The happy thieves. Des cambrioleurs qui font la une des tabloïds dernièrement.

La raison de leur popularité est leur signature unique après chaque cambriolage réussi : un smiley tagué sur le mur avec juste au dessous une citation niaise. Est-ce qu'ils sont ironiques ? Ont-ils été traumatisés par le positivisme exagéré ? Ou est-ce que ces citations sont des indices concernant le prochain endroit où ils vont frapper ?

Bah, on aime bien se baigner dans ce flou artistique d'hypothèses diverses et jamais confirmées. (J'me demande si c'est comme ça que J.K. Rolling s'est sentie). Ça fait d'ailleurs des soirées arrosés plutôt fun, à lire des posts sur notre reddit dédié.
C'est très rare, mais y en a qui réussissent à deviner des trucs hyper précis sur nous en partant d'un rien. Il y a ça, et les posts trop toxiques — Joy s'en fout, mais moi généralement, j'évite de les lires — y a des gens vraiment méchants sur le net de nos jours, eh ?

Mais là, il fait nuit. Et heureusement qu'on est déjà à l'intérieur de la maison, parce qu'on se les gèle dehors. J'aurais bien aimé fumer, mais j'ai pas envie de laisser des traces de nicotine ou quoi. Au début je m'en foutais mais là j'fais de plus en plus attention, ça rend parano ces mentalistes du net.

En attendant que mon USB hack le pc de notre hôte, je cherche un truc à grignoter dans les placards du haut (portant des gants bien sûr).

"Ah, p*tain j'ai encore mal au dos."

Pendant que Serah était parti dans la cuisine, Joy réfléchissait à la citation inspirante de ce soir. Et puis tout à coup, un éclair de génie la traversa. « Yiiiiiin ? » appela-t-elle. Yin et Yang, des petits surnoms affectueux, qui évitaient surtout de laisser échapper leurs noms  à des oreilles -ou micros- indésirables. N'ayant pas la patience d'attendre qu'il arrive, c'est elle qui se précipita vers lui. « J'ai un truc ! Qu'est-ce que tu dis de "Demain, je me lève de bonheur" ? De bonne heure, bonheur, tu captes ? » finit-elle avec un sourire éblouissant, presque autant que les pubs de dentifrice.

Je la regarde un moment avec un paquet de crakers au fromage dans les mains. Hah. "Parce que mon avis changera quoique ce soit ? Non, j'crois pas." Si mon oppinion était écoutée ça aurait fait longtemps que les noms...urg... Yin et Yang auraient été avortés - beuh, trop cheesy. Ah en parlant de cheesy, ce cracker au fromage est vieux - bien sûr que ma sale chance fait que je tombe sur un vieux biscuit dans une maison où le plafond fait trois fois ma taille. Figures.

Joy répondit par un clin d'œil. « Allez, admets que c'est du génie ! » Elle sautilla vers lui et piqua un gâteau dans le paquet, avec une attitude joueuse, trop vite pour qu'il ait le temps de la prévenir. « Bleurg, dégeu ! » fit-elle avec une grimace, après avoir goûté le bout de cracker rassis. Elle ria. « Pas fichu d'avoir des trucs comestibles ce vieux ? Y'a intérêt qu'on ait plus de chance avec son pc ! »

"P*tain, c'était déjà assez casse-co*illes de contre carrer tout son système de sécurité. Si en plus y rien qui valait tout ce--" Un ping venant du PC m'interrompt dans ma tirade ; je me penche légèrement contre la table pour voir que la session d'administrateur est dévérouillée. "Uaip, i'm in." Y a que les faux-hackers (comme moi) qui aiment encore sortir ce meme démodé.
Je jette le paquet de biscuits expiré dans la poubelle à portée et tire la chaise pour m'asseoir. "T'as rien trouvé d'intéressant à l'étage au fait ?"

Même si on est toujours à l'intérieur, on porte des demi-masques sur les yeux et un changeur de voix contre la gorge.

Elle sortit une dizaine de bagues de ses poches. « Yep, tout ça. Y'a aussi du parfum, et plusieurs sacs Dior si on a la place. Ça  pue les cadeaux de sugar daddy, ou pire, mais bon pour nous c'est tout benef'. » Joy avait un visage plus sérieux, et c'était suffisamment rare pour le remarquer. Elle s'empêcha de penser au temps où elle avait envisagé ce recours, et reprit un sourire en repensant au pc. Elle se pencha par dessus l'épaule de Serah pour observer l'écran. « J'aimerais bien trouver des petites crasses histoire de pourrir sa carrière, mais j'imagine que la priorité est au port'feuille bitcoin ? »

"C'est devenu une vandetta, maintenant ?" J'ai remarqué le ton de Joy changer, mais je continue sur ma lancée. Ma recherche ne se montre pas très fructueuse cependant. Il y a quelques e-mails de boulot, mais j'ai pas la tête à décortiquer les excels. Je murmure, "Moins j'en trouve, plus c'est suspect." Attends, je réalise un truc qui me dérangeait depuis tout à l'heure. Je me tourne vers Yang. "T'as dit que t'as trouvé des sacs et parfums ? Qu'est-ce qu'il ferait avec ça chez lui?" C'est pas plus simple de les acheter sur place que de les collectionner dans sa chambre? Et puis, à notre connaissance, il vit seul.

Insouciante, Joy le regarda avec un air étonné. « Ben j'sais pas, il stocke ça pour plus ta... » Elle finit par comprendre que quelque chose faisait tiquer Serah. Depuis qu'elle le connaissait, il avait toujours eu cet air nonchalant, qui cachait en réalité un esprit vif -même si parfois trop pessimiste !- qui voyait venir les problèmes de loin. C'était plutôt lui, en général, qui les empêchait de faire des bêtises, tandis qu'elle poussait le groupe au fun et aux prises de risques. Elle plissa les yeux. « Euh, tu penses à quoi ? »

"J'pense que je sais pas comment ça fonctionne ces business de sugar daddy." Dis-je en haussant un peu l'épaule, puis en me redressant. "Et que j'ai envie d'une nouvelle montre." Ajoutai-je avec un sourire lancé vers Joy, avant de me me lever et de me diriger vers la sortie de la cuisine, balayant l'endroit du regard. C'est vrai qu'on avait visé ce vieux pour son portefeuille bitcoin, mais si ça se trouve il y a d'autres trucs qu'on a passé outre ?

Rassurée, Joy repassa en mode détente. « 'me fait pas peur pour rien ! » fit-elle en soupirant pour de faux. Puis, elle lui lança : « Traîne pas trop, je commence à avoir faim ! » Le regard taquin, elle se dirigea vers le mur qu'elle avait choisi pour le tag, un assez grand mur bien blanc dans le salon, en face de l'entrée. Elle avait déjà tracé le smiley en très gros, elle avait même dû monter sur le canap' pour ça vu sa petite taille. Elle se mit donc à ce qui manquait : la catchphrase !

A l'étage, il y avait 6 pièces ici : une salle de bain, un bureau avec bibiliothèque, la chambre à coucher, une chambre-grenier et deux chambres d'amis. Sentant la migraine à la vue de la chambre-placard rempli de tout et de rien, il passa outre et se dirigea directe vers la chambre à coucher principal. Grande, avec une lumière tamisée laissée. Il commença par chercher, et 15 minutes plus tard, il en ressort avec deux montres, un bloc de cartes mémoires et une bonne anecdote pour Joy lorsqu'il la rejoint en bas. "T'as vu qu'il avait une oui-ja et une poupée vaudou? Je l'imaginais pas le genre versé dans l'occulte."

« Oula non j'ai manqué ça ! » fit-elle en terminant son tag. Elle observa le résultat avec une moue satisfaite, et sauta du canapé pour atterrir devant Serah. « J'aime pas trop ces trucs là, je préfère quand ils sont moins occultes et plus ... mystiques ? Surtout quand 'y a la collection de pierres magico-précieuses qui va avec. » dit-elle avec un sourire en coin. « L'ordi a fini de tourner ? » demanda-t-elle en regardant l'heure.

Je ricane légèrement sur la vanne des pierres, avant de tourner mon regard sur la citation. Hmm, c'est tellement random que je vois mal comment ils pourront nous profiler avec ça. Je me dirige ensuite vers le PC, le tourne, le fauche de sa carte mémoire, avant de me tourner de nouveau vers Joy. "Bon, la flemme en fait. Et cet endroit ne m'inspire pas confiance. Et j'ai faim." Avec les cartes mémoires que j'ai récupéré, j'aurai de quoi me distraire en rentrant. Je regarde une dernière fois autour de moi pour vérifier qu'on a rien oublié. "On bouge ?" J'ai envie de thaï.

« J'te suis ! » Elle embarqua un des sacs dans lequel elle avait fourré tous les parfums et autres trucs de valeur, faisant semblant de se plaindre. « Pff, comment c'est looourd ! » La récolte avait été correcte ce soir. Aussitôt dehors, les happy thieves entendirent des sirènes de police au loin, mais impossible de dire si celles-là étaient pour leur pomme. « Un petit break, ça va pas faire de mal ! » fit-elle en baillant.

"Ca doit être le poids des pêchés du vieux, sûrement." Répliqua-t-il en guise de blague (sinistre?). Sera eut la pétoche par contre en entendant la sirène des flics, mais vite se rassura lorsqu'il les trouva arrêtées dans un bloc plus loin. Tous les deux empruntèrent des ruelles en se dirigeant vers une voiture qu'ils avaient garée plus loin (avec fausse matricule bien sûr). Une fois à l'intérieur, il mis le contact et activa le chauffage. Puis clapa ses deux mains ensemble pour souffler dessus. "On n'est pas suivis, c'est bon ?" Demanda-t-il à sa collègue tandis qu'il jetait un autre coup d'œil autour de lui sans trop bouger.

Joy s'affala dans le siège avec un grand sourire. Elle s'étira confortablement, puis mis ses mains juste au dessus du chauffage. « Aucune chance, ya' personne à la ronde ! » dit-elle, confiante. Elle bailla à nouveau, épuisée par la soirée. Histoire de se réveiller, elle alluma la radio. Une chanson populaire se mit à résonner dans l'habitacle. ♫ Bring me down, my level's too high to bring me down, can't nothing ~ ♫

Je tente de rester concentré et vigilant lors de ma conduite. C'est pas le moment de se relâcher jusqu'à ce qu'on rentre à notre QG. Bon, certes, même si la chanson me donne grave envie de me relâcher. "Thaï ?" Je lui propose, jetant des coups d'oeil au rétroviseur de temps en temps.

« Mmm ... » Quelle question difficile. Tout était si délicieux ! Joy avait toujours envie de tout. Tout ce qui était gras, mind you. Perdue dans ses réflexions, elle pensa à de la pizza, des sushis, des burgers et autres kebabs. Néanmoins, elle revint sur la proposition du thaï. C'était tout aussi délicieux. Et puis, si Sera l'avait proposé, c'est qu'il devait en avoir vraiment envie. Et elle voulait lui faire plaisir. « Ouaip, va pour thaï ! » Du coin de l'œil, elle repéra qu'ils étaient bientôt arrivés. Elle détacha sa ceinture quelques secondes avant que la voiture ne s'arrête, par habitude.

J'ai bien vérifié, mais personne ne nous a suivi à ma connaissance.
J'enlève ma ceinture, presque prêt à abaisser ma garde quand... j'attrape soudainement le poignet de Joy avant qu'elle ne sorte de la voiture. "Attends..."
En bas de notre immeuble, se trouvait un gars que j'ai reconnu de loin. Un gars que je connaissais, c'était un des... fans de Joy.
Mais quel parasite insistant bordel. Il l'attendait probablement. "Tch. Je croyais que t'avais plus eu de ses nouvelles depuis la dernière fois ? "

Joy se figea. « Ben oui, oui, je l'ai bloqué partout ... » La jeune fille avait cru que le problème était réglé. Le mec l'avait spammé de messages sur tous les réseaux depuis quelques mois, et ça n'était pas le premier. Depuis qu'elle avait lancé sa chaîne Yootube pour y poster ses cover de chansons, c'était déjà arrivé plusieurs fois, mais jamais au point que le gars vienne l'emmerder chez elle. Et la dernière fois, c'était Serah qui l'avait renvoyé d'où il venait, parce que bon, avec leurs autres activités, la police était moins envisageable.

J'hésite à sortir la batte de baseball du coffre pour régler son horloge interne - car il fait sacrément tard (en même temps, les stalkers s'en foutent de ça j'imagine). "Tu crois qu'il attend depuis combien de temps ?" Demandais-je avec une grimace. Je réalise qu'il y a pas mal de boîtes noires autour de nous, un peu risqué de sortire la batte. "Hah. Qu'il crève dans le froid jusqu'au matin alors. On va au QG ? Ou t'as une meilleure idée ?"

« Non non, le QG c'est bien ... » répondit-elle avec une petite voix. Joy regardait ses mains et semblait se recroqueviller sur son siège. Le contraste avec son attitude ordinaire était flagrant. Elle était à présent submergée d'émotions, de honte d'être dans cette situation, de reconnaissance envers Serah mais de culpabilité de devoir compter sur lui et de lui apporter des problèmes supplémentaires, et un tas d'autres choses qu'elle n'arrivait même pas à formuler.

Joy éclata de rire. « Ohlala il serait complètement framed, aucun moyen de savoir que c'est nous, genre c'est juste le karma quoi ! » La tension disparut de ses épaules tandis qu'elle riait, avec de petites larmes au coin des yeux. Elle était très reconnaissante. Elle n'envisageait même pas de le faire pour de vrai, mais rien que le fait que Serah le propose faisait qu'elle se sentait soulagée. Parfois, il semblait être son seul allié au monde.

Je suis totalement sérieux, yo. Bien que que je sens mes propres épaules se relâcher légèrement en voyant les siens se détendre. "On est le karma, après tout." Bah, je lui ai lancé l'idée, elle me la sortira si elle est interessée. En attendant, je cherche dans le radio une bonne musique pour remplir le trajet jusqu'au QG.