Nano. RolePlay

Rappel du premier message :



Cýrus s'est calé dans un coin de la cafétéria pour travailler en grignotant. C'est pas vrai du tout. La bibliothèque était trop pleine et hors de question qu'il aille se trouver un banc dans une cour. Une cour ! Non mais allo ! Alors à défaut de se trouver une salle de classe vide (ou simplement ouverte), le voilà attablé à la cafèt. Le snack, c'est un bonus non négligeable (une barre chocolaté et un thé au citron froid). Et puis comme il a un peu l'air de travailler et qu'il n'est pas spécialement populaire, personne ne vient... l'embêter. Ahem.

La vérité vraie, c'est qu'il se fait chier. Il est studieux, son cours il le connait par cœur et ses devoirs sont déjà faits. Il veut juste pas rentrer chez lui parce qu'il a vu un petit essaim de moucherons pile au moment où il allait sortir. Bon ben il est pas sorti.

Il pousse un grooos et looong soupir en regardant par le fenêtre. D'aucun dirait que c'est très bucolique — ou autre adjectif ridicule du même accabit. C'est pas bucolique, c'est l'Enfer sur Terre ! Il a bien essayé d'avoir un masque intégral, mais ses parents n'ont jamais voulu (trop la honte !). À la place, il a des chaussettes très hautes sous son pantalon à élastique, des chaussures montantes, un pull à col roulé rentré dans le pantalon et serré par une ceinture, en enfin un bonnet qu'il sort de sa poche quand il doit aller dehors (quelque soit le temps).

Aaah... Cýrus...

Cyrus réprime une grimace. Il me voit travailler à l'Administration avec lui. Et comme je suis très bon dans tous mes cours, ça ne fait aucun doute pour lui : je vais marcher dans ses pas. Il découvre soudainement le bien que ça lui fait de l'exprimer à voix haute. La seule personne au courant à ce jour, c'est sa grand-mère qui a promis de ne rien dire — surtout parce qu'il doit prendre son courage à deux mains comme un grand (vous voyez le truc). Mamie plairait à Tanis.

Je comprends que ça puisse te peser. Les parents sont toujours bien attentionnés, mais ils se laissent parfois aveugler par les rêves qu'ils ont pour leurs enfants, n'est-ce pas ? Java s'interrompt pour lancer un regard compréhensif à Cyrus puis reprend, ne voulant pas que Cyrus se sente obligé de répondre à une remarque si directe. Sait-il à quel point la chimie te passionne ?

Il hausse les épaules, défaitiste. Je crois pas. J'en ai parlé, il y a quelques années, mais il a pas pris ça au sérieux. Je crois qu'il envisage pas qu'un fils de Shamans puisse sérieusement s'intéresser à une carrière humaine. Il entend, mais il écoute pas ; j'ai très vite arrêté d'en parler. Et puis sans mentir, Cyrus, t'oublie la moitié de l'histoire. Parce que clairement, il y a une autre raison, hein. Une raison qui convainc ta mère aussi, d'ailleurs.
J'te jure...

Ah, c'est sûr que ce n'est pas un sujet évident... Java se tait, un peu à court de mots. Il est peiné chaque fois qu'un de ces jeunes shamans lui raconte ses déboires, mais hormis leur prêter une oreille attentive et leur remonter le moral, il a peu souvent l'occasion de les aider. As-tu au moins quelqu'un à qui tu puisse parler de ton rêve ? ce n'est jamais bon de tout garder pour soi. Ta mère, par exemple, que pense-t-elle de tout ça ?

Il faut croire que Java a bien pénétré ses défenses parce que les vannes sont ouvertes. Elle, heu... Ha! Comment tu fais, maintenant, hein ? T'es coincé. S'il n'était pas aussi bien élevé, il aurait lâché un juron. Contre lui-même. Ça te dit qu'on accélère ? Y a des trucs que je peux pas dire dehors. Euphémisme. Il a tellement peur que son secret fasse le tour de l'école. Il préfère être le fils de Shamans chelou qui se la pète que le pire trouillard du monde.

Eh bien, Java a visiblement encore touché un point sensible. Flûte, ce n'est pourtant pas comme s'il les collectionnait volontairement ! Allons-y, alors, je te suis, répond-il, conciliant. Puis il devient franchement contrit. Excuse-moi si je t'ai mis mal à l'aise, je suis un incorrigible curieux.

Il ne répond pas. Ce qui le met vraiment mal à l'aise, ce n'est pas tant Java que la facilité avec laquelle il en est venu à se laisser aller. Peut-être a-t-il atteint un ras-le-bol, sa coupe est pleine, il a besoin d'écoper en se confiant à quelqu'un. Il hâte le pas jusque chez lui, invite diligemment Java et va directement dans sa chambre où il quitte gants, capuche et bonnet. Je te proposerait bien un truc à boire, mais, hem... Bref. Fais comme chez toi.

Java suit Cyrus jusque dans sa chambre en dansant d'un pied sur l'autre et en même temps en regardant un peu partout, franchement curieux. Ca a toujours un petit côté fascinant, les maisons de shamans. Puisqu'on lui propose si gentiment, il finit par s'affaler sur le pouf en face du lit de Cyrus et se tortille un peu pour trouver une position confortable. C'est cosy, chez toi, fait-il remarquer poliment.

HRP:

Merci, répond-il machinalement en sortant la petite bombe insecticide de sa poche pour en vérifier le contenu. Il la reremplit sans un mot, ce qui lui donne quelques instants pour rassembler son courage. Java va-t-il se moquer de lui ? Il ne peut s'empêcher de l'envisager et ça le tétanise.

D'accord, Java est curieux. Très curieux même. A tel point qu'il dévisage ouvertement Cyrus et sa bouteille d'insecticide. C'est qu'il a du travail s'il veut annihiler ces petites bêtes ! Mais c'est vrai que c'est plus confortable quand ils ne grouille pas dans ta chambre. Java croyait que les shaman avaient des techniques pour éviter que les insectes rentrent dans les maisons mais deux protections valent mieux qu'une. Anyway... J'espère que tu ne te prive pas pour moi, mon cher. Si tu veux boire ou manger quoi que ce soit en ma présence, ne te gêne pas. La plupart des jeunes shamans se sentent mal à l'aise avec ça, alors il préfère préciser.

Ça va, dit-il d'une voix fébrile. Il a la gorge trop nouée pour avaler quoique ce soit, de toute façon. Sa bombe remplie, il s'assoit gauchement sur sa chaise de bureau et fait face à l'Esprit. Mais il évite son regard. C'est la première fois en quinze ans qu'il en parle. Enfin, c'est vite dit, il n'a encore pas desserré les dents. Il bloque sa respiration et se jette au feu : Tout à l'heure, à la cafèt... J'y étais pas pour réviser... Mais parce que j'ai vu des moucherons au moment de sortir... Il se ratatine comme un bonhomme de neige en plein cagnard.

Java a un peu de mal à suivre ce qui se passe dans la tête de Cyrus, mais il voit quand même que le pauvre garçon ne se sent pas très bien (oui oui). Eh bien quoi, il a peur des moucherons ? Tout le monde a bien peur de quelque chose ! C'est d'ailleurs ce qu'il dit à Cyrus pour lui faire abandonner sa posture de chien battu. C'est ça ou balancer des arc-en-ciel partout dans la pièce. Hauts les cœurs, mon garçon ! Ca ne peut pas être si terrible !

Cyrus a un petit rire amer, puis il pousse un gros soupir et rejette la tête en arrière.  Son regard parcourt machinalement le plafonds et les coins à la recherche d'un indésirable à gazer. Réflexe. C'est pas que les moucherons. Sa tête bascule jusqu'à croiser le regard enjoué de Java. Je suis apiphobe, scoleciphobe, mymécophobe, arachnophobe, lépidophobe et j'en passe. Il regarde à nouveau le plafond. C'est la honte internationale.

Java se prend à reconsidérer l'idée des arc-en-ciel. Ca lui épargnerait la peine de répondre à cette longue litanie de termes technico-incompréhensibles qui n'ont absolument pas éclairé sa vision de la situation. Et Cyrus aurait quelque chose d'intéressant à contempler au plafond. Mais il reste au moins quelque chose à laquelle il peut répondre, son ton doux contrastant avec l'énergie de ses propos : Ne sois pas ridicule ! La honte, c'est pour ceux qui n'ont pas la conscience tranquille ! Et je doute fort que ce soit ton cas !

Il ferme les yeux une seconde et pose à nouveau son regard sur Java. J'ai la conscience tranquille, je me sens pas coupable, explique-t-il. Mais je suis rationnel, c'est grave la honte d'avoir peur d'un moucheron. C'est... épidermique. Je peux juste pas supporter l'idée qu'ils m'approchent, qu'il se glisse dans mes vêtements... Il réprime un violent frisson et se redresse en soupirant. Tu vois ce que je veux dire ?

Java résiste à l'envie de se gratter. Il a comme qui dirait l'impression que ce serait mal perçu mais il a terriblement envie, ça lui fait toujours ça quand on parle de moustiques et tout le tralala. Mais reste concentré Java ! Nous avons tous nos petites manies et nos peurs inexpliquées tu sais ? Et si quelqu'un se moque de toi pour ça, ce sont des imbéciles ! Il s'échauffe un peu, le lamacorne, mais il déteste les gens méchants. Tu as déjà pensé à demander de l'aide à des esprits ?

Cyrus en reste coi quelques instants. Jamais de la vie il dérangerait un Esprit pour ça... C'est trop la honte !! (Oui ben il peut pas penser à autre chose, faut l'excuser.) Non non non, ils ont bien mieux à faire ! Et puis si jamais Java pense à l'Esprit du Courage, alors là c'est non non non non non non non non à l'infini. Si c'est pour se retrouver confronter aux petites horreurs, autant mourir tout de suite, ça ira plus vite !

Penses-tu, réponds Java en reniflant. La plupart d'entre eux se tournent les pouces toute la journée ! Tiens, l'Esprit de la Tapette à Mouche par exemple. Il passe son temps à bronzer sur une terrasse de l'Ile des Esprit, pépère ! Crois-moi ça lui ferait du bien d'avoir un peu de travail, à ce fainéant ! Et ca t'éviterais de devoir te couvrir des pieds à la tête à chaque fois que tu sors.

Heu... Cyrus ne sait pas quoi répondre. Il sait que certains Esprits ne sont pas des bourreaux de travail, mais de là à les traiter de fainéants, il aurait jamais osé. À part l'Esprit de la Fainéantise, évidemment. Ben... Il est cassé. Je vois que ça.

Et l'Esprit des Bulles de Savon ? Lui aussi a pas grand chose d'intéressant à faire, et ça pourrait marcher, comme protection, reprend Java. Il a un peu oublié la présence de Cyrus, trop occupé à fouiller sa mémoire en quête du meilleur candidat pour aider le pauvre garçon. Ou bien un de ces esprits des vents, là. Il y en a des dizaines, on doit bien pouvoir en débaucher un pour toi ! Qu'est-ce que tu en dis ? Tu préfère l'esprit du Sirroco, l'Esprit du Zéphyr ? L'Esprit du Mistral ? Quoique... celui-là est peut-être un chouilla trop fort pour toi.

Cyrus écoute un peu hébété. Il ne s'attendait certes pas à ce que Java se fiche de sa tronche ou le tourne en ridicule, mais il ne s'attendait pas non plus à ce que l'Esprit millénaire cherche une solution avec autant d'enthousiasme. Je... ne vais pas monopoliser un Esprit pour ça, quand même... Ce serait... un peu égoïste, non ?

Un ricanement bien peu digne de son standing échappe à Java et il prend un air faussement affligé. Parce que tu crois que tes camarades se gênent pour se servir de mon pelage comme d'un oreiller anti-déprime à toute heure du jour ou de la nuit ? Ou tes professeurs quand ils m'embauchent manu-militari pour baby-sitter leurs enfants ? L'expression de Java s'adoucie considérablement. Le propre des Esprit, c'est d'aider les humains qui leur permettent de subsister, mon garçon. Et ça n'implique pas forcément de sauver le monde.

Java a raison. D'ailleurs, Cyrus n'a jamais éprouvé le moindre remord à invoquer un Esprit. Son seul frein dans sa situation, c'est la honte. C'est vrai. Il réfléchit un instant. Un Esprit du vent, ce serait pas mal. C'est plus discret. Et il faudrait un vent moins sollicité que les autres, histoire qu'il ne se fasse pas invoquer par plus fort que moi. Il a une très haute opinion de ses talents, mais il n'est pas naïf. Il sort son téléphone pour faire quelques recherches.

Java hoche la tête en réponse, content de voir Cyrus s'investir dans l'idée. Bien que le jeune homme ne l'écoute plus que d'une oreille, les yeux rivés sur son téléphone (il doit avoir ouvert le moteur de recherche des shamans, Alakazam), Java continue son blabla sur les Esprits venteux de sa connaissance. Si tu veux plutôt un esprit local, il y a aussi Pampero, Sudestadas et Zonda. Les deux premiers je ne les connais pas bien mais Zonda est un bon ami à moi.

Oh ? fait Cyrus en relevant le nez de son écran. Il y a tant de vents que ses recherches allaient lui prendre des heures avant de se décider. Un coup de pouce de l'intérieur n'est pas de refus. Et puis un bon ami de Java, c'est forcément un Esprit sympa.