« La notoriété, non, la jalousie, bien plus. Peut-être est-ce mal placé d'en parlé devant votre fils, navrée. J'ai pensé égoïstement que partager cela me ferai du bien, ce fut le cas, ... » Bien qu'elle fut loin d'avoir tout dit. « ... mais je ne pensais plus que cela pourrait vous importuner. »

Elle sourit en direction du jeune garçon « Non en effet, la jalousie n'est pas un bon sentiment, quoique bien maîtrisé il peut être un tremplin, la plupart du temps il est surtout un vecteur de haine. »

Au delà de trouver l'idée fort amusante Sveta dut admettre qu'elle était loin d'être stupide. « Je n'y avait jamais pensé. Mon visage, enfin surtout mes cheveux sont tellement devenus des traits permettant de me reconnaitre que je n'ai jamais le loisir de dissimuler mon identité par un faux nom. Auriez-vous une idée derrière la tête ? »

L’exercice était nouveau pour Yeva, qui prit une nouvelle gorgée de son café en réfléchissant à une proposition. « Hmm, il y a une pièce que vous aimez particulièrement avec un personnage dont vous pourriez emprunter le nom? Voire mieux: deux personnages qui vous prêtent l’un son prénom, l’autre son nom de famille. »

Sveta réfléchit longuement, si bien qu'on l'eut pu croire en plein AVC si elle ne clignait pas des yeux. « Mh... Que dites vous que Fœdora Aleksaïevna Belinskaïa ? Je suppose qu'ici personne ne connait le personnage de Fœdora de toute manière ? »

Le silence se fit pendant la réflection de la chanteuse, rompu uniquement par le bruit du papier quand Yeva déballa un biscuit qu'elle avait reçu avec son café. Elle le planta dans le sorbet d'Isaak, qui se hâta de goûter cette combinaison. En entendant le nom que la jeune femme s'était choisi, Yeva réfléchit un moment. « Hmm, le nom ne m’est pas familier en tout cas… »

Svetlana eut un sourire derrière sa tasse de café. « Dans ce cas si vous lisez le français il faudrait que je vous fasse découvrir cet ouvrage d'une rare justesse intellectuelle. » l'ironie était surtout que le personnage était tout l'inverse d'elle.

« C'est tout à fait normal, le français est très difficile à s'approprier, moi-même, bien qu'ayant vécu treize ans en France et toute mon enfance avec un père français j'ai toujours des doutes sur certaines tournures de phrase ou certains mots. » Quoiqu'elle en disait Svetlana avait tout de même un très beau langage français, pas à la hauteur de la haute bourgeoisie parisienne, certes, mais elle dépassait largement le niveau moyen des français.

« Vraiment? » L’exclamation lui avait échappée avant qu’elle puisse se retenir, et elle reprit sur un ton plus calme. « Pardonnez ma surprise, c’est juste que… Quand vous parlez, votre accent est parfois… C’est-à-dire, je croyais que c’était français, mais je dois me tromper. Pardonnez-moi. »

Elle laissa échapper un rire, quelque peu amusée de l'incompréhension et de la surprise de son interlocutrice elle tenta de ne laisser rien paraître tout de même, pour ne pas la froisser. « Vous ne vous êtes pas du tout trompée rassurez-vous. J'ai juste un peu de mal à perdre l'accent, et je maîtrise mal la langue simplement parce qu'elle est d'un complexe infâme, et plus vous montez dans le niveau de langue plus elle devient complexe. »

« Je vois. Je vous crois sans mal quant à sa complexité. » Ou plutôt: elle partageait son avis, puisqu’elle s’était elle-même frottée à cette langue. « Pardonnez ma curiosité, mais vous êtes rentrée de France récemment pour encore en avoir l’accent? » Elle avait beau faire de son mieux pour ne pas se mêler des affaires des autres, une fois de plus sa curiosité avait eu raison d'elle.

Svetlana se frotta la joue un seconde et enchaîna « Oh, et bien, moins d'un an il me semble. Je suis arrivée en début d'année. »

Elle avait vécu treize ans en France et venait à peine de rentrer, donc peut-être... « Vous y étiez pour l’Exposition Universelle? J’ai entendu dire que c’était un événement fascinant. » Evidemment, elle ne pouvait pas être certaine que son interlocutrice avait vécu à Paris… mais la capitale était un lieu qui devait attirer de nombreux artistes, donc il y avait de bonnes chances.

Le nom semblait familier à Yeva, mais elle mit un moment à se rappeler où elle l'avait déjà entendu. « Eiffel… Ce n’est pas le nom d’une tour aussi? »

« Si, c'est bien cela. » Elle afficha un sourire, celui ci était cependant artificiel, elle ne voulait pas importuner plus que de raison la jeune mère face à elle. « C'est la même entreprise qui a construit la tour Eiffel, et tant d'autre constructions à travers le pays, des ponts majoritairement. Papa s'occupait justement des ponts ferroviaires. »

Elle pinça les lèvres et haussa les épaules « À ce point ? Je n'ai jamais vraiment pris le temps de m'intéresser à ce qu'il faisait. Vous assistez souvent aux négociations du travail de votre mari ? »

Sveta eut un petit rire, se moquant d'elle-même. « Oh d'accord. Autant pour moi, j'vais cru que vous accompagniez votre mari à son travail. Votre version est plus cohérente. »