Dylann est à l'hôpital.

L'idée refusait de quitter son esprit même si Madame Slam l'avait rapidement rassuré en l'expliquant qu'il s'y trouvait pour Monsieur Kozume et qu'il avait juste besoin de l'aide d'un majeur pour les papiers administratifs. Pour un peu, il aurait tourné de l’œil tant le choc avait été violent, et s'en voulait d'avoir ajouté cette frayeur aux inquiétudes de Madame Slam.

Ils roulaient désormais vers l'hôpital public où Dylann avait mené Monsieur Kozume. Les événements étaient encore flous mais il semblerait que Monsieur Kozume se soit blessé en jouant à la balle avec Dylann. Dangereux ces choses-là, Cayden n'arrêtait pas de le dire aux cours de sport. Il avait heureusement réussi à se faire dispenser des jeux de ballons du fait de ses os fragiles. Et de ses griffes. Les profs en avaient eu marre qu'il perce les ballons. (Peut-être qu'il avait fait exprès une fois ou deux pour s'éviter cette gageure mais il était innocent la plupart du temps !... Il se sentait juste agressé par le ballon vrombissant vers lui tel un rapace affamé !)

Mais si la peur pulsait dans son esprit présentement, ce n'était pas la terreur des prédateurs ni la phobie de la foule ou du regard d'autrui. Même s'il y pensait, elles n'avaient pas prises sur lui. Qu'on voit un bout de ses plumes ou qu'on entende ses griffes cliquetant sur le sol lui importait peu. Il devait trouver Dylann et s'assurer qu'il soit sain et sauf.

"Bonjour, la chambre de Monsieur Adkins Kozume s'il vous plait. Je suis sa sœur" se présenta Slam une fois arrivée dans le bon service indiqué. Ladite chambre ("La troisième sur votre droite Madame.") était d'une grande simplicité, propice pour les courts séjours. "Onee-san !!" l'accueilli un blond allongé dans un grand lit, un pied plâtré maintenu en hauteur. "Et Cayden ! Bonjour mon grand, la forme ?" sourit Ko de toutes ses dents.

Sa lèvre était presque en sang à force de se la mordiller d'inquiétude. Il réussit à ne pas trop trépigner dans le hall de réception mais son appréhension explosa dès qu'ils furent rentrés dans la pièce. Un "Dylann !" chuchothurlé (quand on le connaissait, le volume sonore était élevé) accompagna son entrée dans la pièce. Mais il n'y avait que l'Oncle Ko. Cayden prit une teinte écarlate dans la seconde, en avisant son comportement. "Bonjour, Monsieur Kozume. Vous... vous allez bien ?... euh... Enfin, vous n'avez... pas trop mal ?"

Si Cayden voulait faire en sorte que Kozume perde l'idée qu'il y avait quelque chose entre lui et son neveu, il s'y prenait très très mal. "Plutôt bien" sourit le blond avec un air malicieux. "Il m'ont assez shooté pour que je ne ressente plus rien pour l'instant." Slam eut un soupire en s'approchant de lui. "Tu seras bien assez pénible quand les antalgiques prendront fin. Il s'est passé quoi au juste ? Où est Dylann ?" Ko eut un léger regard vers l'oiseau en mode "Help me bro !", dans une veine tentative d'échapper aux explications à suivre.

La gêne de Cayden quant à son éclat maladroit s'était amplifiée en avisant le pied plâtré qu'il ne quittait pas du regard. "Désolé... Je sais que ça fait mal, des os brisés." murmura-t-il en fixant toujours le pied blessé. "Comment vous êtes vous blessés ? Et Dylann, il va bien ?" Oui, l'idée ne voulait pas quitter son esprit. Et il s'était tellement concentré sur la blessure qu'il avait été inconscient de la demande d'aide silencieuse de Monsieur Kozume avant de le regarder... en posant exactement la même question que Madame Slam. Un nouveau pic de rougissement colora ses joues alors qu'il baissait les yeux d'un air contrit. "J'ai cru comprendre qu'un ballon était impliqué." ajouta-t-il dans l'idée d'éviter les explications à Monsieur Kozume. "J'ai toujours dit que c'était dangereux, les jeux de ballons... Dylann va devoir me croire maintenant."

Belle tentative du volatile mais c'était mal connaître la mama. Slam fixait son frère d'adoption sans ciller et celui-ci se sentait de plus en plus mal à l'aise, à se lécher les lèvres de nervosité. "Oh merci" lâcha finalement Ko quand une petite tête châtain aux cheveux hérissés entra à son tour dans la chambre d'hôpital. "M'man ?" s'étonna à moitié Dylann puis vint un "Cayden !!" bien plus enthousiaste (qui fit réapparaître le sourire en coin du blond plâtré).

Cayden commença à se tasser dans un coin en sentant l'ambiance devenir un peu tendue entre les deux adultes, entre l'un qui se taisait et l'autre qui demandait silencieusement des réponses. Son "Dylann !!" fut donc tout autant enthousiaste que rassuré. Il essaya de ne pas se précipiter vers son ami - mais son mouvement de griffes glissées sur le carrelage pour ne pas le faire crisser y ressembla fortement - et l'observa de haut en bas pour vérifier une dernière que tout allait bien pour lui.

Le tamia ne protesta pas, ce dont sa mère s'étonna, quand il ouvrit patiemment les bras pour laisser l'oiseau toute la latitude dont il avait besoin pour son inspection ; tant qu'elle ne sera pas faite, Cayden stressera de toute façon. "Tu n'as rien ?" voulu aussi s'assurer Slam. "J'vais bien. On a just' joué au b'llon avec Oncl'Ko, rien d'mal." Mais l'afro-américaine n'était pas née de la dernière pluie et le regard "Parle ou ça va mal finir" fonctionnait aussi. "... en f'sant un peu d'figures acrob'tiques ?" essaya-t-il avec un sourire innocent.

"Je t'ai déjà dit que les jeux de ballons, c'est dangereux." lui rappela Cayden qui se calmait enfin, rassuré de le voir en un seul morceau. Il ne dit cependant rien sur les acrobaties : à force, il avait fini par comprendre que c'était pour Dylann aussi naturel que le vol l'était pour lui.

Pour sûr, ça l'était pour le mutant mais pas pour son tonton humain. Preuve en était. "Ne me dîtes pas que vous avez grimpé sur les toits ! J'arrive enfin à me faire à l'idée que Dylann le faisait bien avant de rentrer à l'école (grillé) mais enfin Kozume, tu es un adulte !" Le "Ah bon ?" étonné de l'oncle et du neveu fut unanime ; et ce n'était peut-être pas la chose à dire, le pseudo-japonais s'en rendit compte plutôt rapidement. "Viens l'harpie, t'dois s'ment avoir faim" glissa Dyn en poussant son ami hors de la chambre.

Cela dégénérait en dispute, non ? Cayden soupira de soulagement quand Dylann le sortit de la pièce ; il n'avait trop aimé se retrouver au milieu d'une dispute, ou même d'en être qu'un spectateur. "Merci... Mais tu penses vraiment qu'un distributeur d'un hôpital aura quelque chose que je peux manger ?" Il ne s'attendait pas à voir des barres de graines au miel parmi les sucreries. "Qu'est-ce qui s'est passé ?" Hors des oreilles de Madame Slam, peut-être que Dylann le lui décrirait.

"Alors là, j'pense pas" avoua le tamia pour le distributeur. "Mais c'tait l'seule 'xcuse qu'j'ai tr'vé pour sortir en douce." Les couloirs étaient relativement déserts, uniquement quelques membres du personnel soignant mais personne qui les dévisageaient de manière ostentatoire.. même s'ils attiraient l’œil (surtout avec un piaf rouge vif !). "J't'jure qu'on jouait vr'ment au ballon. J'lui montrais comment j'p'vais taper d'dans avec ma queue puis on a testé quand j'grimpe en même temps dans l'arbres." Jusque là, rien de bien étonnant connaissant l'animal.

"Ah ! Tu faisais Kevin, comme à la plage ?" Le mouvement était impressionnant, c'était vrai, et un bon entraînement pour Dylann. "Elle t'a obéi cette fois ?... J'espère que tu avais réussi au sol avant de tester avec de la grimpette." Si son ton restait posé, on sentait nettement de la réprobation. "Et comment l'Oncle Ko a-t-il réussi à se blesser si c'est toi qui grimpait ?"

Mais Dylann passait tellement de temps à se faire réprimander par tout le monde qu'il ne faisait plus gaffe (sauf quand c'était Slam... fallait pas rigoler...). "Ouaip ! J'suis monté dans l'arbre après réussir au sol, t'croyais quoi ?. C'juste qu'après... ben... l'Oncle Ko pensait plus fun de m'lancer la balle d'n'importe où et puis..." s'enlisa l'ado. De son point de vue, il n'y avait pas plus logique comme situation de cause à effet. "Ben l'a voulu m'la renvoyer aussi alors qu'l'était en hauteur."

"Ose me dire que tu ne manques pas de prudence plus souvent que le contraire !" le taquina Cayden en lui faisant de gros yeux. "Et ton oncle est encore pire dans le genre. Lui n'a pas les os solides, ni l'instinct pour se réceptionner." Il plaignait soudainement Slam en pensant à ses frayeurs quand Dylann sautait d'une fenêtre. Il n'osait imaginer s'inquiéter pour l'Oncle Ko de la même manière... ce devait être épuisant.

"Ouais j'sais mais ça m'fais plaisir qu'quelqu'un joue avec moi comm'si qu'j'étais un gosse normal. Mais c'vrai qu'on'a oublié qu'j'étais solide..." Chose qu'il faisait tout le temps en entrainement (d'ailleurs, il serait bien qu'il sache un jour jusqu'à quel point). "Mais au fait, c'mment t'es arrivé ici avec ma mère ?" tilta soudainement l'hybride.

La première phrase de Dylann lui avait tellement serré le coeur qu'il le dévisageait avec des yeux larmoyants quand il se retourna vers lui. "On pourra jouer au ballon si tu veux." lui dit-il sans percuter sa question. Même s'il détestait les jeux de ballon. Même si lui avait les os fragiles. Même s'il n'aimait pas spécialement le sport. Après une longue minute, son cerveau rattrapa son retard et il cligna des yeux pour chasser la sensation de yeux mouillés qui s'attardait. "J'étais à l'Océan d'Or quand ta mère a reçu l'appel."

Ses oreilles se redressèrent un peu quand il sourit. "C'vrai ? Comme à l'plage ? Vaudra qu'on y r'tourne un jour d'illeurs, ça s'rait cool !" Une infirmière lui lança un "chuuut" agacé en traversant le couloir, il avait dû parler trop fort, emporté par sa bonne humeur. "Pardon" fit-il tout penaud. "Tu m'cherchais au bar ?"

Comme à la plage ? "Oui !" Il avait à peine haussé la voix, ce qui n'était sans doute pas très fort pour autrui, mais il rougit avec un sourire penaud. Le ballon de la plage n'était pas un ballon dangereux, d'où son engouement. La prochaine question de Dylann le sortit de son embarras. "Oui. Mais j'ai fini par aider Madame Slam et... et discuter avec un client. Un autre mutant. Il... Il voulait savoir pour l'Institut. C'est Madame Slam qui lui a donné la carte." Il se colla à son ami pour lui murmurer d'un ton tremblant : "Il a dit qu'il y avait des satellites dans le ciel." Un air déterminé chassa la peur. "Je volerai quand même."

Qu'est-ce que c'était cette histoire de satellites ? "T'sais qu'sont vach'ment haut dans l'espace hein ? T'as pas d'risque d'tomber sur l'un d'eux" préféra-t-il le rassurer. "Mais c'bien s'tu voles quand même si y'a d'aut'trucs ! Et c'qui l'aut'mutant ? Un jeune ?" Peut-être Cayden avait-il recruté un futur camarade, qui sait ?

"Oui, ils sont hauts, mais paraitrait qu'ils peuvent voir quand je vole." chuchota Cayden avec un petit air terrifié qu'il chasse rapidement en agitant la main dans le vide. "Mais je m'en fiche." Il sonnait comme s'il devait se convaincre soi-même et changea de sujet. "C'était un adulte. Il pouvait manipuler les liquides, comme son thé. Un adulte pas trop vieux."

Wouah, l'Harpie qui se rebellait pour faire ce qu'il voulait était... une première, certes mais ça restait impressionnant. "Y v'lait des conseils d'Prof Xavier pour ses pouvoirs ? Y a encore des adultes qu'savent pas l'maîtriser ?"

Son amitié avec Dylann était suffisamment solide pour qu'il comprenne ce qu'il ne disait pas et en fasse la moue : il n'était pas aussi peureux que ça, non mais ! Juste prudent. Intimidé. Timide. "Je n'ai pas trop creusé, c'était sa vie privée." Et il n'avait pas osé... tout en étant encore sous le choc de la révélation des satellites. "On verra bien s'il vient à l'Institut."

"S'ra pas un prof en tout cas... ça t'dis d'sortir un peu ? J'm'sens mal à l'aise avec l's'hosto" changea-t-il brusquement de sujet. "Quand j'tais p'tit, à l'orph'nat, j'finissais s'vent à l'hosto pour d'plâtres ou radios." Pour ne pas dire que Dylann était un habitué des urgences en pédiatrie...

"Il aurait l'âge, d'être prof." lui indiqua Cayden avant de sourire doucement. "Bien sûr que nous pouvons sortir. Moi aussi, ça me met mal à l'aise cet endroit... tellement de gens qui semblent tristes ou qui ont mal." Il frissonna, faisant tomber des plumes sur le sol, et rougit en se baissant les ramasser. "J'en perds beaucoup dernièrement..." marmonna-t-il en les fourrant dans ses poches.