Nano. RolePlay

« … Et donc, parce qu’il avait épargné le petit poisson d'or, le pêcheur et sa famille n’eurent plus jamais faim. Ses filets ne se déchirèrent plus jamais, et peu importe l’endroit où il jetait son filet, la pêcher était toujours abondante. Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps. »

C’était un vaste lac de montagne qui avait lancé Ferghal sur l’histoire du petit poisson doré doué de parole capturé un jour par un pauvre pêcheur, qui comblait ce même pêcheur de bienfaits pour avoir accepté de le libérer. Le lac en question avait disparu depuis longtemps disparu, caché par les arbres de la forêt où ils se trouvaient.

Assise sur le siège du conducteur à côté de sa fille, Moira tenait les rênes de Donncha, même si l’animal au pied sûr avait à peine besoin d’elle. Il n’y avait pas trente-six pistes à travers cette forêt touffue, et un âne attelé ne commence pas à se frayer un chemin à travers les fourrés.

HRP:

Accompagnée de papa et maman, dans un voyage infini et une ballade qui n'était pas chantée ; nous vagabondions.

« Mamaaaaan. D'où t'est venue ta passion des herbes et des fleurs ? »

J'avais commencé à m'intéresser aussi mais retenir tous ces noms étaient compliqué...

Un des avantages à voyager avec un enfant en (plus si) bas âge était que le trajet était toujours animé. Eluna était (depuis toujours, semblait-il) à l’âge où elle avait mille-et-unes questions, sans forcément de lien entre elles d’ailleurs. Moira échangea un sourire complice avec son mari. « Eh bien vois-tu, ton grand-père, le père de papa, avait reçu la tâche de m’apprendre la magie, et il a essayé pendant longtemps — en pure perte. Mais, pendant ces années, j’ai découvert que même sans magie, si je combinais les bonnes plantes, je pouvais créer des potions presque aussi magiques et tout aussi utiles. »

« Ah donc toi t'as pas de magie du tout ? »

Dis-je avec un air surpris, la bouche en "o".

« Et c'est quoi la potion la plus dangereuse que tu aies créée ? Une grosse explosion de la mort qui tue tout le monde ? »

Un rire enfantin s'échappa de mes lèvres.

Si seulement les questions simples avaient des réponses simples… Moira ne savait pas si ses compétences relevaient de la magie. « Oui et non. Je ne sais pas faire de magie, mais je sais la sentir, comme quand tu sens une fleur et reconnais son parfum. » Quant à l'autre question, si innocente, elle reçut une réponse grave : « Non. Je ne détruis et ne tue pas. La vie, quelle qu’elle soit, est bien trop précieuse. Mais certaines potions de soins peuvent devenir des poisons à trop grande quantité. » Elle chassa de son esprit les scènes de la Guerre de la Brèche. « Et puis, détruire ou tuer est toujours plus simple et rapide que créer ou guérir. »

« Moi je connais pas toutes les fleurs... »

Murmurai-je en réponse à sa réflexion. Puis je baissai la tête à son ton plus sec, je jouais avec mes doigts.

« … Désolée maman. Je demandais juste, moi non plus je ne veux pas tout tuer ou tout détruire... mais tu as déjà vu quelqu'un mourir maman ? »

Ma question était plus discrète -toutefois bien audible puisqu'elles étaient proches-.

« Tu en connais déjà plus que je n’en connaissais à ton âge, ne t’inquiète pas. Et je suis loin de toutes les connaître », rit Moira. Mais son rire mourut assez rapidement, et elle passa les rênes à Ferghal pour passer une main réconfortante dans les cheveux de leur fille. « Je me doute bien que tu ne le veux pas. » La réponse à sa question mit plus longtemps à arriver. « J’ai déjà vu des personnes mourir, oui. Que ce soit au combat ou de maladie. Papa et moi faisons toujours toute que nous pouvons, mais même ça ne suffit pas toujours. »

« Et... ça te fait quoi ? Enfin, ça vous fait quoi à papa et toi ? Vous êtes tristes ? »

Je vis mon père avoir une petite mine tout en continuant de diriger -sans réellement le faire- notre bête de somme.

« Moi je sais pas comment je réagirais... Les personnes qui meurent, elles disent quoi avant de rejoindre les dieux ? »

J'avais ouï dire des dieux, j'en connaissais peu.

Sans le faire exprès, Eluna remuait des souvenirs bien désagréables pour ses parents. « Bien sûr qu’on l'est. Pas toujours de la même manière, mais chaque vie perdue fait mal. C’est le lot des soigneurs : parfois on réussit, parfois pas… » Ferghal vint à sa rescousse en complétant sa réponse. « Les gens réagissent tous différemment. Certains sont préparés et apaisés ou résignés, d’autres désespérés. Certains n’ont même pas le temps de réaliser ce qu’il se passe. » Une conversation trop pesante pour une si jeune fillette ? Peut-être. Mais en Heavensaw, avec deux parents soigneurs, la mort n'attendrait pas l'âge adulte pour croiser son chemin.

Je hochai la tête en regardant la route.

« Je ne sais pas ce que je ferai si j'avais en face de moi, quelqu'un qui va mourir et me supplie de le sauver mais que c'est pas possible, médicalement impossible... Ça voudra dire que je suis une mauvaise soigneuse ? »

Je relevai la tête vers mon père puis ma mère.

« Non ! » La réponse de Moira fut immédiate et catégorique. Ferghal passa les deux rênes dans une seule main pour venir serrer celle d’Eluna de sa main libre. « À l’impossible nul n’est tenu, et certains maux sont malheureusement incurable. Et même si un jour tu ne parviens pas à sauver un patient qui aurait pu guérir, parce qu’il te manque des remèdes, ou parce que tu dois t’occuper de trop de personnes à la fois, parce que la fatigue te fait faire une erreur, ou que sais-je, ça ne ferait pas de toi une mauvaise soigneuse. Personne n’est parfait ou infaillible, tout ce qu’on peut faire, c’est faire de notre mieux et espérer que ça suffise. »

Mon regard se tourna immédiatement sur mon père au contact chaleureux. Je mis ma tête contre lui en regardant ma mère.

« Je vois... Je retiendrai cela. Vous pensez que je peux avoir de la magie ? »

Je retirai doucement mes mains de celles de mon père pour les regarder et les serrer dans le vent.

« J'espère pouvoir guérir tous les maux d'un claquement de doigts ! »

« C’est possible, oui. Je ne sais pas si la magie est héréditaire, mais si c’est le cas tu es déjà bien partie sur ce plan-là », spécula Ferghal. La déclaration suivante de leur fille fit naître de nouveaux sourires sur les visages des époux. « C’est un pouvoir que bon nombre de soigneurs t’envieraient. »

« Ouiii !! »

Je ris légèrement en regardant le chemin.

« Où allons-nous ce soir ? Vous avez une idée ? »

L’enthousiasme de leur fille était contagieux et ne tarda pas à gagner les deux soigneurs. « Eh bien vu que pour le moment il n’y a qu’une route, je dirais bien qu’on suit la route jusqu’à ce que le soir tombe. » Cela manquait-il de précision ? Oui. Mais puisqu’ils avaient encore de larges réserves de nourritures et venaient de se réapprovisionner en eau en passant le long du lac, Moira ne s’inquiétait pas trop de leur route.

« Je réfléchissais et... vous avez une race que vous n'appréciez pas ? Je sais que c'est pas bien de dire ça mais orc, gobelin... Ils sont verts, c'est pas normal ? Après les Dragons et les Dragons-Fées ne me dérangent car ils sont trop beaux !! »

Je souris en remuant mes jambes dans le vent -étant plus petite-.

« Les gobelins me font un peu peur, petits, pas beaux, plein de verrues... »

Mais d’où lui venaient ces questions ? Moira ne pensait pourtant pas avoir jamais inculqué à sa fille de baser son opinion des gens sur leur race… Un apport des habitants du chateau ? Certains avaient une vision du monde assez manichéenne et catégorique. « Pour ne pas apprécier une race entière, il faudrait avoir rencontré chacun de ses représentants, ce qui est impossible. Chaque race a de bons et de mauvais éléments, il faut simplement apprendre à se faire une idée de la personne à qui on a affaire. Et oui, avoir la peau verte est normal pour un orc ou un gobelin. C’est quand ils ont une autre teinte qu’il faut s’inquiéter pour eux. »

Je hochai finalement la tête en finissant contre mon papa pour me reposer.

« J'ai terminé avec mes questions ! »

Enfin, normalement. Je fermai les yeux contre lui.

« Vous me réveillez quand on arrive... ! »

Petit sourire aux lèvres.

Terminé ? Ses parents échangèrent un regard sceptique. Temporairement, peut-être, mais ils ne doutaient pas qu’elle en aurait bientôt de nouvelles. C’était un élément inévitable et indispensable de la découverte du monde, après tout. « Dors bien, future soigneuse miracle », dit doucement Ferghal en passant un bras autour d’elle pour la garder sur le siège, même endormie.