Rappel du premier message :




J'traine les pieds en sortant de  cours, j'ai pas envie de rentrer. Je serre les dents en regardant mes camarades se rendre en athlétisme. Foutue cheville. J'entends le médecin me dire "si vous forcez sur cette cheville avant qu'elle ne soit réparée vous le paierez toute votre vie." Il en sait quoi ce vieux blaireau ? Enfonçant mes mains dans mes poches et montant d'un doigt expert le volume de la musique qui pulse dans mes oreilles, je prends la direction de chez moi... Ou presque. Je n'ai pas le droit de courir, je l'ai compris, mais j'vais certainement pas me priver d'une petite promenade.

C'est ainsi que je me retrouve au détour d'une rue... Face à un groupe de manifestants, des antis-mutants. Ils n'ont rien de mieux à faire sérieusement ? On est en Amérique, bordel, s'il y a bien un pays qui s'est construit sur la mixité c'est nous. Je lâche un soupire dédaigneux et monte le volume de mes écouteurs avant de faire demi-tour. Ok pas par-là. Le détour sera plus long qu'escompté. Je ne passe que rarement par ces quartiers, réservés aux bobos trop friqués. C'est calme. Les oiseaux chantent... De la fumée me pique les yeux, je les plisse pour en faire s'écouler quelques lames et les dirige vers la source de ces émanations. Un gamin ? A peu près mon âge.

"Tu fous quoi ?" j'lui lance.

"Juste fille." répondit Rosario en haussant les épaules. Il se gratta le nez puis renifla. "Un peu comme meuf, quoi." Non, ça sonnait comme une insulte. "Mais en plus neutre." Cazzo ! Il s'embrouillait lui-même ! "Roh ! Qu'importe ! Bouge pas, j'vais te chercher une chaise et de la glace." Il se tourna vers i cani et agita un doigt mécontent. "Non muoversi !" Ils couinèrent de déception de ne plus pouvoir jouer mais se couchèrent à son ordre. Rosario disparut dans la cuisine où Diana l'assaillit de questions et qu'il rassura du mieux qu'il put. Il revint vite avec les objets promis. "Siediti." dit-il en posant la chaise près de Lucie.

J'fais sans doute partie de la nouvelle génération de féministes, celles pour qui être traitée de fille n'est pas une insulte mais une réalité. Bref j'l'attends pas longtemps et il revient vite avec une chaise sur laquelle il me dit de m'asseoir. Je crois.

Assise je défais les lacés de ma converse et la retire... De même que je retire l'attelle souple qui devait protéger ma cheville. Lol. Elle est tordue et à griffé ma jambe en prime.

"Tu vois que tu sais être super mignon !" je dis au sicilien quand il me rapporte des glaçons.

"Je ne suis pas mignon, cazzo !" hurla Rosario en piquant un fard. Il manqua même d'en lâcher le bloc de glace. "Encore moins super mignon ! On dirait que tu parles di uno bambino de 5 ans !" Bougonnant en sicilien incompréhensible, il appliqua la glace sur la cheville sans plus regarder questa ragazza fastidiosa.

"Et tu es encore plus mignon quand tu rougis !"

Oui j'en rajoute une couche, mais il est vraiment mignon quand il est gêné et rougissant. Ca donne tellement envie de le taquiner ! J'ai du mal à m'en empêcher, et ça me distrait de ma foutue cheville.

Un frisson d'énervement agita la colonne vertébral du Sicilien qui adressa un regard noir alla stupida ragazza. Il lui balança la glace dans les mains en se levant d'un bond. "Si c'est pour te moquer, débrouilles-toi toute seule. Cazzo !" Il se retourna en agitant les bras en l'air. "J'ai encore dei cani à laver, moi."

Je ne voulais pas me moquer, juste le taquiner un peu pour voir à quel point il pouvait être mignon. Je suis un peu déçue. Ok. Lulu. Nope. Ca c'est pas un sentiment safe. Tu oublies. Tu ne peux pas te sentir déçue qu'un presque inconnu réagisse de la sorte. Cela implique trop de choses. Alors juste nope. Tu calmes tes hormones d'ado. Merci.

"Je ne voulais pas te blesser. Je m'excuse."

Rosario n'était pas encore partie. Peut-être qu'il appréciait plus la ragazza qu'il ne le montrait. Elle lui rappelait ses amies à Syracuse, bien moins coincées que les filles de son école huppée di merda. Les mains dans les poches, il se retourna avec une moue et renifla. "Ok... scuze accettate." Son sourire narquois fut révélateur qu'il avait fait exprès de le dire en italien. Il tendit une main vers Luci. "Allez, ragazza, debout ! J't'aide à me rejoindre, j'dois vraiment laver les chiens. Et t'es pas mourante, tu peux bien laver i piccoli cani si t'es assise."

Bon. Ok j'voulais partir, mais clairement est-ce qu'on peut refuser quelque-chose à ces bouclettes ? Les hormones tout ça Lucie. On reste calme.

"Attends j'remets mon attelle."

Ca me prend quinze secondes, l'habitude. Je me saisis de sa main pour me redresser. OK. Non pas d'accord. Moi je ne rougis pas. OK. On se calme putain ! Non c'est bon tout va bien. On peut laver ses cani.

"Tu t'es fait quoi, ragazza ?" demanda Rosario qui refusait obstinément de dire son prénom. Trop... trop gênant ! Surtout quand il l'aidait à claudiquer jusqu'aux douches, i cani trottinant derrière eux.

"Un mauvais tacle, une histoire bête comme le monde." je soupire.

Il manquait une fille pour une rencontre amicale, les footballeuses ont recruté dans le club d'athlétisme. Voilà voilà.

Je m'assieds sur le sol et récupère le petit chien à laver ainsi qu'un seau d'eau et du savon.

Rosario s'arrêta pour la zieuter de haut en bas. Elle n'était pas un peu menue pour le sport de barbares qu'était le football américain ?! Il rougit aussitôt en lâchant la brosse qu'il utilisait pour bichonner le berger allemand. Cazzo ! Depuis quand il était sexiste, lui ?!!! "Scuzi !!" hurla-t-il soudainement en fixant Lucie d'un air affolé... alors qu'il n'avait rien dit de sa pensée à voix haute.

Cazzo di puttana di merda... La honte !

"Hein, quoi ? Il se passe quoi ?"

Je lève un regard interrogateur vers lui alors que j'ai sursauté à son cri manquant de lâcher la brosse que je tiens et d'assommer le pauvre roquet que je lave qui n'est pas beaucoup plus gros que l'objet.

Il la regarda avec de grands yeux encore paniqués et ses yeux joues plus rouges qu'un coup de soleil. "Pas grand chose..." marmonna-t-il avant de récupérer sa brosse. Jamais qu'il lui avouerait qu'il avait eu une pensée machiste bien malgré lui !

Je fronce les sourcils, pas grand-chose c'est pas rien. Est-ce que j'ai fait quelque-chose d'inapproprié ? Je ne me suis pas renversée le seau dessus, je ne participe pas à un concours de tee-shirt mouillés, non ? Bon tout va bien !

"Mais diiiiiiiiiis !"

"Non, niente, niente..." bougonna Rosario dans les poils et les bulles qui s'échappaient de la brosse. Le berger allemand semblait au Paradis, avec la langue pendante et tout. "Juste étonné che una ragazza joue au foot américain.. sport de barbares..." Il parlait de plus en plus bas. "Cazzo... Rosario... t'es pas macho, reprends-toi... che peccato..."

"Moi je suis étonnée qu'il y ait des personnes saines d'esprits qui jouent à ce sport tout court. Je devais juste faire de la figuration pour aider l'équipe du lycée, puis elles m'ont passé la balle et patatras." je ris.

Rosario ricana, le ton toujours un peu nerveux. Au moins la ragazza ne s'énervait-elle pas ! Et il cano semblait aimer le rythme rigoureux de la brosse, tant mieux. "Quitte à jouer avec une balle, autant jouer con un cano." dit-il en passant le jeu d'eau sur le berger allemand qui, foufou, se mit à essayer de happer l'eau.

"Ca ne me réussit pas beaucoup plus tu m'diras..." je ris, et de plus belle quand le chien que nettoie le sicilien s'ébroue et le trempe de la tête aux pieds... Mais mon petit roquet à moi n'est pas en reste, en attendant mes rires il se dit qu'il a envie de jouer et pose ses pattes pas encore propres mais déjà mouillées sur mon sweet clair. Nonononononono !

"No, cazzo !" Mais son cri se transforma en gargouillements quand il avala des gouttes d'eau sales envoyées par le berger qui se secouait. Rosario se leva d'un bond en toussant entre des jurons en sicilien et fit les gros yeux al cano... qui ne fit que le regarder joyeusement avec la langue pendante !

Mais quand il vit che la ragazza subissait un sort similaire, et que son sweat en devenait la victime, il ne put s'empêcher de rejeter la tête en arrière dans un immense éclat de rire. A s'en tenir les côtes, même !

Sérieux ? IL RIGOLE ! NON MAIS... Ok il rigole. Tu veux rire ? On va... Non j'suis pas certaine finalement que lui envoyer un peu d'eau du seau ait été la meilleure idée de ma vie quand lui tient encore le tuyau d'arrosage. Putain Lulu, un jour faudra que tu réfléchisses AVANT d'agir.

Son rire se coupa net et il plissa des yeux vers Lucie. "Cazzo, ragazza. Si tu cherches la guerre..." Il bondit soudainement sur elle avec son tuyau, au milieu d'une horde di cani surexcités. "Alle armi, Sicilia !" hurla-t-il comme cri de guerre avant de l'arroser copieusement.

Quand Rosa débarque on est tous les deux trempés et morts de rires. Il a triché, il avait plus d'amplitudes de mouvement que moi, et j'me suis défendue comme j'ai pu... Et à voir le résultat je me suis plutôt bien défendue.

"Sainte mère..." bougonne la femme accueillante en levant les yeux au ciel et en se retenant de rire, ça se voit à des kilomètres. "Vous allez ranger tout ça et aller mettre vos habits au sèche-linge histoire de ne pas rentrer trempes chez vos parent, qu'est-ce que je vais faire de vous ?"

Soudainement d'excellent humeur, Rosario eut l'audace d'afficher un sourire filou. "Scuzi me, Mamma Rosa ! J'ai dérapé avec le tuyau." Elle lui agita un doigt menaçant sous le nez. "Pas de scuzi qui tienne, mon garçon. Regarde moi cette pauvre fille, on voit tout une fois mouillé !" Ce ne fut que par un pur instinct que Rosario tordit la tête pour fixer ce que pointait du doigt Rosa, et qu'il n'avait pas remarqué plus tôt... la ragazza... "Ah !" hurla-t-il en se retournant d'un coup, plus rouge che un pomodoro.

On s'esclaffe de rire avec Rosa, on ne peut pas vraiment faire autrement. Perso j'm'en bas les steaks qu'il voit mon soutif par transparence. Franchement il y a bien pire dans la vie.

"Vous n'auriez pas une serviette pour dépanner ?"

Pas que mes parents tiennent particulière à me gronder si j'rentre trempée mais si je pouvais éventuellement éviter les questions, ce serait tout bénéf.

"Je vais en chercher une !" hurla Rosario en bondissant vers la porte menant aux appartements de Rosa. Il s'était suffisamment trempé avec i cani pour savoir où trouver les serviettes. Il prit la plus grande qu'il trouva et revint vers la ragazza en regardant de biais pour voir où il allait sans la fixer. "Tiens, ragazza." bougonna-t-il en tendant à bout de bras la serviette.