thomas, Éric avait reconnu un homme au tempérament semblable au sien. Le médium souhaitait au pauvre couple manipulé le meilleur rétablissement possible, loin d'ici.

Je me demande s'ils voudront encore un véritable enfant après tout ce qu'ils ont vécu...

Il soupira, tapotant sur la table, les yeux à demi-ouverts sur l'eau dans son verre.

Éric était à présent tellement habitué aux apparitions surprises du petit fantôme farceur qu'il sursauta à peine. Coucou, Brian. Il soupira. Comment je me sens... Soulagé que ce soit fini. Satisfait d'avoir réussi. Triste pour Laurence Lockwood et les Murphy, mais avec un zeste d'espoir. En somme, un cocktail aussi doux-amer que le cidre de ce bar. Mais il faut savoir se satisfaire du doux. Il regarda Brian dans les yeux. Et merci pour le compliment, mais je n'ai fait que mon devoir de médium. Toi, tu as eu le courage d'aller confirmer la menace que représentait "Lawrence Murphy", qui a failli dévorer ton essence. Je suis... fier de toi.

Ah, ce que je vais devenir...

Il regarda par la fenêtre le ciel nuageux, les yeux perdus dans le vague.

Eh bien, je vais rester ici encore huit jours, comme je l'avais initialement prévu. Puis je reprendrai le bateau, puis l'avion pour Montpellier. Pour reprendre ma vie "normale" après cette... sacrée aventure.

Éric tourna la tête vers le petit fantôme.

Et toi, Brian ? Maintenant que tu es libre, qu'est-ce que tu comptes faire ?

Ce qui avait été censé être un après-midi de relaxation de plus après des péripéties remplies en émotion venait de prendre subitement un autre tournant, Brian annonçant son envie de quitter l'hôtel pour rejoindre l'au-delà. Une issue on ne peut plus logique, mais qui ne laissait pas Éric indemne malgré tout. Restant silencieux quelques secondes en ayant baissé les yeux, il poussa un long soupir, puis les releva.

Bien sûr. Je comprends.
Un temps.
Si ça te tente, tu pourrais peut-être rester encore huit jours de plus, jusqu'à mon départ. Après tout... qu'est-ce que huit jours, comparé à tout le temps que tu as déjà passé à l'hôtel ?

Youhoooouuuuu !!! s'exclama le petit fantôme en virevoltant, visiblement fou de joie. J'espérais que tu voudrais bien me supporter jusqu'à ton départ ! On va pouvoir faire encore plein de bêtises !