Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



Furaha ne put s'empêcher de grimacer en arrivant devant les Pyramides. Non qu'elle ne soit pas impressionnée par ces édifices qui avaient survécu aux siècles mais... leurs parois étaient présentement recouvertes de couleurs chatoyantes et de hiéroglyophes dansants. Un coyote se mêlait joyeusement aux farandoles.

Un coyote en Egypte. Trickster allait devoir revoir son bestiaire.

Les mains sur les hanches, Furaha secoua la tête. Connaissant l'Esprit, elle savait qu'il connaissait pourtant les formes animales qu'il revêtait dans cette partie du monde. Araignée, chacal, lièvre... elles ne manquaient pas. Mais il avait préféré signer son oeuvre par la forme qu'on lui connaissait mieux à Bruxia.

Et elle n'était pas étonnée qu'il utilise cette crise pour jouer une farce. Il était l'Esprit de la Farce après tout. L'aubaine avait été trop belle pour passer à côté. Et elle avait suffisamment d'expérience avec l'Esprit malin pour qu'on l'ait nommée experte en la matière de le calmer. Quelle joie ! Elle avait hâte de se retrouver dans les filets espiègles de Trickster.

La pyramide de Khéops semblait être la demeure qu'il avait choisi, si elle devait en croire les flèches qui convergeaient vers elle sur les parois des autres pyramides. Trickster savait qu'il avait des invités.

Alors qu'elle était en pleine réflexion quant aux combinaisons des cinq hiéroglyphes selon le sens obtenu, Oriana tourna la tête vers Furaha. Au-dessus de son foulard, son regard criait "je suis tout ouïe". Malgré le fait que techniquement, elles ne pouvaient rien se dire pour le moment.

Une farce ! Trickster voulait représenter une farce ! Furaha sourit à Oriana puis pointa le hiéroglyphe de la toile d'araignée qu'elle mima faire glisser sur le faucon et elle pointa son doigt vers la falaise et les vagues. Restait à savoir quoi faire du chacal-coyote... Elle se tapota le menton, indécise. Au dessus du verrou, un compteur affichait I au lieu de II : c'était sans doute là leur dernière chance dans le jeu du Fripon.

Oriana avait compris ni une ni deux. Elle se demanda également où positionner le hiéroglyphe du chacal. Étant donné qu'il représente notre cher Esprit farceur, il est sûrement représenté celui qui chapeauterait toute cette mauvaise farce, conduisant le faucon, aveuglé par la toile, à aller au-delà de la falaise... pour aller dans les vagues. De plus, le chacal fait aussi penser au dieu Anubis, les dieux se trouvant en haut. Dans tous les cas, je ne vois ce symbole qu'en première position, tout en haut. Elle opta ainsi pour la combinaison de haut en bas "chacal-toile-faucon-falaise-eau", croisant les doigts...

A la tronche que tira le coyote qui observait la scène, Furaha sut qu'elles avaient trouvé la bonne combinaison. Avisant son air mutin, elle le foudroya du regard, grondant presque sauvagement. "Tu as promis de jouer équitablement, Trickster !" Un gémissement plaintif échappa à la forme sur le mur qui se mua en corbeau pour s'envoler dans la trouée noire qui avait remplacé la porte menant à la Chambre du Roi. Furaha haussa une épaule désinvolte vers Oriana et suivit l'Esprit de la Farce dans sa dernière friponnerie. Il était temps d'en finir.

La jeune femme n'était pas sûre de ce qui les attendait dans ce qui était peut-être la dernière étape des jeux de Trickster. Les deux shamanes arrivèrent enfin dans la chambre du roi, étroite et ne recelant qu'un vestige en pierre au fond, sur lequel se trouvait Trickster, ayant pris une forme de boule noire aux petits yeux et au grand sourire. Derrière lui avait été posé un gobelet en argile. Soudain, la lumière s'éteint, et des bruits se firent entendre. Lorsque la lumière revint, il y en avait six posés à l'envers. Sous l'un d'eux se cachait l'Esprit farceur... Mais lequel ? On n'a probablement qu'une seule chance...

Furaha arqua un sourcil étonné : elle n'avait jamais vu cette forme chez le Trickster, qui préférait le plus souvent prendre une de ses formes animales, notamment le coyote dans l'Ecole de Bruxia. Elle fut aussitôt méfiante : il leur préparait un sale tour ! Et en effet, quel fripon ! Comment étaient-elles sensées deviner sous quel gobelet il s'était caché durant le laps d'obscurité ? L'enseignante se pencha vers les gobelets pour les observer en quête d'indice(s).

Un dessin apparut lentement sur le mur derrière, montrant un bonhomme soulevant un gobelet. Oriana tapota sur chacun d'eux : tous produisaient le même son. Un momento... Si le jeu se termine quand l'un des gobelets est soulevé, alors j'ai le droit de les faire glisser ! Ainsi, elle les fit glisser de haut en bas sur la pierre, afin de sentir s'il se cachait dessous. En vain. Il doit avoir compris ma technique et roulé en même temps... Je sais ! Elle prononça la formule d'invocation, et appela l'Esprit renard. J'ai besoin de ton aide : peux-tu nous dire lequel de ces gobelets est inhabituel ? Il acquiesça en s'inclinant, puis renifla...

Furaha se détourna de la scène pour observer la montée des ombres les environnant dans un sombre grondement. Visiblement, Trickster n'appréciait pas du tout l'intervention d'un autre Esprit, surtout le Renard qui lui faisait de la concurrence sur l'une de ses apparences. "Oriana." souffla-t-elle, oubliant que le prénom sortirait avec des sons en vrac. L'urgence de sa voix devait quand même s'entendre.

Et cette urgence n'échappa pas aux oreilles d'Oriana, qui dit immédiatement : Désolé, Esprit renard, mais je dois te révoquer. Je t'expliquerai plus tard ! Et elle s'exécuta en prononçant la formule adéquate, les ombres de Trickster se dissipant aussitôt. Poussant un soupir de soulagement en regardant Furaha, elle se demanda comment faire. Une chance sur six... ¡Maldita sea! Aucun indice visuel, et comme je l'ai constaté, aucun indice tactile... Elle contourna le lit de pierre, réfléchissant... Quand soudain, elle trouva un septième gobelet tourné également à l'envers, au sol, juste derrière le vestige. Elle fit signe à Furaha de venir voir.

Son corps se détendit quand les ombres virevoltèrent en des bonds plus fripons que menaçants ; elle avait été prête à se battre si nécessaire. Furaha rejoignit Oriana quand elle l'appela et un petit sourire en coin lui échappa. Ce petit malin croyait pouvoir les gruger ! Elle hocha la tête vers sa collègue puis tendit la main pour ôter le gobelet du sol...

Alors qu'Oriana était aussi convaincue que sa collègue que ce gobelet caché était le bon, elle eut soudain un doute. Elle aggrippa la main de Furaha, et la regarda en faisant le signe du nez qui s'allonge tout en montrant le gobelet, puis en dessinant dans l'air un point d'interrogation. Ce gobelet caché était un peu facile à trouver : ce qui était une solution cachée ne pouvait-il pas être un piège cachant la véritable solution ? Après tout, il s'agissait de l'Esprit farceur, et elles étaient à un fil de gagner son jeu... Elle fit glisser le gobelet de droite à gauche : rien. Trickster est peut-être dessous et roule en même temps...

Furaha arrêta son mouvement, comprenant aisément l'hésitation d'Oriana. Mais qu'est-ce qui était le plus évident ? Les six gobelets placés sur le coffre ? Ou celui innocemment placé derrière ? C'était à c'en donner mal aux crâne, à s'embrouiller ainsi les neurones ! Un rire secoua les ombres de la Chambre du Roi et elle fit la moue. Ce Fripon alors ! Toujours un tour dans son sac !

Attendez ! Mais c'était ces gobelets qui étaient si évidents !


Faisant confiance à son instinct, Furaha plongea la main dans le coffre, en quête d'un ombre à la bouche riante.

L'intuition de Furaha avait vu juste : un huitième gobelet retourné se trouvait dans le coffre qu'elle venait d'ouvrir ! Et comme l'indiquait le dessin sur le mur, le but était de soulever l'un des gobelets pour espérer y trouver l'Esprit. Oriana regarda Furaha, puis tendit la main pour soulever ce gobelet. Trickster s'y cachait-il ?

Un gémissement plaintif s'échappa du gobelet en même que la forme ombreuse de Trickster qui reprit son apparence d'alebrije coyote sur le coffre en pierre. A sa moue, il était facile de comprendre qu'il ne voulait pas finir de jouer ni rentrer à Bruxia et il essayait de les amadouer de ses yeux vairons.

¡Bien joué, Furaha! Elle lui fit un pouce en l'air. Elle jeta ensuite un regard impassible à Trickster. Recapitulación. Tu nous as fait jouer à des jeux à la limite du déloyal, nous a éclaboussées avec de l'eau et as failli le faire avec de la boue, tu m'as giflé, as donné une envie pressante à ma collègue, et surtout, lui as fait croire qu'il était arrivé un malheur à son fils. ¿Et tu veux encore "jouer"? Son regard de prof en colère se manifesta, donnant à Trickster un air battu. Mais, magnanime, elle le caressa, ce qui le rassura. Tu as beaucoup à expliquer. En attendant, excuse-toi à Furaha. Il s'exécuta en s'inclinant, tout honteux.

Comme Trickster n'en était pas à sa première farce avec elle, et qu'elle avait été plus méchante que drôle, Furaha le laissa mariner une bonne minute avant de décroiser les bras et lui gratouiller derrière les oreilles. "Mais tu t'en prends encore à mon petit lion, et tu auras la Lionne des Nuru sur le dos." lui gronda-t-elle tout de même avec un regard menaçant. Il sourit d'un air penaud... il ne restait qu'à espérer qu'il soit sincère. Furaha se tourna vers Oriana, pointant la sortie d'une main, attrapant le Fripon dans son autre bras.

Oriana sourit sous son écharpe, et acquiesça de la tête. Malgré tout ce que Trickster leur avait fait subir, il y avait peut-être une raison à son comportement. Mais alors que l'Esprit, fatigué, s'endormit dans le bras de Furaha, Oriana se dit que les explications seraient pour plus tard. Elles avaient accompli leur mission. Elles se mettraient à l'écart, en tentant, autant que faire se peut, de rester à l'écart des touristes, qui seraient surpris de les voir toutes trempées – mais moins surpris de voir la pyramide reprendre ses couleurs normales – et Oriana invoquerait de nouveau l'Esprit corbeau pour se téléporter tous ensemble vers Bruxia.