"Mais pourquoi le Seigneur serait-il en colère contre toi ?" demanda gentiment Mikhaïl en repoussant une mèche de cheveux qui était tombée sur le visage du garçon. "Ce n'est pas parce que tu es malade que cela signifie qu'Il est fâché contre toi, crois-moi." Il tendit la main à Patya en lui indiquant qu'ils pourraient aller s'asseoir devant la statue de Jésus, ce qui serait plus confortable. "Et si tu veux, tu pourras me dire pourquoi tu te tracasses autant."

"Si on ne confesse pas ses fautes, ses graves fautes, le chemin pour atteindre le Paradis sera plus long. Mais au final, c'est devant Lui qu'il faudra passer, confessé ou non." Mikhaïl tourna son regard vers le Christ crucifié qui les surplombait. "On ne se connaît pas très bien, pas encore. Mais sache-le, Patya, je ne cherche qu'à t'aider. Tu as l'air si malheureux."

"Tu es bien jeune pour te poser autant de questions. A ton âge, tu ne devrais penser qu'aux prochains jeux qui rythmeront ton quotidien. Tu sais, moi aussi, quand j'étais jeune, mes frères m'embarquaient dans de nombreuses bêtises. Ce ne sont que ça, Patya, des gamineries d'enfants. Tu n'as pas à t'inquiéter de ça." Il le regarda d'un air doux. "Alors Patya, dis-moi, que s'est-il passé ?"

Il se mordit plus fort. Il voulait parler, ne voulait pas trahir ses parents, voulait s'aliéner l'amour de Dieu, ne voulait pas condamner sa famille, voulait faire confiance au Père Micha… Tout ça, c'était trop compliqué. Il voulait partir en courant. Il serra ses petits bras autour des ses jambes pour ne pas leur obéir. J'peux pas, répondit-il d'une voix étranglée.

Non ! s'empressa-t-il de répondre. Enfin il avait promis à ses parents, certes, mais on ne pouvait pas vraiment dire que c'était à cause d'eux. Et puis il sentait dans la question du Père Micha qu'il cherchait à savoir si quelqu'un lui avait fait du mal. C'était comme ça que les adultes demandaient les choses. "Est-ce que c'est à cause de Viktor — la brute du village — que tu ne veux rien me dire ?" En conséquence, il comprenait aussi que ce n'était pas une accusation à son encontre.

Patya le regarda faire sans comprendre. Que fabriquait-il derrière ce taillis ? Le petit garçon en était encore à se demander ce que le prêtre pouvait bien y cacher lorsque la chouette surgit pour s'envoler jusqu'à une branche. Par réflexe, il fit un pas en arrière, mais ne s'en fut pas. Il fixait l'animal sans comprendre, trop abasourdi par sa soudaine apparition. … Père… Père Micha ? hésita-t-il en direction du buisson.

Le harfang fixait l'enfant de ses yeux dorés avec comme... oui, une étincelle de douceur inhabituelle dans un regard animal. Même amusé, ce que Micha était réellement au fond de l'esprit du hibou. Même si la situation était grave et potentiellement dangereuse, il ne pouvait s'empêcher de pouffer intérieurement de rire. Tâchant de garder son sérieux, il hulula un acquiescement pour attirer l'attention de Patya. La véritable réaction de l'enfant à son égard n'allait pas tarder.

Au moins, Patya n'avait pas hurlé en comprenant ni ne s'était enfui. Le harfang lisait de l'incrédulité dans son regard et son odeur. Il hulula de nouveau, doucement, pour ne pas l'effrayer et se laissa planer vers le sol pour se poser devant l'enfant. Ce dernier était maintenant plus grand que lui, ce qui pouvait participer à l'apaiser (ou pas, avec la proximité). Sa tête tourna à 90° C de droite à gauche pour observer plus attentivement Patya qui restait figé devant lui.

Le petit garçon déglutit et referma la bouche. Il fixait l'oiseau avec fascination. Il l'observa un long moment puis, lentement, s'accroupit pour mettre son visage à sa hauteur. Ou presque. Mille questions tournaient dans sa tête, il ne parvenait à en fixer aucune. Il tendit une main timide pour caresser les belles plumes blanches du bout des doigts, oubliant presque que c'était un prêtre sous cette apparence.

Patya retint son geste quelques secondes et observa le mouvement singulier du plumage. Puis il retint inconsciemment sa respiration et effleura du bout des doigts les plumes immaculées, comme pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un rêve. C'était plus doux qu'il ne s'y attendait. Il retira sa main et reprit son souffle. Son regard croisa celui de l'oiseau et un mince sourire colora son visage. On dirait des plumes d'ange, murmura-t-il.